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acquièrent seulement en outre, la nationalité qui résulte de la formation de l'Etat fédéral.

Exemple: Lorsqu'en 1871, la Bavière, le Grand-duché de Bade, le Wurtemberg se sont unis aux Etats du Nord de l'Allemagne, pour former l'empire allemand, les habitants de ces Etats sont restés Bavarois, Badois, Wurtembergeois. Mais ils sont de plus devenus allemands.

2° Une union, soit personnelle, soit réelle, se forme entre deux Etats.

Les habitants des Etats qui s'unissent conservent leur nationalité propre car il y a simple juxtaposition d'Etats.

Exemple: L'Union de la Suède et de la Norvège, de l'Autriche et de la Hongrie, des Pays-Bas et du Luxembourg a laissé intacte la nationalité de ses habitants.

30 Enfin, lorsqu'un Etat se place sous le protectorat d'un Etat plus puissant.

Les habitants de l'Etat protégé conservent leur ancienne nationalité.

Exemple: Les habitants de la Tunisie, de l'Annam, sont restés, après l'établissement du protectorat français, Tunisiens, Annamites, etc.

2 cas: Transformations des Etats qui modifient la nationalité des habitants. 1° Un Etat nouveau se forme par la fusion en un seul de plusieurs petits Etats.

Les habitants de ces États perdent leur nationalité primitive et acquièrent la nationalité du nouvel Etat.

Exemple: Les Toscans, les Napolitains, les Piémontais sont devenus Italiens par la formation de l'Italie.

2° Un Etat est incorporé par un autre Etat.

Les habitants de l'Etat incorporé perdent leur nationalité antérieure et acquièrent la nationalité de l'Etat qui opère l'incorpora

tion.

Cependant, un délai est en général laissé aux habitants qui ne veulent pas acquérir cette nationalité pour y échapper en transportant leur domicile ailleurs.

Exemple: Dans le traité intervenu le 17 avril 1798 entre la République de Genève et la République française, il est dit que tout Genevois deviendra français; sauf ceux qui dans le délai de trois ans transporteront leur domicile ailleurs.

30 Un Etat annexe une portion du territoire d'un autre Etat. L'effet immédiat de l'annexion est de faire perdre aux habitants

du territoire annexé leur ancienne nationalité, et de leur faire acquérir la nationalité de l'Etat annexant. Autrement, cet Etat n'exercerait qu'une souveraineté matérielle et nominale sur le territoire annexé, et ses droits seraient le plus souvent réduits à l'impuissance, en présence d'habitants obéissant à un gouvernement étranger et à des lois étrangères (1). Seulement, comme on ne peut pas imposer à un individu une nationalité dont il ne veut pas, on laisse aux habitants la faculté d'opter pour leur ancienne nationalité.

Voici, dès lors, les trois questions délicates que soulève l'annexion d'un territoire, au point de vue de la nationalité des habitants.

1re question: Quelles personnes sont atteintes dans leur nationalité par l'effet de l'annexion?

2e question: A quelles conditions, les personnes ayant perdu leur nationalité par l'effet de l'annexion, pourront-elles la recou

vrer?

3e question: Toute personne, ayant perdu son ancienne nationalité par suite de l'annexion, peut-elle la recouvrer par voie d'option sans différence d'âge ni de sexe?

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1re question: Quelles personnes sont atteintes dans leur nationalité par l'effet de l'annexion ? Il faut écarter, évidemment, les sujets d'une puissance étrangère domiciliés ou résidant au moment de l'annexion, sur le territoire annexé. Il ne peut être question que des sujets de l'Etat qui subit l'annexion.

Mais, parmi ces derniers, quels sont ceux qui perdront leur nationalité? Quatre systèmes principaux ont été proposés :

Le premier système se rattache au domicile; perdent leur nationalité, les sujets de l'Etat démembré qui, au moment de l'annexion, ont leur domicile sur le territoire annexé.

