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dans le cas où il y a constamment une libre concurrence de commerce, et une entière sûreté de la propriété des richesses d'exploitation de l'agriculture '.

Le Tableau économique renferme les trois classes et leurs richesses annuelles, et décrit leur commerce dans la forme qui suit.

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Ainsi la classe productive vend pour un milliard de productions aux propriétaires du revenu, et pour un milliard à la classe stérile, qui y achete les matières premières de ses ouvrages, ci ..

Le milliard que les propriétaires du revenu ont dépensé en achats à la classe stérile, est employé par cette classe, pour la subsistance des agents dont elle est composée, en achats de productions prises à la classe productive, ci

TOTAL des achats faits, par les propriétaires du revenu et par la classe stérile, à la classe productive, ci.

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2 milliards.

1 milliard.

3 milliards.

De ces trois milliards reçus par la classe productive pour trois milliards de productions qu'elle a vendues, elle en doit deux milliards aux propriétaires pour l'année courante du revenu, et elle en dépense un

1 L'étendue du territoire serait d'environ 150 millions d'arpents de terres de différentes qualités; le fonds de richesses d'exploitation nécessaire pour tenir ce territoire en bonne valeur, serait d'environ douze milliards, et la population d'environ trente millions de personnes, qui pourraient subsister avec aisance, conformement à leur état, du produit annuel de cinq milliards.

Mais il ne faut pas oublier que, partout où la population jouit d'une vie paisible, elle s'accroit ordinairement au-delà du produit du territoire; aussi la force d'un Etat et le nombre de citoyens qui le composent, sont toujours assurés quand ils sont établis sur un fonds de richesses d'exploitation suffisant pour l'entretien d'une riche culcure. La conservation de ce fonds de richesses d'exploitation doit être le principal objet du gouvernement économique; car les revenus du souverain et de la nation en dependent entièrement, ainsi qu'il va être démontré par l'exposition de l'ordre régulier de la distribution des dépenses payées et entretenues par la reproduction annuelle.

* Les avances annuelles consistent dans les dépenses qui se font annuellement pour le travail de la culture; ces avances doivent être distinguées des avances primitives qui forment le fonds de l'établissement de la culture, et qui valent environ cinq fois plus que les avances annuelles '.

Les avances annuelles correspondent à ce que nous nommons aujourd'hui le capital circulant, et les avances primitives à ce qu'on appelle le capital fixe ou engagé. (E. D.)

milliard en achats d'ouvrages pris à la classe stérile. Cette dernière classe retient cette somme pour le remplacement de ses avances, qui ont été dépensées d'abord à la classe productive en achats des matières premières qu'elle a employées dans ses ouvrages. Ainsi ses avances ne produisent rien; elle les dépense, elles lui sont rendues, et restent toujours en réserve d'année en année.

Les matières premières et le travail pour les ouvrages montent les ventes de la classe sterile à deux milliards, dont un milliard est dépensé pour la subsistance des agents qui composent cette classe; et l'on voit qu'il n'y a là que consommation ou anéantissement de productions, et point de reproduction; car cette classe ne subsiste que du payement successif de la rétribution due à son travail, qui est inséparable d'une dépense employée en subsistances, c'est-à-dire en dépenses de pure consommation, sans régénération de ce qui s'anéantit par cette dépense stérile, qui est prise en entier sur la reproduction annuelle du territoire. L'autre milliard est réservé pour le remplacement de ses avances, qui, l'année suivante, seront employées de nouveau à la classe productive en achats de matières premières pour les ouvrages que la classe stérile fabrique.

Ainsi les trois milliards, que la classe productive a reçus pour les ventes qu'elle a faites aux propriétaires du revenu et à la classe stérile, sont employés par la classe productive au payement du revenu de l'année courante de deux milliards, et en achats d'un milliard d'ouvrages qu'elle paye à la classe stérile.

La marche de ce commerce entre les différentes classes, et ses conditions essentielles, ne sont point hypothétiques. Quiconque voudra réfléchir, verra qu'elles sont fidèlement copiées d'après la nature; mais les données dont on s'est servi, et l'on en a prévenu, ne sont applicables qu'au cas dont il s'agit ici.

Les divers états de prospérité ou de dépérissement d'une nation agricole, offrent uue multitude d'autres cas et par conséquent d'autres données, dont chacune est le fondement d'un calcul particulier qui lui est propre en toute rigueur.

