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Ne lui révéleront que cette vaste plaine
Autrefois fut Paris!

Fuyant de ce désert l'atmosphère brûlante,
Vers le champ du repos, une herbe verdoyante
Attirera ses pas;

Et la foule des morts, à ses pieds étendue,
Pourra sous les cyprès sommeiller inconnue
Dans les mains du trépas.

Ni le saule étranger, ni le sapin stérile,
N'étendront leurs rameaux sur mon dernier asile;
Et le marbre orgueilleux,

Dédaignant d'abriter mon humble sépulture,
Au gré de mes désirs laissera la verdure
Parer ces tristes lieux.

Le voyageur viendra sur la mousse sauvage,
Des vignes, des pommiers, chercher le doux ombrage,
Les fruits rafraîchissans ;

Ses membres fatigués s'étendront sur ma bière,
Et peut-être il verra sur la modeste pierre
Les derniers de mes chants.

Le soleil se couchait, et la mélancolie
S'épanchait doucement sur mon ame attendrie,
Quand l'airain a frémi......!

C'était ma dernière heure! Alors sur la verdure,

Sans trouble, sans remords, sans crainte, sans murmure,

Je me suis endormi.

La dernière strophe de cette élégie a été gravée sur la tombe de l'auteur.

LE CAMÉLÉON ET LES OISEAUX.

FABLE.

UN corbeau s'écriait : « Vive la couleur noire! »

C'est

Un caméléon l'entendit,

Et vîte noir il se rendit.

pour lui chose aisée, à ce que dit l'histoire, De changer de couleur comme on change d'habit. Une colombe sur sa branche,

Un vieux cygne sur son étang,

De s'écrier aussi : « Vive la couleur blanche! >>

Et le caméléon de blanchir à l'instant.

<< Fi du blanc et du noir; rien n'est beau que le jaune ! Dit à son tour un loriot.

« Non, c'est le gris! » dit un pierrot.

<< Pour moi, c'est le vert que je prône! »
Dit une perruche aussitôt.

Et mon caméléon, toujours leste et docile,
Qui se rend tour-à-tour, et jaune, et vert, et gris,
Croyant par-là se faire des amis

Parmi l'espèce volatile;

Mais passant, toujours indécis,

Du blanc au noir, du vert au jaune,

Il ne sut contenter personne,
Et se fit beaucoup d'ennemis.

Que de caméléons en France
Depuis trente ans ont mérité ce sort!

Au milieu des partis, c'est toujours au plus fort
Qu'ils ont donné la préférence.

Un jour viendra que tous enfin seront d'accord,
Et le mépris de tous sera leur récompense.

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LETTRES

CHAMPENOISES.

ONZIÈME LETTRE.

Solyme conquise, poëme, par M. Desquiron Saint-Agnan.

APRÈS mes observations générales sur le sujet du poëme de M. Desquiron, vous attendez sans doute que je vous fasse connaître le plan de ce poëme, et qu'en vous montrant la conduite de l'action, je vous fasse d'avance pressentir les ressources qu'elle offrait à une imagination poétique et brillante ; je le ferai en peu de mots, parce que je veux vous laisser à vous-même le plaisir de parcourir toute la suite d'un récit qui doit nécessairement perdre de son intérêt lorsqu'il est dépouillé du charme des vers, de la variété des détails, et des inventions épisodiques.

Au moment où s'ouvre la scène, Solyme est sous la puissance des Romains. Florus, général énervé par les plaisirs, commande

dans la ville, et Eléazar, chef des zélateurs, plús avide d'opprimer lui-même ses compatriotes que de les délivrer d'un joug étranger, profite du désordre qui règne dans l'armée romaine et dans le palais de Florus pour livrer au carnage les soldats de l'empire. Florus s'échappe à la faveur des ténèbres, et court cacher sa honte au milieu des déserts, emportant avec lui le souvenir d'Hégasippe qu'il adore. Hégasippe, fille d'Agrippa, est avec son père dans l'armée qui vient venger les armes romaines. Dans cette armée se montre aussi le vaillant Gallus, autre amant d'Hégasippe, mais plus heureux que Florus, et maître du coeur de son amante.

..Un premier combat est livré. Du côté des Juifs se distingue une jeune guerrière nommée Gédalide, fille d'Elisaph; cette vaillante amazone accourt pour venger son père, blessé par Pollion, frère de Gallus. Pollion, ébloui de l'aspect de sa beauté, cède à l'héroïne, et ne songe plus qu'à secourir le vieillard. qu'il a frappé; il quitte le lieu du combat,

et disparaît sur le même char qui porte Gé dalide et son père.

Dans l'armée romaine, Hégasippe pleure la mort de son père Agrippa, et Gallus partage ses larmes et sa douleur. Vespasien s'avance pour réparer ces malheurs, et comme il s'approche de Solyme, un Hébreu, savant dans l'art d'annoncer l'avenir, vient lui apprendre que Galba ne règne plus, et que c'est à lui que Dieu réserve l'empire, dont il fera les délices avec son fils Titus. Pour prix de sa prédiction, l'Hébreu demande grâce pour les habitans de Solyme; mais Vespasien, en leur laissant la vie, doit les charger de fers; et c'est alors qu'un immense bûcher s'allume au milieu de la ville, et qu'une foule d'habitans viennent y ensevelir leurs richesses et s'y précipiter eux

mêmes.

Cependant Florus erre dans les déserts, emportant avec lui la honte de sa défaite, et ́au moment où il veut se donner la mort, Satan paraît à ses yeux et lui promet de lui livrer Hégasippe pour consoler ses douleurs. Florus s'engage à Satan, qui le conduit au sein des enfers, lui découvre les abîmes où

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