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ment, il doit supporter les conséquences de cette faute, sinon en indemnisant les armateurs du Charles-Philippe, du moins en gardant à son compte ses propres avaries; que la jurisprudence du Conseil d'État, aussi bien que celle du Tribunal des conflits, est constante sur ce point, à décider que les tribunaux de l'ordre judiciaire ne sauraient, hors les cas spécialement prévus par la loi, connaître des actions en responsabilité formées contre l'État à l'occasion des délits, fautes ou négligences de ses agents, employés dans un service public, actions qui tendraient à faire déclarer l'État débiteur; que ces décisions incontestables vis-à-vis des tribunaux civils, le sont encore davantage en ce qui concerne les tribunaux de commerce, tribunaux d'exception qui ne connaissent que des matières qui leur ont été spécialement attribuées;

Par ces motifs,

Se déclare incompétent;

Renvoie les parties devant les juges qui peuvent connaître du litige;

Condamne Lechat, Philippe et Benoit aux dépens.

D

Du 7 juin 1899. - Présid.: M. Blanc; plaid. : Mes Guist'hau et Gautté, avocats.

OBSERVATION. Les tribunaux de l'ordre judiciaire ne peuvent en principe déclarer l'État responsable quand il n'a pas agi comme personne privée. Dans tous les cas, les tribunaux de commerce seraient incompétents: l'État, pour les navires de guerre ou du service des ports, ne fait pas acte de commerce. Voyez Autran, Code international de l'abordage maritime, chap. XVIII, p. 165; Lyon-Caen et Renault, Traitė de Droit commercial, t. VI, no 1042 bis; Conseil de préfecture du Nord, 5 décembre 1894, ce Rec., XII, p. 671.

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTES

Assurances maritimes. Limite de l'engagement des assureurs. Montant de la somme assurée. Délaissement. Faute personnelle. Responsabilité. Droit commun. Navire coulé. Chenal. Ordre d'enlèvement. Absence d'obligation pour les assureurs.

Navire « Marie-Antoinette ».

La limile des engagements de l'assureur est déterminée par le montant de la somme par lui assurée.

Sa responsabilité personnelle ne saurait être engagée à l'effet de l'obliger à payer une somme supérieure à la somme assurée que dans les termes du droit commun, c'est-à-dire soit en vertu d'un contrat, soit à raison d'une faute ayant causé un préjudice à l'assuré.

On ne saurait imputer à faute à l'assureur d'avoir laissé l'Administration des ponts et chaussées entreprendre le renflouement du navire assuré, à l'effet de débarrasser le chenal dans lequel il se trouve coulé, et de n'avoir pas opéré lui-même ce renflouement.

COMPAGNIE BLANZY OUEST C. ASSUREURS.

LE TRIBUNAL,

JUGEMENT

Vu l'acte introductif d'instance du 13 janvier 1899, par lequel la Compagnie Blanzy-Ouest a assigné les assureurs de la gabare Marie-Antoinette pour : 1o voir déclarer bon et valable le délaissement de cette gabare et de sa cargaison;

2° S'entendre condamner, le cas échéant, à lui rembourser tous les frais et dépenses qu'elle serait tenue à payer à l'État ou à des tiers, et à supporter toutes les conséquences du renflouement de la dite gabare et de ses suites, par dépens;

Attendu que les parties sont d'accord, quant au délaissement de la gabare Marie-Antoinette, que les assureurs déclarent accepter;

Mais attendu que la Cie Blanzy-Ouest, poursuivie par l'État en paiement des frais de sauvetage de la Marie-Antoinette, prétend que la responsabilité des assureurs peut être engagée de ce chef;

Qu'elle affirme qu'elle s'en était remise à ces derniers de la direction des opérations de sauvetage et qu'ils ne l'ont jamais informée ni de ce qu'ils faisaient ni de ce qu'ils comptaient faire;

Qu'il y a là une faute dont elle entend rendre responsables les assureurs, s'il venait à être jugé contre elle que l'abandon prévu par l'article 216 du Code de commerce est tardif et si, par suite, des frais considérables de renflouement devaient être mis à sa charge;

Qu'elle conclut donc à ce que le bénéfice des conclusions de son exploit introductif d'instance lui soit alloué;

Et subsidiairement en ce qui concerne la condamnation éventuelle réclamée, qu'il soit sursis à la solution de cette ques

tion jusqu'à ce que le procès pendant entre l'État et elle soit. jugé;

Attendu que les assureurs de la Marie-Antoinette ayant reconnu que cette gabare était totalement perdue avec le chargement qu'elle portait, déclarent être prêts depuis longtemps à payer, sous déduction de la prime, le montant intégral de la somme assurée, mais qu'ils déclarent que leur obligation ne saurait aller au delà;

Que c'est à tort que la Compagnie Blanzy-Ouest prétend aujourd'hui qu'ils auraient pris envers elle l'engagement de la représenter et qu'ils pourraient être cause du préjudice pouvant résulter pour elle de l'admission par le Conseil de préfecture des demandes que l'État dirige contre elle;

Que, par ailleurs, ils nient avoir, soit directement, soit par leur mandataire, prescrit quoi que ce soit aux ingénieurs des ponts et chaussées;

Que si ces derniers ont tenté le renflouement de la gabare c'était pour débarrasser le chenal de débris qui constituaient un danger pour la navigation;

