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de Rome avec le reste de l'univers, les principes du droit des gens naturel (1). Ainsi, le terme jus fetiale aurait constitué la seule expression romaine désignant le droit des gens de l'époque, c'est-à-dire l'ensemble des principes régissant les relations extérieures de Rome en temps de paix et en temps de guerre (2).

Nous pensons, au contraire,' que les féciaux n'entraient nullement dans l'examen du point de savoir si la guerre à entreprendre était ou non fondée au point de vue du droit, et que leur mission se bornait à l'accomplissement des formalités religieuses sans lesquelles la guerre n'aurait point été agréable à la divinité el, par suite, considérée comme juste. Le terme juste est ici synonyme de légitime, de légal et non de conforme à la justice absolue. Il n'était pas possible, au surplus, qu'il en fût différemment ; et le pouvoir discrétionnaire attribué, à tort, aux féciaux aurait été en opposition absolue avec les principes essentiels de toute organisation politique. En effet, chez les Romains comme chez tous les autres peuples, les pouvoirs publics seuls étaient appelés à décider si une guerre devait ou non être entreprise. A Rome, cette mission fut dévolue, suivant les

(1) Egger, Les traitės publics chez les Grecs et les Romains, p. 174; Weiss, Le droit fécial et les féciaux dans la F¬ance judiciaire, 1882-83, 1re partie, pp. 463 et s.; Villiaumé, L'esprit de la guerre, p. 48. Conf. Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, 3o partie, VI.

(2) Zouch notamment déclare que « la loi entre les gens est la même qui, parmi les Romains, avait la dénomination spéciale de jus feciale». D. j. inter gentes..., I, 1, no 1. Conf. Saripolos, cité par Egger, loc. cit., p. 174, note 4. Conf. Baviera, I diritto internazionale dei Romani dans Archivio giuridico, nouvelle série, I, pp. 166 et s., 463 et s., II, pp. 243 et s., 433 et s. Conf. de Mougins-Roquefort, loc. cit., pp. 103 et s.

époques, au peuple d'abord, puis au Sénat, enfin à l'empereur. Le fécial intervenait, une fois la guerre décidée par les pouvoirs publics compétents, dans le but unique de la déclarer solennellement et de l'entourer des pratiques religieuses et des rites consacrés (1). C'est à cette seule portée qu'il convient, en résumé, de limiter la mission des féciaux; et spécialement le jus fetiale n'a jamais été pris par les Romains comme synonyme d'un droit international véritable qu'ils n'ont ni pratiqué ni

même entrevu.

SECTION II

Le moyen âge

Le lien profond créé par le christianisme entre les peuples unis par une même croyance religieuse, caractérise la période qui suit l'établissement des barbares sur les ruines de la civilisation romaine. L'Eglise prend alors une influence prépondérante qui fait des évêques de Rome les souverains réels du monde catholique. Grâce à l'impulsion puissante donnée à leur action par Grégoire VII, les papes firent peu à peu accepter cette idée qu'ils étaient placés au-dessus des souverains en leur qualité de représentants de Dieu sur la terre (2).

L'œuvre du pouvoir papal à cette époque se traduit

(1) Conf. Laurent, Histoire de l'humanité, III, p. 46; Fiore, Nouveau droit int. public, trad Antoine, 1885, I, § 18; Wheaton, Histoire des progrès du droit des gens, 1816, I. p. 22; Dreyfus, L'arbitrage international, 1892, pp. 16 el s.; Fusilano, dans la Revue de droit internat. et de legislat. comparée, 1885, pp. 289 et s.; voir notre Traite de l'arbitrage, 26 et s.; F. de Martens, loc. cit., I, p. 82.

(2) De Maistre, Du pape, L. II, ch. V.

par des innovations toutes de progrès et de civilisation. S'érigeant en tribunal général, les souverains pontifes redressent les injustices, prennent la défense du faible contre le fort, préviennent les guerres et assurent la concorde et la paix par des moyens divers dont le plus célèbre fut la Trève de Dieu, vrai traité de paix qui défendait aux peuples chrétiens de faire la guerre à des périodes déterminées. Sans doute, les revendications des papes étaient en opposition avec les droits des monarques et des Etats; mais il n'est pas possible de contester que l'Eglise n'ait puissamment contribué, grâce à ses empiétements sur le pouvoir civil, au relèvement social et à la prospérité publique (1). Les croisades suscitées par eux sauvèrent la chrétienté menacée par l'Islam, et, tout en groupant les fidèles dans la nécessité d'une défense commune, furent un stimulant profond vers une vie nouvelle de voyages et d'aventures d'où devait résulter un rapprochement sensible entre les divers Etats (2). L'esprit de chevalerie a également joué un rôle important dans la rude société médiévale, en adoucissant les mœurs et en relevant la condition de la femme (3).

