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CHAPITRE VII

(1496)

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Nul effet des mesures ordonnées par Isabelle pour l'adoucissement du sort des Indiens. Instructions envoyées par C. Colomb à son frère Barthélemy. Envoi de trois cents Indiens en Espagne pour y être vendus comme esclaves. Fondation de la Nouvelle-Isabelle sur la rive de l'Ozama. Une forteresse y est d'abord construite sous le nom de Santo-Domingo. Barthélemy y laisse une garnison et part pour le Xaragua. Description du Xaragua. Boéchio à la tête de nombreuses bandes se porte à la rencontre de l'Adélantade. Bohéchio se dispose à arrêter la marche du chef espagnol. Celui-ci le persuade qu'il vient visiter ses Etats en ami. Bohéchio accompagne les Espagnols à Yaguana, capitale de son royaume. Description de Yaguana. Réception pomFêtes. peuse de l'Adélantade. Entretien de l'Adélantade avec le Cacique du Xaragua. Celui-ci est soumis au paiement d'un tribut de cotons et autres produits de son territoire. Conséquences de la visite de l'Adélantade. Son retour à Isabelle. - Etat de la colonie. -Barthélemy part pour Santo-Domingo. Première insurrection de Guarionex. Mesures de l'Adélantade pour la prévenir. — Elle est entièrement apaisée. Bohéchio envoie annoncer à l'Adélantade que le premier terme de son tribut est prêt. Seconde visite de l'Adélantade au Xaragua. Il est reçu avec la même pompe que la première fois. Il fait demander à Isabelle l'une des deux caravelles qu'il a récemment fait construire. Premier navire qui jette l'ancre dans les eaux du Xaragua. Visite d'Anacaona et de Bohéchio à bord. Comment ils sont reçus. La caravelle est chargée, et repart en même temps que l'Adélantade pour Isabelle.

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Il s'en faut que l'élan de pitié de la reine eût produit aucun effet favorable aux Indiens; car leur condition ne

continuait pas moins d'empirer. Isabelle fut apparem ment circonvenue dans ses sentiments de généreuse sympathie par ceux qui pensaient que le cours des événements qui s'étaient accomplis et qui s'accomplissaient encore dans la colonie, était impérieux et commandait autre chose que la compassion; que la lutte ouverte entre les Espagnols et les Indiens n'était pas à son terme; que ces derniers étaient heureusement vaincus, et n'étaient plus de simples hôtes méritant des ménagements et des égards; que leurs bonnes dispositions primitives avaient été perverties par la guerre, où ils avaient contracté une implacable inimitié contre les Européens; qu'il fallait de toute nécessité qu'ils subissent le sort des vaincus; que la victoire pouvait ne pas être inexorable, mais ne devait pas perdre ses droits, et que, lorsque la conquête serait définitivement assurée par l'entière soumission des naturels, il serait opportun de songer à l'amélioration du sort du peuple conquis, et qu'alors une politique de mansuétude, et la puissante religion du Christ achèveraient de l'attacher à tout jamais au giron de l'Espagne.

Il en fut effectivement ainsi au gré de ces promoteurs de la conquête, excepté que leur œuvre de destruction fut telle en un demi-siècle à peine qu'elle dispense tout à fait la couronne d'Espagne d'administrer par la suite avec humanité ses nouveaux sujets et de les convertir à la foi catholique.

Lorsque Colomb eût envoyé pour la première fois, en Espagne, des Indiens pour être vendus comme esclaves,, Isabelle avait commencé par s'y opposer, et fini par consentir à soumettre aux théologiens et aux juristes les plus compétents de son royaume la question de sa

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voir si la vente de ces malheureux prisonniers serait justifiable aux yeux de Dieu. Les opinions avaient été très divisées sur ce point. Elles s'accordèrent plus tard à décider que les seuls Indiens coupables de meurtre sur des Espagnols pourraient être vendus et réduits en servitude. Or voit-on où l'on en voulait venir? Tout prisonnier de guerre était réputé meurtrier de son ennemi. Ainsi le décrétait la logique de vainqueurs altérés de vengeance!

Colomb écrivit donc à son frère Barthélemy à qui il avait laissé, en partant, le commandement de la colonie, pour lui mander d'acheminer en Europe, par le retour des bâtiments qui lui apportaient sa dépêche, les prisonniers de guerre faits aux Indiens. Il lui prescrivit, en même temps, d'aller fonder une ville sous le nom de Nouvelle-Isabelle à l'embouchure de l'Ozama. Cet endroit avait été déjà exploré et trouvé d'une situation plus avantageuse que l'ancienne Isabelle, qui devait être peu à peu abandonnée. Ce qui motivait la préfé

rence pour cette dernière localité, c'était son voisinage des mines de la Haïna dont l'exploitation était résolue, sa salubrité et sa position sur l'un des plus vastes cours d'eau de l'île. Les bouches étendues et profondes de l'Ozama, où ses eaux limpides se mêlent fort avant aux flots de la mer, offrent un excellent mouillage aux navires de toute force.

L'adélantade ne mit aucun retard à exécuter ces dispositions. Lorsque les navires furent prêts à retourner en Europe, il y embarqua trois cents prisonniers, puis il partit immédiatement après avec ses forces pour les bouches de l'Ozama. Il construisit une forteresse sur la rive gauche du fleuve et jeta, en même temps, les fon

dements de la ville nouvelle. Le nom de Santo-Domingo qu'il donna au fort est celui qui resta à la ville, avant même qu'elle eût traversé le fleuve et se fût élevée sur l'autre rive, où existe encore sans renom, sans bruit, sans agrandissement, emprisonnée dans l'étroite enceinte de ses vieux murs, cette première cité du Nouveau-Monde.

Soit que Barthélemy se proposât de marquer son administration, pendant l'absence de son frère, par des résultats importants pour l'occupation espagnole en Haïti; soit qu'il ne fìt en cela que se conformer à ce qui lui était prescrit, il s'appliqua, tout en s'établissant sur un nouveau point du territoire, et en y renouvelant en quelque sorte sur une plus grande échelle l'œuvre de la colonisation, à tenir fermement la main à la collection des tributs déjà imposés, et surtout à étendre la mesure aux autres populations de l'île qui n'y avaient pas encore été assujetties. Barthélemy était, au génie près, un homme d'autant d'initiative et d'activité que son frère, qui le connaissait bien d'ailleurs et avait toute confiance en sa capacité. Il laissa au fort de Santo-Domingo une garnison suffisante, chargée à la fois de la garde des lieux et des premiers travaux de fondation de la ville; puis il prit la route du Xaragua où les Espagnols allaient pénétrer pour la première fois. Tout ce qu'ils avaient appris de cette partie du pays excitait leur désir de la connaître. Ils y allaient de gaîté de cœur. C'était, en même temps que le plus vaste des cinq royaumes de l'île, le plus montagneux, le plus beau et le plus populeux. Les quatre autres royaumes comprenaient, dans leur réunion, cette portion de l'île qui offre une plus grande surface du nord au sud. Le Xaragua en était

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