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APPENDICE

GÉOGRAPHIE PRIMITIVE D'HAÏTI

DIVISIONS

Le territoire d'Haïti était primitivement divisé en cinq grands royaumes ou caciquats, subdivisés en circonscriptions moins importantes, que les auteurs désignent généralement par le mot province. Les cinq grands royaumes étaient :

Le Marien, au Nord;

Le Xaragua, à l'Ouest et au Sud;

Le Maguana, au Centre;

Le Higuey, à l'Est;

Et la Magua, au Nord-Est.

SUBDIVISIONS

Le Marien comprenait les provinces suivantes :
Baynoa, Guahaba, Hatiey, Iguamuco et Dahabon.

La capitale, résidence du cacique, était situé à l'endroit où a été élevée, plus tard, la ville du Cap. Le nom de cette bourgade indienne était Guarico. Les Espagnols ont longtemps appelé ce lieu el Guarico; mais depuis l'établissement français, la simple dénomination de Cap a définitivement prévalu. Les autres bourgades trouvées à l'époque de la découverte étaient

situées, l'une à l'endroit où le bourg du Gros-Morne a été bâti, et l'autre au Port-de-Paix. L'Atibonico arrosait en partie ce territoire; les autres rivières qui le traversent étaient le Guatapana, connu aujourd'hui sous le nom de rivière du Massacre, le Macoris et le Garaouai, nommé, depuis, la Grande-Rivière du Nord.

Le Xaragua renfermait les provinces de Tiburon, d'HaniguAyagua, de Yaquimo, de Yaguana et de Cayaha.

Ce royaume comprenait trois villages: l'un situé à l'emplacement connu du Vieux-Bourg, près Port-au-Prince : deux autres, le premier, près de la ville actuelle de Léogane, le second près d'Aquin. Yaguana est réputée la capitale du Xaragua. Les noms modernes de Léogane et d'Aquin sont francisés de Yaguana et de Yaquimo. Les deux lacs à l'est de Xaragua avaient noms Jar et Caguani.

L'une des deux principales chaînes de montagnes qui s'y trouvent y porte jusqu'aujourd'hui, sa dénomination primitive, c'est le Baoruco, puis la Hotte; tout à fait dans le Sud, et le Baoruco, au Sud-Est.

La Maguana comprenait les provinces Niti, Coroay et Cibao. Cibao était aussi le nom de la grande chaîne de montagnes du centre de l'île. Le Cibao recelait les sources de la Neyba, de 'Yaqui et de l'Yanique. La plus grande portion du cours de l'Atibonico arrosait la Maguana. La capitale de ce royaume était une bourgade située à l'endroit où existe maintenant le bourg de Saint-Jean qui a retenu son nom indien dans la langue espagnole San-Juan de la Maguana.

Le Higuey se subdivisait en plusieurs provinces: Azoa, Maniel, Cayacoa, Bonao, Cayemu et Macao.

La capitale existait à l'endroit où est encore le bourg de Higuey. Près de la ville actuelle de Santo-Domingo se trouvait une autre bourgade, et près de Monte-Plata, le bourg de Boya, dernier asile des Indiens.

L'Ozama, l'une des plus belles rivières de l'île, y avait son cours, et a retenu jusqu'aujourd'hui son nom primitif.

La Magua, enfin, se partageait en plus de provinces qu'il n'en est resté de noms pour les désigner. Celles dont les désignations sont connues étaient le Canabocoa, le Cubao, et le Ciguay qui est aussi le nom d'une chaîne de montagnes.

La capitale de la Magua existait au lieu où fut depuis construite la ville de la Conception de la Véga.

Le territoire de la Magua comprenait aussi la presqu'île de Samana dans la baie de laquelle se jette la Yuma.

ILES ADJACENTES

Les iles adjacentes dont les noms primitifs nous ont été conservés sans altération, ou à peu près, sont le Guanabo et la Mona ou Amona; puis enfin Adamanoy ou la Saône.

ILE BANÈQUE

A Cuba, les Indiens parlèrent à Colomb de plusieurs pays voisins riches à visiter. Ils lui indiquèrent d'abord Haïti ou Bohio, deux noms de la même île, dont l'un signifie terre montagneuse, et l'autre grande terre; et ensuite Banèque ou Badèque ou Bavêque. Banèque est une île, suivant ces Indiens, où les habitants ramassaient, la nuit, sur la plage, de l'or avec des bougies allumées, et en faisaient des lingots avec un marteau». Elle valait, assurément, la peine qu'on s'empressât de la découvrir ; aussi l'amiral paraissait-il assez désireux ou impatient d'y atteindre. Il partit du fleuve de Mares qui se jette dans l'un des ports de Cuba, le 12 novembre, à la recherche de cette ile. Après avoir fait huit lieues le long de la côte, il trouva devant lui un fleuve, et, quatre lieues plus loin, un autre; il ne voulut s'arrêter, ni entrer dans aucun d'eux, parce que le temps et le vent étaient favorables pour aller chercher l'île Banèque. Banèque était à l'Est de la position où il se trouvait, d'après les renseignements qui lui avaient été donnés, et la durée du voyage, ajoutaient les Indiens, était de trois journées seulement, à partir du fleuve de Mares. Or, l'amiral jugea plus favorablement encore de la proximité de cette île, en tenant compte que 'es trois journées étaient la mesure des canots indiens, et que ses voiles diminueraient de beaucoup cette distance. Cependant il n'avait pas encore atteint la pointe Maïci, d'où il devait débouquer pour prendre librement la mer, que les vents vinrent à diminuer, puis à changer. Il s'attarda, contre son gré, sur les côtes de Cuba qu'il longeait toujours. Il assura, en sortant d'un port qu'il appela du Prince, qu'il avait aperçu à l'Est cette île Banèque et qu'au moment de s'y diriger les vents lui devinrent tout à fait contraires, et qu'alors il résolut de retourner dans le port du Prince.