(1) Conf. Chateaubriand, Le génie du Christianisme, II, 6, ch. XI; Guizot, L'Eglise et la societé chrétienne, C. XIV; Lanrent, loc. cit., VI, p. 202; Goyau, Pératé et Paul Fabre, Le Vatican, Les Papes et la Civilisation, 1895; Dreyfus, loc. cit., p. 22. Conf. notre Traité de l'Arbitrage international, §§ 32 et 33; F. de Martens, loc. cit., I, p. 402; Chauveau, loc. cit., pp. 133 et ss.; Holtzendorff, loc. cit., §§ 65 et s.; de Mougins-Roquefort, loc. cit., pp. 109 et s.

(2) La Guéronnière, Le Droit public et l'Europe moderne, 1876, I, pp. 61 et s.

(3) Comp. Leseur et les citations qu'il fait de certains ouvrages inspirés par l'esprit de chevalerie, loc. cit., p. 64.

En Europe, le droit romain se relève de l'oubli dans lequel il était tombé depuis les invasions barbares, grâce aux efforts des juristes de l'école de Bologne du x1° siècle. Il redevient peu à peu le droit commun des peuples et constitue une sorte de jus gentium universel. L'Eglise, à son tour, se donne une législation spéciale sous le nom de droit canon, législation bien supérieure aux mœurs du temps et fortement imprégnée de droit romain (1). Elle pose, en même temps, les premiers jalons des grandes institutions internationales par la création des légats pontificaux, précurseurs des agents diplomatiques, et la conclusion des premiers concordats, traités réglant les relations du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel.

Les papes virent se dresser, contre leurs prétentions à la domination universelle, des adversaires redoutables, principalement les empereurs d'Allemagne, qui, se considérant comme les successeurs des Césars romains, aspiraient, eux aussi, à ce titre, à la suprématie (2). Les principaux épisodes de la mémorable lutte de la Papauté et du Saint-Empire furent la querelle des Investitures et le conflit des Guelfes et des Gibelins.

Le moyen âge a vu se développer en Italie le grand mouvement commercial et industriel des Républiques de Venise, Gênes, Pise, Florence, Milan, les institutions de crédit, les banques de dépôt, les corporations ouvrières. Le mouvement commercial et industriel se répandit ensuite en Allemagne avec la Hanse, puissante

(1) Calvo, loc. cit., I, Introduction, p. 13; Olivi, De l'influence du christianisme sur le droit international. Revue catholique des Institutions et du droit, t. XXII.

(2) Le Dante, Livre de la Monarchie.

association munie de flottes armées, qui ouvrit de nombreux comptoirs en Angleterre, en Suède, en Danemark, en Norvège et en Russie. Constituée définitivement en 1364 avec Lubeck pour capitale, la Hanse fut un merveilleux instrument de civilisation pour le Nord et spécialement pour la Russie où elle introduisit le christianisme (1). Enfin, la découverte de l'imprimerie en 1436 vint encore apporter son influence au mouvement ascendant du progrès universel.

Le moyen âge nous offre un certain nombre de documents ayant un caractère international et se rapportant au commerce maritime. En voici l'exposé sommaire (2).

I. Les Tables d'Amalfi, contenant les usages de la Méditerranée. Leur date est incertaine; mais elles ont exercé une grande influence sur le xune et le xive siècle. En 1843, on a retrouvé le document à la bibliothèque de Vienne.

II. Les Jugements de Damme ou lois de Westcapelle et les Coutumes d'Amsterdam pour les Pays-Bas.

Le premier de ces recueils n'est autre chose que la traduction littérale pour les Pays-Bas méridionaux des vingt-quatre premiers articles des Rooles d'Oléron cités ci-après.

Le second, appliqué à la partie septentrionale des Pays-Bas, contient des emprunts faits aux mêmes Rooles

(1) Leseur, loc. cit., pp. 64 et s.; Holtzendorff, loc. cit., §§ 78; Worms, Histoire commerciale de la ligue hanséatique, 1864 ; Altemeyer, Des causes de décadence du comptoir hanséatique de Bruges, 1843; Koppmann, Recesse und andere Acten der Hansetage, von 1256 1430, 1875; De la Gueronière, loc. cit., I, pp. 41 et s.

(2) Conf. les détails que donne Holtzendorff, loc. cit., § 76.

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