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DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

INTRODUCTION

Divisions et définitions.

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Droit interne et droit internatio

nal. Le droit se divise en droit interne et en droit externe ou international.

Le droit interne est celui qui s'applique sur le territoire de chaque Etat aux sujets ressortissant de chacun d'eux.

Le droit externe ou international est celui qui s'applique aux relations des Etats ou des sujets des divers Etats entre eux.

Droit international public ou droit des gens, et droit international privé. Comme le droit interne, le droit international se subdivise en droit public et en droit privé.

Le droit international public, appelé communément droit des gens (1), est cette branche du droit qui établit les règles présidant aux relations des Etats, les uns à l'égard des autres.

Le droit international privé est cette branche du droit qui déter

(1) L'expression moderne « droit des gens » ne correspond nullement à l'expression latine « jus gentium » employée par les jurisconsultes romains. Le jus gentium des Romains était l'ensemble des institutions du droit privé, communes à la plupart des peuples civilisés, qui étaient accessibles aux pérégrins: on l'opposait au « jus civile » qui était l'ensemble des institutions propres au peuple romain et dont les citoyens romains seuls pouvaient user. Encore aujourd'hui, dans le droit français, la jurisprudence et quelques auteurs se servent de l'expression « droit des gens » dans le sens qu'il avait en droit romain, par opposition au « droit civil », pour régler par une distinction analogue la situation des étrangers en France, sous le rapport de l'exercice des droits privés (Aubry et Rau, Cours de droit ci vil français, 1, § 78).

mine les règles applicables aux actes juridiques passés par les sujets d'un Etat, soit avec les sujets d'un autre Etat, soit sur le territoire d'un autre Etat.

Domaine respectif du droit international public et du droit international privé. Déterminer les éléments constitutifs des Etats, montrer comment ils se forment et comment ils disparaissent, formuler leurs droits et leurs devoirs réciproques, étudier les conditions dans lesquelles les divers Etats entrent en relations, les traités qu'ils concluent, enfin comment les litiges naissent à la suite de ces relations et comment ils se dénouent par la conciliation ou par l'emploi de la violence, voilà le domaine du droit international public.

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Le droit international privé, au contraire, s'occupe non des Etats en eux-mêmes, mais des particuliers qui composent les divers Etats. I pose les règles de la nationalité, indiquant qui est Français, qui est étranger, comment on peut devenir français ou cesser de l'être, il détermine la condition des étrangers en France, énumérant les droits dont ils ont l'exercice et ceux dont ils sont privés, enfin, il règle le conflit des lois, c'est-à-dire, qu'il fait connaître quelle loi, française ou étrangère, doit s'appliquer à un acte juridique passé par un étranger en France ou par un Français à l'étranger.

On s'est demandé, si le conflit des lois criminelles est du domaine du droit international public ou du droit international privé. Supposons, par exemple, qu'un Français, après avoir commis un crime à l'étranger, vienne en France; pourra-t-on le poursuivre? Il y a conflit entre la loi criminelle française et la loi criminelle de l'Etat sur le territoire duquel le crime a été commis. Pour nous, le conflit des lois criminelles est du domaine du droit international public (1): car les lois criminelles font partie du droit public de chaque Etat. Cette opinion est cependant combattue par beaucoup d'auteurs (2). Droit des gens positif et droit des gens naturel. On entend par droit des gens positif (3), l'ensemble des règles du droit des gens, qui sont pratiquées par les Etats dans les rapports qu'ils

(1) Renault, Introduction à l'étude du droit international (Paris, 1879, p. 26).

(2) Lainé, Introduction au droit international privé, p. 12. Certains auteurs sont d'avis, que le conflit des lois criminelles ne rentre, ni dans le droit international public ni dans le droit international privé, mais forme une « branche toute spéciale du droit, qu'ils appellent Droit international criminel »; Weiss, Traité élémentaire de droit international privé, p. 35.

(3) On l'appelle aussi droit des gens réel ou pratique.

ont entre eux, soit en vertu de coutumes internationales admises par tous, soit en vertu de traités formels.

Le droit des gens positif est à la communauté internationale ce que sont les lois pour les habitants de chaque Etat.

Le droit des gens naturel (1) est, au contraire, un ensemble de règles idéales, formulées par les jurisconsultes, et qu'ils voudraient voir pratiquer dans les rapports entre les Etats, comme leur paraissant les plus conformes à l'état des mœurs ou à l'idée qu'ils se font de la justice.

Différences fondamentales entre le droit des gens et le droit interne. Plusieurs différences fondamentales séparent le droit des gens du droit interne :

1o Le droit interne s'applique à l'intérieur de chaque Etat: le droit des gens, au contraire, s'applique aux relations extérieures de chaque Etat avec les autres Etats.