Colomb en fut contrarié ; il s'inquiéta vivement d'une autre eirconstance. Il soupçonnait Alonzo Pinson de vouloir s'approprier l'avantage de découvrir seul ou le premier cette île, parce que celui-ci avait conçu l'espoir d'y trouver une grande quantité

d'or, sur la foi des mêmes renseignements qui lui avaient été donnés. Alonzo Pinson paraissait en avoir eu effectivement le dessein, puisqu'il s'était séparé des deux autres bâtiments, non seulement sans en avoir reçu l'ordre, mais même contre la volonté de l'amiral. Il partit donc sans être forcé de s'éloigner par aucun mauvais temps, mais seulement parce qu'il le voulut bien, et de propos délibéré. « Pinson, s'écria l'amiral, m'a fait et dit bien d'autres choses!» Pendant toute la nuit on navigua sans perdre la terre de vue. L'amiral fit plier ou ferler quelquesunes de ses voiles et tenir constamment son fanal allumé, parce qu'il lui parut, pendant un moment, que Pinson venait à lui, ce qu'il aurait fort bien pu faire, s'il l'eût voulu, car la nuit était très belle et très claire, et il faisait un vent doux et frais. Mais Pinson suivit la route de l'Est pour aller à l'île Banèque.

mers

Il parait alors que l'amiral, tout désireux qu'il était d'aller aussi à Banèque, se dirigea de préférence vers la grande ile dont il avait entendu vanter de même la fertilité et les richesses; et il est naturel de penser qu'il prit le parti d'aborder à Haïti qu'il voyait si près de lui, couronnée de ses montagnes; il renonçait, pour le moment, du moins, à chercher dans ces inconnues l'île si pleine d'or qu'il n'était pas bien sûr de rencontrer. Les aborigènes d'Haïti lui parlèrent de Banèque dans les mêmes termes que ceux de Cuba. Il y avait une parfaite concordance entre les divers renseignements; et la scène d'un cacique de village d'Haïti et des Indiens de la Tortue, plus voisine de Banèque à ce que disait celui-ci, qui étaient venus dans un grand canot envahir son marché et faire concurrence à ses échanges, acheva d'affermir l'amiral dans la croyance que cette île existait réellement, et dans le dessein d'en poursuivre la découverte. Il s'éloigna des côtes d'Haïti, dans cette intention, et il y revint peu après, n'ayant visité que quelques ports de la Tortue. Il découvrit plus tard d'autres îles, la Terre-Ferme, mais il ne parvint jamais à trouver l'île Banèque. Elle ne fut pas davantage découverte par Alonzo Pinson, ni par les voyageurs subséquents. C'est qu'une Ile de ce nom n'existait réellement pas; il n'y en eut point non plus qui récélàt l'or en si grande quantité sur ses plages qu'on l'y pût ramasser la nuit aux flambeaux pour en faire des lingots. Las Casas dit quelque part que cette île Banèque était peut-être l'île de la Jamaïque. Il s'en faut que la Jamaïque ait mérité cette réputation de richesses métalliques, et, du reste, son nom indien est celui qu'elle porte encore. L'île Baneque n'a jamais existé que dans les rêves des Indiens; c'était tout simplement une Golconde imaginaire; et si, partout, dans l'archipel, on s'accordait à la décrire de la même manière, c'est que la fable était très répandue et fidèlement retenue.

DE LA LANGUE ET DE LA LITTÉRATURE

DES

ABORIGÈNES D'HAÏTI

Il est certain que les aborigènes d'Haïti n'avaient point d'écriture et que c'est là la cause de l'extinction de leur langue et de leur littérature. Cette langue, sonore et gracieuse, était celle qui se parlait dans tout l'archipel, puisque les naturels des différentes îles s'entendaient entre eux. Cependant l'idiome d'une île n'était pas identiquement le même que celui d'une autre, et pour peu qu'un territoire fût étendu et divisé, des variations dans le langage se faisaient aussitôt remarquer. Autant d'iles ou autant de circonscriptions d'un territoire, autant de dialectes d'une langue commune. C'est ainsi qu'il y en avait en Haïti plusieurs dialectes provenant d'une souche

mère.

J'ai essayé de dresser l'inventaire de cette langue disparue. Mon vocabulaire, fort incomplet, se compose de noms de personnes et de choses, ces derniers comprenant des dénominations d'ustensiles, d'arbres, de fruits, d'aliments et d'animaux. A cette liste il faut ajouter un très petit nombre d'adjectifs, et voilà tout. Lorsque une langue est morte et que son verbe ne s'est pas anéanti, le verbe qui est la parole vivante, la pensée elle-même articulée, la vie s'est seulement retirée de son corps de mots qui subsiste intact, et on peut la faire revivre sous le galvanisme de la traduction et lui faire reprendre la parole, après des siècles révolus pour parler poésie, histoire, philosophie, moeurs et politique; mais si elle a perdu ce signe par lequel elle exprime l'action, la vie, l'existence, alors elle est éteinte sans résurrection possible. Tel est le cas pour les aborigènes d'Haïti. Il faut

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