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gard de cette paffion. Elle est la plus incurable, parce qu'elle eft la plus opposée à Dieu & la plus indigne de fa grace. Elle est la plus ruineufe & la plus pernicieufe, parce qu'elle ruine & rend inutiles toutes les autres vertus, toutes les bonnes oeuvres fans excepter le martyre même. Elle eft la plus fubtile & la plus trompeufe: car la naiffance des autres paffions eft ordinairement honteufe & fait peur par elle-même ; au lieu que l'orgueil naît de la

yertu même & de la victoire de tous les vices. Plus un homme merite de louanges, plus il a fujer de craindre l'orgueil. Il en eft bleffé & vaincu, dés qu'il les reçoit ; & fi en les rejettant par un genereux mépris, il femble demeurer victorieux & triompher, fon triomphe, s'il n'y prend garde, fait revivre cét ennemi & le

fait triompher à fon tour: Ecce vivo, quid triumphas ? & ideo vivo, quia triumpbas.

O Dieu, quel état eft celui de l'homme en cette vie? Eft-ce vivre que d'être à tout moment dans un péril prefent de perdre la vraye vie; de n'être pas en fureté dans un cloître, dans le fond d'un defert, au milieu des plus grandes aufteritez, de toutes fortes de bonnes oeuvres, de toutes les vertus les plus heroïques, en donnant tous fes biens aux pauvres, en livrant fon corps au martyre; puis que Porgueil qui fe gliffe comme un ferpent & fe cache fous ces fleurs d'une fi bonne odeur & fous l'humilité même, peut de là nous donner une picqure mortelle & nous faire perdre avec la vie le fruit de tous nos travaux & de toutes nos vertus? Aveugle

donc

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donc & infenfé celuy qui a de la peine à fuivre la voix de Dieu, quand il l'appelle pour le mettre à couvert de toutes ces craintes & le dérober pour jamais à toutes les tentations de cette vie malheureuse.

Concluons que rien n'eft plus défirable que la mort à qui a de la foi, & que c'eft quelque chofe qu'on ne peut comprendre que l'alliance de la connoiffance certaine & indubitable qu'elle nous donne, & que l'experience confirme de la mifere prefente & du danger où nous fommes par le combat continuel de la chair contre l'efprit & de l'efprit contre la chair avec cet amour prodigieux de la vie & cette crainte fi grande de la mort; comme fi nous

craignons d'arriver trop tôt au port, & de nous voir de trop Hh

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bonne heure en fureté,
Nôtre Pere qui êtes dans le ciel,
& qui voyez nos combats &
nos périls fur la terre, ne nous
abandonnez pas plus long-temps
à la tentation; tirez-nous à
& nous mettez à couvert

yous,
dans ce fein adorable

que vous ouvrez à vos enfans & où vous

les cacherez pour l'éternité.

POUR LE MATIN.

Vertu.

LA HAINE DU PECHE.

I

L n'y a point de vraye pe nitence fans la haine du peché, & cette haine doit être fouveraine. Car autant que Dieu eft aimable, autant le peché qui eft son ennemi, eft digne de haine. Dieu le hait luy-même fou

verainement, parce qu'il eft la bonté fouveraine : & il n'en faut pas d'avantage à une ame qui veut plaire à Dieu, & qui a fes interêts à cœur, pour luy inf pirer une aversion mortelle contre le peché. Nous ne pouvons mieux connoître jufqu'où va la haine que Dieu porte au peché, qu'en confiderant ce qu'il a fait pour le punir, pour le détruire, & pour nous faire un remede & un préservatif contre ce poifon.

Comment l'a-t'il puni? Un feul peché dans les Anges l'a été d'une maniere fi terrible, que la plus noble des créatures de Dieu, devient par là le monftre le plus difforme & le plus horrible de tous, & que fix mille ans de fouffrances pour ce feul peché, ne font encore que le commencement de leurs douleurs,

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