C'est ce système qui, en théorie, réunit le plus de suffrages (2). Pour le soutenir on dit pour que la souveraineté de l'Etat annexant s'affirme d'une façon puissante sur le territoire annexé, il faut conférer sa nationalité à tous ceux qui sont établis d'une façon fixe sur le territoire, quel que soit le lieu de leur naissance ou leur filiation. On ajoute que le domicile est dans notre droit le lien juridique le plus solide par lequel l'homme se rattache au sol: c'est là qu'il exerce tous ses droits. Enfin, on fait observer, que le domicile a une importance considérable pour l'acquisition de la nationalité.

(1) Weiss, Traité élémentaire de droit international privé, p. 213. (2) Weiss, op. cit., pp. 214 et suiv.

Pour se faire naturaliser, l'étranger doit d'abord transporter son domicile en France et la loi du 27 juin 1889 sur la nationalité décide que la naissance sur le sol français, jointe à cette circonstance qu'au moment de sa majorité l'individu a son domicile en France, lui confère la qualité de français.

Un deuxième système se rattache à l'origine; perdent leur nationalité les sujets de l'Etat démembré nés sur le territoire annexé, quel que soit leur domicile au moment de l'annexion.

D'après un troisième système, il faudrait le concours du domicile et de l'origine.

Perdent leur nationalité antérieure, les sujets de l'Etat démembré, qui ont leur domicile, au moment de l'annexion, sur le territoire annexé et qui sont nés sur ce territoire.

Enfin, un quatrième système (1) se contente de l'une ou de l'autre de ces deux circonstances, le domicile ou l'origine.

Perdent leur nationalité antérieure, les sujets de l'Etat démembré, ou bien qui ont leur domicile au moment de l'annexion sur le territoire annexé, ou bien qui sont nés sur ce territoire.

Applications pratiques: 1° Traité franco-sarde du 24 mars 1860. Annexion de la Savoie et du comté de Nice à la France. Le traité franco sarde du 24 mars 1860, consacrant l'annexion à la France de la Savoie et du comté de Nice, a appliqué le quatrième système. Il a conféré la nationalité française sous réserve d'un droit d'option, aux «< sujets Sardes originaires de la Savoie et de l'arron» dissement de Nice, ou domiciliés actuellement dans ces provin» ces » (art. 6).

2° Traité de Francfort du 10 mai 1871. Annexion de l'AlsaceLorraine à l'empire allemand. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 qui a cédé l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne s'exprime ainsi : «Les sujets français, originaires des territoires cédés, domiciliés >> actuellement sur ces territoires... » (art. 2).

Interprétation littérale. A prendre à la lettre les termes de ce traité, il résulterait que c'est le troisième système qu'on a suivi, et que ne sont devenus allemands que les Français qui étaient à la fois, originaires des territoires cédés, et domiciliés au moment de l'annexion sur ces territoires.

(1) M. Cauwès a proposé un cinquième système (en note d'un arrêt de Paris, 25 janvier 1874, S. 75.2.225). Lorsque le territoire cédé dépend d'un Etat unitaire comme la France, il faudrait s'attacher au domicile; lorsque le territoire cédé fait partie d'un Etat composé de souverainetés locales différentes, comme un Etat fédéral, la Suisse par exemple, il faudrait s'attacher à l'origine.

Interprétation donnée par une convention additionnelle du 11 décembre 1871. Cependant, une convention additionnelle du 11 décembre 1871 a interprété différemment le traité : elle s'attache uniquement à l'origine, et considère comme Allemands les Français originaires de l'Alsace-Lorraine, quel que soit leur domicile au moment de l'annexion (2e système).

Interprétation abusive donnée par le gouvernement allemand. - Cette interprétation large du traité n'a pas suffi au gouvernement allemand, qui considère comme étant devenus allemands par le fait de l'annexion, non seulement les Français simplement originaires d'Alsace-Lorraine sans y être domiciliés, mais en outre, les Français simplement domiciliés en Alsace-Lorraine, au moment de l'annexion, sans en être originaires.