Celles d'où nous sommes partis fixent, d'après la règle la plus constante dans l'ordre naturel, à cinq milliards, la reproduction totale que la classe productive fait renaître annuellement, avec deux milliards d'avances annuelles, sur un territoire tel que celui que nous avons décrit. Selon cette hypothèse, les avances annuelles reproduisent deux cent cinquante pour cent1. Le revenu des propriétaires peut être alors égal

'Turgot, dans ses Observations sur le Mémoire de M. de St-Péravy en faveur de

aux avances annuelles. Mais ces données ont des conditions sine quabus non; elles supposent que la liberté du commerce soutient le débit des productions à un bon prix, par exemple le prix du blé à 18 liv. le septier; elles supposent d'ailleurs que le cultivateur n'ait à payer directement ou indirectement d'autres charges que le revenu; dont une partie, par exemple les deux septièmes, doit former le revenu du souverain. Selon ces données, sur un revenu total de deux milliards, la part du souverain serait de 572 millions 1; celle des propriétaires serait de quatre septièmes ou un milliard 144 millions; celle des décimateurs d'un septième ou 286 millions, l'impôt compris. Il n'y a aucune manière d'établir l'impôt qui puisse fournir un aussi grand revenu public, sans causer aucun dépérissement dans la reproduction annuelle des richesses de la nation 2.

Les propriétaires, le souverain et toute la nation ont un grand intérêt que l'impôt soit établi en entier sur le revenu des terres immédiatement; car toute autre forme d'imposition serait contre l'ordre naturel, parce qu'elle serait préjudiciable à la reproduction et à l'impôt, et que l'impôt retomberait sur l'impôt même 3. Tout est assujéti ici-bas aux lois de la nature: les hommes sont doués de l'intelligence nécessaire pour les connaitre et les observer; mais la multiplicité des objets exige de grandes combinaisons, qui forment le fonds d'une science évidente fort étendue, dont l'étude est indispensable pour éviter les méprises dans la pratique. Des cinq milliards de reproduction totale, les propriétaires du revenu et la classe stérile en ont acheté pour trois milliards pour leur consommation: ainsi il reste encore à la classe productive pour deux milliards de productions; cette classe a acheté en outre pour un milliard d'ouvrages à la classe stérile, ce qui lui fait un fonds annuel de trois milliards, lequel est consommé par les divers agents occupés aux différents travaux de cette classe, qui sont payés par les avances annuelles de

l'impôt direct, se livre à une critique, fort judicieuse, de ce rapport hypothétique entre les avances annuelles et le produit brut de l'agriculture.-Voyez OEuvres de Turgot, édit. Guillaumin, tome I, page 419. (E. D.)

1

1 Il est à remarquer qu'on ne comprend point dans cette évaluation l'impôt qui se lève sur les dixmes affermées. En l'ajoutant à ce calcul, on verra que les deux septièmes, qui forment la part du souverain, lui donneraient sans dégradation environ 650 millions d'impôt annuel.

'S'il y avait des biens fonds exempts de la contribution de l'impôt, ce ne devrait être qu'en considération de quelques avantages pour le bien de l'Etat, et alors cela devrait être compté comme faisant partie du revenu public; aussi de telles exemptions ne doivent avoir lieu qu'à bon titre.

'La question de l'impôt unique sur les terres a été traitée, dans le même sens, par Turgot, dans plusieurs mémoires. — Voyez page 389 à 444 du premier vol. de ses œuvres. (E. D.)

la culture, et aux diverses réparations journalières du fonds de l'établissement, qui sont payées par les intérêts dont on va parler.

Ainsi la dépense annuelle de la classe productive est de trois milliards, savoir deux milliards de productions qu'elle retient pour sa consommation, et un milliard d'ouvrages qu'elle a achetés à la classe stérile.

Ces trois milliards forment ce qu'on appelle LES REPRISES de la classe productive; dont deux milliards constituent les avances annuelles, qui se consomment pour le travail direct de la reproduction des cinq milliards que cette classe fait renaître annuellement, pour restituer et perpétuer les dépenses qui s'anéantissent par la consommation: l'autre milliard est prélevé par cette même classe sur ses ventes pour les intérêts des avances de son établissement. On va faire sentir la nécessité de ces intérêts.

