POUR LE MATIN. Vertu. LA CHARITE L Ecriture,dit faint Auguftin, ne défend rien que la cupididité, & ne recommande autre chofe que la charité. En effet fans la charité, la Religion eft un corps fans ame, la foi eft inutile, l'efperance est vaine, la pieté n'eft qu'hypocrifie, les vertus font fauffes, & le martyre même ne fert de rien. Et au contraire tout eft bon, tout eft utile & avantageux par la charité. C'eft pourquoy toute l'application du Chrétien doit tendre à former cette vertu dans fon coeur. C'eft la robe nuptiale fans laquelle fe prefenter au banquer celeste & aux nôces de l'Agneau, c'est en vouloir être exclus honteufement. Il faut donc bien méditer ce double précepte de l'amour de Dieu & du prochain que JESUS-CHRIST nous a donné de nouveau,& dont l'efprit & la grace eft proprement ce qui l'a fait décendre du ciel pour s'incarner, s'incarner, & pour nous la mériter par le facrifice de fon fang & de sa mort sur la croix. Que nous ferons heureux, fi en nous appliquant fes mérites: & en exerçant fur nous fon fou verain pouvoir, il fe fait aimer de nous & comme Dieu & comme homme Dieu, en nous fai fant accomplir exactement & de bon cœur tout ce qu'il demande de nous. Car c'est là la marque' veritable & qui ne trompe point de l'amour que nous avons pour Dieu & pour Jefus - Christ: & c'eft Jefus Chrift même qui nous l'a donnée : Si vous m'aimez, gardez mes Commandemens. Plus donc nous aurons de zéle pour la Loi de Dieu, & que nous aimerons à la connoître, à nous en remplir, à nous y foumettre, plus nous auronsdequoy nous affurer de nôtre amour pour Dieu. Mais fouvenons nous toûjours que comme la mesure de l'amour que nous devons à Dieu, est de Paimer fans mefure; de même les bornes de l'attachement que nous devons à fa Loi, eft de n'y mettre aucunes bornes. Ainfi il faut aimer Dieu & fa Loi de plus en plus tous les jours ; les aimer de tout nôtre coeur, de toute nôtre ame, & de toutes nos forces; c'est-à-dire, en nous rendant fidelles à luy rapporter toutes les penfées de nôtre efprit, tous les mouvemens de nôtre S. cœur, toutes les actions, tous les deffeins, & toutes les circonftances de nôtre vie; tout cela étant à lui par tant de titres differens. C'est ce que Paul exprime en ces termes 3: Soit que vous mangiez, foit que vous buviez, & quelque autre chofe que vous faffiez, faites tout pour la gloire de Dieu. Cet amour doit être fi domi. nant & fi fouverain en nous, que tout ce que nous faifons en foit animé, n'ait point d'autre fin que Dieu; & que cet objet fouverainement aimable, nous attire toûjours à lui, & avec nous tout ce que nous aimons, fans qu'il fe faffe aucun partage, ni que le moindre petit ruiffeau fe détourne de cette fource de vie & d'amour. t Car quoy que l'amour du pro 1. Cor. 10, 334 chain nous foit aufli commande dans ce precepte, il ne peut affoiblir nôtre amour pour Dieu ;: puis que c'eft Dieu que nous devons aimer dans nôtre prochain. Quand donc nous aimons nos freres comme nous les devons aimer, & comine nous nous devons aimer nous-mêmes,nous les portons, autant que nous pou vons, à aimer Dieu de tout leur cœur & de toutes leurs forces. Le bien que nous devons fouhaiter à nos amis, c'est Dieu même, & c'eft pour Dieu que nous leur devons fouhaiter un fi grand bien. Ainfi l'amour de Dieu doit être le principe, la regle, la mefure, & la fin de nôtre amour envers le prochain. Si on examine à la lumiere de cette verité la plupart de ceux qui font profeffion ou de charité ou d'amitié envers le prochain, je ne |