Le gouvernement français a refusé d'accepter une interprétation aussi abusive. En sorte que les Français domiciliés en Alsace-Lorraine, mais non originaires de ce pays, qui n'ont pas eu soin d'opter pour la France, sont Français en France, Allemands en Allemagne conflit plein d'inconvénients à cause du service militaire. 2e question: A quelles conditions, les personnes ayant perdu leur nationalité par l'effet de l'annexion pourront-elles la recouvrer ? Les personnes atteintes dans leur nationalité par l'effet de l'annexion pourront la recouvrer en optant pour leur ancienne patrie. L'exercice de ce droit d'option peut être subordonné à deux conditions: 1° à l'émigration hors du territoire annexé ; 2o à une déclaration formelle; ou à la condition d'émigration seule

ment.

-

Applications pratiques : 1° Traité franco-sarde de 1860. Le traité franco-sarde subordonne l'exercice du droit d'option à une double condition :

1° Déclaration faite, dans le délai d'un an à partir de l'échange des ratifications, à l'autorité compétente, c'est-à-dire, sur le sol italien, à la municipalité de la résidence de l'optant; en pays étranger, à l'agent consulaire accrédité par le gouvernement sarde.

20 Transfert du domicile sur le sol italien.

2o Traité de Francfort de 1871. En combinant les termes du traité, de la convention additionnelle et de la jurisprudence du gouvernement allemand, on arrive aux trois situations suivantes : 1° Individus nés et domiciliés en Alsace-Lorraine. Ils doivent : 1o Faire leur déclaration d'option, avant le 1er octobre 1872, sur le sol allemand, devant le directeur du cercle; en France, devant le maire de leur résidence; à l'étranger, devant les agents diplo

matiques ou consulaires français; 20 transporter leur domicile en France.

2o Individus nés, et non domiciliés en Alsace-Lorraine. déclaration d'option dans les formes indiquées suffit.

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3° Individus domiciliés et non originaires. Il suffit qu'ils transportent leur domicile en France.

3e question: Toute personne ayant perdu son ancienne nationalité par suite de l'annexion peut-elle la recouvrer, par Cette voie d'option, sans différence ni de sexe ni d'âge ? question vise la situation de la femme mariée et du mineur. L'opinion qui domine, en théorie, est qu'il faut reconnaître à la femme mariée et au mineur un droit d'option personnel. La femme l'exercera avec l'autorisation de son mari; le mineur l'exercera par luimême, dans l'année qui suivra sa majorité.

Applications pratiques: 1° Traité franco-sarde de 1860. — Le traité franco-sarde accorde à la femme le droit d'opter avec l'assistance de son mari.

Il ne parle pas du mineur. Ce silence a été interprété différemment. La jurisprudence française l'a interprété en ce sens, que le mineur suivait la condition de son père (Cour de Chambéry, 22 décembre 1862, D. 63.2.97). La jurisprudence italienne, au contraire, a reconnu au mineur un droit d'option personnel, qu'il peut exercer dans l'année qui suit sa majorité (Cour de Turin, 14 janvier 1874).

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20 Traité de Francfort de 1871. Le traité lui-même ne parle, ni de la femme, ni du mineur ; la situation de l'un et de l'autre incapable est réglée par la jurisprudence; et nous allons voir que la jurisprudence française n'est pas d'accord avec la jurisprudence

allemande.

La jurisprudence française reconnaît à la femme un droit d'option personnel, qu'elle peut exercer avec le concours de son mari. La jurisprudence allemande, au contraire, le lui refuse, et lie son sort à celui de son mari. Si le mari opte pour la France, elle redevient française avec lui; s'il garde le silence, elle reste allemande, comme lui. Quant au mineur, la jurisprudence allemande distingue trois cas ler cas le mineur était domicilié en Alsace-Lorraine, sans en être originaire.

S'il est émancipé, il peut opter personnellement; s'il est non émancipé, il suit la condition de son père.

2e cas le mineur est né en Alsace-Lorraine ou ailleurs, d'Alsaciens-Lorrains non domiciliés.

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