1o Le fonds des richesses d'exploitation qui constituent les avances primitives, est sujet à un dépérissement journalier qui exige des réparations continuelles, indispensablement nécessaires pour que ce fonds important reste dans le même état, et ne marche pas progressivement vers un anéantissement total qui détruirait la culture, et par conséquent la reproduction, et par conséquent les richesses de l'État, et par conséquent aussi la population.

2o La culture est inséparable de plusieurs grands accidents qui détruisent quelquefois presque entièrement la récolte; telles sont la gelée, la grêle, la nielle, les inondations, la mortalité des bestiaux, etc., etc. Si les cultivateurs n'avaient aucun fonds en réserve, il s'ensuivrait qu'après de tels accidents ils ne pourraient pas payer les propriétaires et le souverain, ou qu'ils ne pourraient pas subvenir aux dépenses de leur culture l'année suivante : ce dernier cas serait celui qui arriverait toujours, attendu que le souverain et les propriétaires ont l'autorité pour se faire payer; et l'on sent les conséquences funestes d'un pareil anéantissement de culture, qui retomberait bientôt, et sans ressource, sur les propriétaires, sur le souverain, sur les décimateurs, sur tout le reste de la nation.

Les intérêts des avances de l'établissement des cultivateurs doivent donc être compris dans leurs reprises annuelles. Ils servent à faire face à ces grands accidents et à l'entretien journalier des richesses d'exploitation, qui demandent à être réparés sans cesse.

On a remarqué plus haut (note 2, page 59) que les avances primitives étaient d'environ cinq fois plus fortes que les avances annuelles: dans l'hypothèse actuelle où les avances annuelles sont de deux milliards, les avances primitives sont donc de dix milliards, et les intérêts annuels

d'un milliard ne sont que sur le pied de dix pour cent. Si l'on considère la quantité des dépenses auxquelles ils doivent subvenir; si l'on songe à l'importance de leur destination; si l'on réfléchit que sans eux le payement des fermages et de l'impôt ne serait jamais assuré, que la régénération des dépenses de la société s'éteindrait, que le fonds de richesses d'exploitation et par conséquent la culture disparaîtraient, que cette dévastation anéantirait la plus grande partie du genre humain, et renverrait l'autre vivre dans les forêts; on sentira qu'il s'en faut beaucoup que le taux de dix pour cent, pour les intérêts des avances périssables de la culture, soit un taux trop fort.

Nous ne disons pas que tous les cultivateurs retirent annuellement, outre leurs avances annuelles, dix pour cent pour les intérêts de leurs avances primitives; mais nous disons que telle est une des principales conditions d'un état de prospérité; que, toutes les fois que cela n'est pas ainsi chez une nation, cette nation est dans le dépérissement, et dans un dépérissement progressif d'année en année, tel que, lorsque sa marche est connue, on peut annoncer par le calcul le moment de l'entière destruction. Nous disons d'ailleurs qu'un fonds placé aussi avantageusement pour la nation que celui des avances de sa culture, doit par lui-même rapporter net aux fermiers, qui y joignent leurs travaux et l'emploi de leur intelligence, un intérêt annuel au moins aussi fort que celui que l'on paye aux rentiers fainéants.

La somme totale de ces intérêts se dépense annuellement, parce que les cultivateurs ne les laissent point oisifs; car, dans les intervalles où ils ne sont pas obligés de les employer aux réparations, ils ne manquent pas de les mettre à profit pour accroître et améliorer leur culture, sans quoi ils ne pourraient pas subvenir aux grands accidents. Voilà pourquoi on compte les intérêts dans la somme des dépenses annuelles.

RÉSUMÉ.

Le total des cinq milliards, partagé d'abord entre la classe productive et la classe des propriétaires, étant dépensé annuellement dans un ordre régulier qui assure perpétuellement la même reproduction annuelle, il ya un milliard qui est dépensé par les propriétaires en achats faits à la classe productive, et un milliard en achats faits à la classe stérile. La classe productive, qui vend pour trois milliards de productions aux deux autres classes, en rend deux milliards pour le payement du revenu, et en dépense un milliard en achats qu'elle fait à la classe stérile: ainsi la classe stérile reçoit deux milliards, qu'elle emploie à la classe productive en achats pour la subsistance de ses agents et pour les matières pre

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