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LE TOMBEAU D'ÉLÉONORE. ELLE n'eut parmi nous qu'une aurore éphémère : La mort de son printems a moissonné les fleurs. Grâces, prenez le deuil! gémis, luth de Cythère ! Et vous, Amours, laissez couler vos pleurs!

Sur le sein maternel son enfance succombe;
Le ciel lui promettait les jours les plus heureux,
Et déjà nous couvrons sa tombe

De ces myrtes cucillis pour orner ses cheveux !

J'ai vu,

s'abreuvant de nos larmes,

Les Parques déployer leur lugubre appareil,
Et faire, de la couche où reposaient ses charmes,
La couche du dernier sommeil.

Ah! plaignons la; bientôt le serment d'hyménée
L'eût unie au sort d'un époux !

Rien ne suspendait plus la pompe fortunée :
Le plaisir souriait à des apprêts si doux.

Trompeuse illusion! quand sa pudeur tremblante„
Des chastes voluptés attendait le signal,

La clarté fuit sa paupière mourante,
Et le cyprès s'attache à son front virginal.

Elle s'éteint la jeune Eléonore!
Aux bosquets de Vénus une rose a pâli.
Que d'attraits éclipsés! le trépas décolore
Ce teint jusqu'à présent de bonheur embelli.

Philomèle d'amour, sur la branche isolée,
Tu chantais; mais je passe une seconde fois,

Et j'entends le vent seul frémir dans la vallée

Que charmait naguère ta voix!

Par E. MICHELET,

Officier de la garde royale.

STANCES

Adressées à l'auguste enfant que S. A. R. madame la duchesse de Berri porte dans son sein.

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Si jusqu'à Dieu montaient nos vœux!
Jeune ange, si tes divins frères
Pouvaient, sur leurs ailes de feux,
Lui porter nos justes prières!

Ce premier cri, signal heureux
Dont tu dois saluer la terre,
Serait entendu par ta mère
Comme un son échappé des cieux!

Ces accens de ta voix chérie
Seraient pour nos cœurs consolés
Ce qu'est le chant de la patrie
A l'oreille des exilés.

Mais un doux noeud t'enchaîne encore
Sous les voiles de la douleur :
Tels d'un beau lis qui veut éclore
Les noirs fiimas cachent la fleur.

O nuit, nuit funeste, où ta mère
Connut, en pleurant, que le sein
Qui te cache encor la lumière
Ne portait plus qu'un orphelin !

Sans doute, en ta prison vivante
Alors descendit la douleur :
Moitié d'une ame gémissante,
Tu connus aussi le malheur !

Le secret de ton existence
S'échappe du cœur d'un martyr:
Hélas! dans son dernier soupir,
Nous recueillons une espérance!

LETTRES

CHAMPENOISES.

DIX-HUITIEME LETTRE.

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MM. les abonnés qui ont souscrit pour dix-huit numéros ou deux volumes, et dont l'abonnement expire au mois d'août, sont priés de vouloir bien le faire renouveler, afin de ne point éprouver de retard dans l'envoi de leurs nu

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d'abonnement des Lettres Champenoises, rue Saint-Andrédes-Arcs, no 33.

DE L'ESPRIT DE SOCIÉTÉ (1). J'APPELLE esprit de société la faculté d'imprimer à chaque chose le genre particulier d'agrément qui doit plaire à ceux qui nous entourent. Aussi plein de sagacité que de

(1) Extrait de la seconde édition de l'Observateur au dixneuvième siècle, qui est actuellement sous presse.

prestesse, l'esprit de société devine et saisit toujours juste la forme qui convient au moment. Condamné à une sorte de mutation perpétuelle, il ne blesse pas de son inconstance parce qu'il n'y a rien en lui de fortement arrêté. Il amuse sans entraîner, et distrait sans préoccuper : à ces divers signes il est facile de reconnaître que l'esprit de société est d'invention féminine. Je le pense; et dirai-je que chez nous, où le sexe exerce un si grand pouvoir moral, l'esprit de société, après avoir atteint la perfection, s'est échappé des rapports ordinaires de la vie pour soumettre à son empire les lettres et la politique? Et d'abord l'esprit de société effleure sans cesse les sentimens les plus énergiques comme les affections les plus tendres; par-là, il fatigue et épuise la sensibilité : d'un autre côté, il faut qu'il sache au besoin se défendre de toute sensation, et qu'il badine lui-même de la certitude de sa propre opinion. Il en résulte qu'il ne laisse ni conviction dans l'esprit, ni force dans le cœur ; enfin, il enlève tout ce qui féconde le génie,

Maintenant à quel siècle l'esprit de so

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