Que les assureurs demandent donc qu'il leur soit décerné acte de leur offre réitérée de régler en délaissement la perte de la gabare Marie-Antoinette, mais que, au-dessus de cette offre, la Compagnie Blanzy-Ouest soit déboutée de ses fins et conclusions et condamnée aux dépens;

Attendu qu'aux termes de la police d'assurance maritime qui fait la loi des parties, la somme assurée est la limite des engagements des assureurs;

Qu'en dehors de l'obligation dérivant de la police, il faudrait, pour que les assureurs fussent tenus envers la Compagnie Blanzy-Ouest, qu'à son égard ils eussent pris un engagement distinct et nouveau dont il appartiendrait à la Compagnie Blanzy-Ouest de faire la preuve;

Que si la Compagnie Blanzy-Ouest a chargé son courtier de prévenir les assureurs du naufrage de la Marie-Antoinette, ceux-ci se sont bornés à prier Roy, dispacheur, de faire le nécessaire pour le règlement du sinistre ;

Qu'il n'apparaît donc pas que la Compagnie Blanzy-Ouest ait chargé les assureurs d'aucun mandat et que ceux-ci l'aient accepté et mal rempli;

Que la mise en demeure d'avoir à renflouer la gabare coulée a été adressée par l'administration à la Compagnie Blanzy-Ouest et non aux assureurs;

Que c'est d'ailleurs sur leur propre initiative que les ponts et chaussées ont cru devoir tenter le renflouement et que les assureurs ne pouvaient rien modifier aux décisions prises et aux opérations tentées par les ingénieurs;

Qu'il appartenait à la Compagnie Blanzy-Ouest de prendre toutes mesures propres à sauvegarder ses intérêts, entre autres de faire l'abandon prévu par l'article 216 du Code de commerce, abandon qu'elle pouvait faire sans le consentement des assureurs, puisque d'une façon générale l'intervention de ceux-ci ne pouvait la dispenser de veiller au sauvetage de sa gabare, conformément aux prescriptions de l'article 30 de la police;

Que si à la vérité les assureurs n'ont proposé de régler en délaissement qu'après s'être assurés après le renflouement de l'état de la gabare et de son chargement, ils n'ont fait qu'user de leur droit;

Qu'on ne peut en outre leur attribuer à faute de ne pas avoir pris l'initiative du sauvetage de la gabare auquel ils n'étaient pas obligés et qu'ils avaient d'ailleurs reconnu impossible à réaliser par des moyens autres que ceux dont peut disposer l'État;

Attendu, d'autre part, que le Tribunal ne saurait s'arrêter aux conclusions subsidiaires prises par la Compagnie Blanzy-Ouest, et tendant à ce qu'il soit sursis au jugement jusqu'à ce que le Conseil de Préfecture se soit prononcé, l'instance actuelle n'étant nullement dépendante de l'issue de ce procès; Par ces motifs,

Décerne acte aux assureurs de la gabare Marie-Antoinette de leur offre de régler en délaissement la perte de cette gabare;

Dit cette offre suffisante et au-dessus déboute la Compagnie Blanzy-Ouest de ses demandes, fins et conclusions;

La condamne en outre aux dépens.

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Du 17 juin 1899. Prés. M. Couillaud, prés.; plaid. Mes Gautté et Pichelin, avocats (1).

OBSERVATION. En cas de sinistre, l'assureur a la faculté, mais non l'obligation d'intervenir pour procéder au sauvetage du navire. Il ne faut pas oublier que l'assurance n'est qu'un contrat d'indemnité. Voyez Nantes, 20 février 1897, ce Rec., XIII, p. 341 et la note; Rennes, 8 mars 1898, ibid., XIII, p. 758.

(1) Communication de Me Pichelin, avocat à Nantes.

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BORDEAUX

Assurances maritimes. Tempête. Navire. Sortie du port. Perte. Capitaine seul maître de la direction nautique de son navire. Irresponsabilité de l'armateur.

Navire Blanche ».

Le capitaine est le seul maître de la direction nautique de son navire; fût-il dans le port où l'armateur réside, ce dernier n'a pas le droit d'intervenir, pour lui donner des ordres à cet égard.

En conséquence, si malgré une violente tempête le capitaine a fait sortir son navire du port, ce qui a entraîné sa perte corps et biens, eût-il commis une faute, l'armateur n'en est pas responsable, il ne pouvait l'en empêcher, et les assureurs restent tenus aux termes de leur contrat.

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Attendu que le sieur Brieu et les assureurs maritimes expliquent qu'au moment où le vapeur Blanche quittait le port de Pasajes, la tempête était dans toute sa violence, la mer démontée, impraticable, que la sortie de ce navire était un tel acte de témérité, que tous ceux qui en furent témoins, aussi bien les gens de mer que les habitants de Pasajes, considérèrent que le capitaine Leleu et son équipage allaient audevant d'une perte certaine ;

Que le représentant à Pasajes de Worms et Cie, qui n'a pu se méprendre sur les dangers d'une mise en mer dans de pareilles conditions, a commis une faute lourde en n'empêchant pas le capitaine Leleu de quitter le port qui était consigné par l'autorité maritime;

Attendu que Worms et Cie soutiennent que le capitaine avait seul le droit d'apprécier s'il pouvait effectuer sa sortie ; que si une faute a pu être commise par lui, ils ne sauraient en être responsables, la clause 17 de leurs connaissements les exonérant des conséquences des fautes, négligences, fausses manœuvres ou autres faits du capitaine ;

Attendu que la validité de la clause invoquée par les défen

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