2o Le droit interne a pour sujets les individus dont chaque Etat est composé, tous soumis à une autorité supérieure commune : les sujets du droit des gens sont les Etats eux-mêmes, considérés comme corps politiques indépendants et souverains.

3o Dans l'intérieur de chaque Etat, il y a une autorité chargée de faire les lois, une autorité chargée de trancher les conflits d'intérêt qui s'élèvent entre les particuliers, et enfin une autorité chargée d'assurer l'exécution des décisions rendues. Il n'en est pas de même, en ce qui concerne le droit des gens, puisqu'à raison de leur indépendance respective, il ne saurait y avoir au-dessus des Etats une autorité supérieure à laquelle ils soient tenus d'obéir. Ce sont les Etats eux-mêmes qui posent les règles de leur droit des gens, soit à l'aide des usages qu'ils suivent, soit à l'aide des traités qu'ils passent. Et il n'y a au-dessus d'eux, ni une autorité judiciaire pour veiller à l'observation du droit des gens, ni un pouvoir exécutif,chargé d'assurer l'exécution des décisions rendues;

4o Le droit interne est uniforme, en ce sens que, sur une même portion de territoire, les mêmes lois et les mêmes coutumes s'appliquent à tous les sujets de l'Etat, sans distinction entre eux. Le droit des gens est au contraire variable (2); il varie suivant le de

(1) On l'appelle aussi droit des gens théorique.

(2) Il est cependant certains principes de droit des gens qui toujours doivent être observés : ce sont ceux qui sont relatifs au respect de l'existence des peuples. Malheureusement, ils ont été et sont encore trop souvent méconnus et violés par les Etats européens dans leurs relations avec les indigènes des pays qu'ils découvrent.

gré de civilisation, les institutions et les mœurs des peuples qui entrent en relations. Il est bien certain, par exemple, que le droit des gens que les Européens pratiquent entre eux, n'est pas celui qu'ils pratiquent dans leurs rapports avec les Etats d'Extrême-Orient ou les tribus sauvages de l'Afrique. Bien mieux, entre peuples parvenus au mème degré de civilisation, ayant les mêmes institutions et les mêmes mœurs, le droit des gens peut varier par suite de traités intervenus. Ainsi, nous verrons que dans une guerre entre la France et l'Allemagne, par exemple, la France ne pourrait pratiquer la course, à laquelle ces deux puissances ont renoncé par le traité de Paris de 1856; tandis qu'elle pourrait s'en servir dans une guerre contre les Etats-Unis, qui n'ont pas voulu adhérer au traité de 1856. Droit des gens européen. On entend par droit des gens européen l'ensemble des principes qui servent de base aux relations des Etats européens et des Républiques américaines d'origine européenne, et établissent entre eux une sorte de société et de communauté internationales. La Turquie a été admise au bénéfice du droit public européen par le traité de Paris de 1856 (1).

Le droit des gens a-t-il une sanction et quelle est-elle. Nous avons vu que l'observation des règles du droit des gens n'est pas assurée, comme celle du droit interne, par l'emploi d'une force coercitive mise au service d'une autorité supérieure.

Le droit des gens est pourtant respecté, parce que sa violation entraîne des conséquences souvent funestes, pour les Etats qui s'en rendent coupables. Sous ce rapport, on a pu comparer, avec juste raison, les règles du droit des gens et les lois de l'hygiène (2).

L'homme, dans son libre arbitre, peut bien s'écarter des règles de l'hygiène, mais s'il le fait, la maladie ou la mort peut s'ensuivre, et cette crainte l'amène à les observer fidèlement. Il en est de même du droit des gens. Les Etats, dans leur souveraineté, peuvent bien le méconnaître; mais s'ils le font, ils s'exposent aux représailles d'Etats plus puissants, ou aux coalitions des autres Etats (3). Et cette crainte les maintient dans le respect du droit. C'est là la seule sauvegarde du droit des gens. Pour la guerre on

(1) On peut dire aussi que la Conférence de la Haye, en 1899, a associé les Etats Asiatiques au droit public européen en faisant participer à ses travaux les représentants du Japon, de la Chine, de la Perse et du royaume de Siam.

(2) Funck-Brentano et Sorel, Précis de droit des gens, p. 7.

(3) Témoins Louis XIV et Napoléon Ier contre lesquels, à deux siècles d'intervalle, l'Europe se coalisa pour réprimer les abus qu'ils avaient faits de la force, au mépris du droit des gens.

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