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vera ses projets réels, le plan de ce que les hommes qui avaient cherché à l'organiser, les patriotes les plus prononcés qui seuls alors se disaient hautement républicains, se proposaient de faire s'ils fussent restés vainqueurs. On y verra qu'après avoir exposé avec réserve ses vues, quand tout était encore à régler, ce parti se réduisit, du moment où la monarchie fut proclamée, à soutenir les principes de 1789, à demander des institutions qui, en garantissant quelque liberté à la nation, auraient aussi garanti au trône quelque durée. On y verra que, dans sa lutte contre les doctrinaires, son principal but fut toujours de prévenir l'invasion qui nous menaçait, qui nous menace encore, quoique, par un aveuglement impossible à prévoir, les rois aient laissé passer le moment favorable, et d'empêcher entre les citoyens des divisions que le système contraire a rendues depuis si redoutables à notre avenir. On y verra que, du moment où des hommes trompés laissérent échapper quelques mots qui semblaient ne pas s'éloigner des doctrines de la Terreur, le journal alors seul organe de ce parti protesta avec énergie contre un tel égarement.

Quoique ce livre me paraisse pouvoir servir la cause de la liberté en France, en épargnant aux contemporains des mal-entendus funestes, et plus tard des erreurs à l'histoire, l'idée de l'utilité dont

il peut être n'aurait pas suffi pour me déterminer, dans l'état où je suis, à le publier. On trouvera dans le discours suivant, les motifs qui m'ont fait regarder cette publication comme un devoir.

P. S. Ce recueil était prêt pour l'impression au mois d'octobre 1832 (1), lorsque j'appris la mort de mon père. Accablé de ce nouveau malheur, je n'ai pu avant aujourd'hui retrouver le courage de revoir les épreuves. Voilà le seul motif d'un retard dont se sont étonnées quelques personnes qui s'attendaient à voir paraître mon livre l'année dernière, et qui ne me connaissent pas personnellement.

(1) Je n'attendais

que de savoir si je reprendrais la direction de la Tribune, ou si je renoncerais pour toujours y travailler de

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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

J'ai le dessein d'écrire la vie de mon frère. Indépendamment du sentiment qui m'y porte, il m'a paru que c'était un devoir envers l'humanité de peindre, avec quelque détail, une des âmes où s'est le mieux montrée toute l'excellence de la nature humaine. Mais, en attendant que je puisse me livrer à ce travail, je vais donner ici une idée des opinions politiques de Victorin Fabre, et du but qu'il s'était proposé en fondant la Tribune.

Voici ce qui m'y engage. Comme la Tribune, que je dirigeaís alors, et qui a changé complètement de direction depuis qu'après l'avoir perdu, j'ai cessé d'y travailler, fut le seul journal qui, en applaudissant à la révolution de juillet, blâma ce que j'appelai la contre-révolution du 7 août, toutes les manœuvres du ministère furent dirigées contre cette feuille. Tous les nouveaux employés, depuis le sergent de ville jusqu'au lieutenant-général, reçurent, avec leur brevet, un catéchisme des calomnies officielles dont on devait la noircir. Ces calomnies furent en même temps le mot d'ordre donné à toute l'armée des solliciteurs qui n'avaient encore rien obtenu, et qui ne demandaient

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de se voir ordonner des crimes, pas mieux que les regardant comme des arrhes sur un emploi. Quel est en France le salon dans lequel on ne trouve pas au moins, ou un homme déjà vendu, ou un de ces honnêtes gens qui désirent se faire acheter, ne fût-ce qu'au prix d'une perception? Les rédacteurs de la Tribune furent donc partout représentés comme des esprits violens, qui sacrifieraient le repos public à leurs systèmes, comme des amis du désordre et peut-être de l'anarchie. Chacun de nos numéros prouvait à chaque page le contraire. Mais à quoi bon? les gens sans esprit et sans caractère, et combien n'y a-t-il pas de ces gens en France! restaient tellement effrayés de l'excommunication ministérielle lancée contre nous, qu'ils n'osaient pas nous lire; et dès lors nos ignobles calomniateurs avaient beau jeu à sup'poser dans nos colonnes l'opposé de ce qui s'y trouvait. Il fut donc convenu dans un certain monde que la Tribune professait des opinions nuisibles à la tranquillité publique; et, comme on savait que j'en étais rédacteur en chef, comme on connaissait l'immense supériorité de talent et de caractère que mon frère avait sur moi, mesurant ma docilité à mon infériorité, on s'imagina, on feignit du moins de s'imaginer que j'agissais d'après son impulsion, et on le rendit en quelque sorte responsable de ce que j'écrivais ou

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