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France et les Pays-Bas. Toutefois, l'Angleterre revient à l'usage du latin pour ses traités avec la France (1). »

Au début du XVIIe siècle, dans son livre intitulé: El Enbaxador, Jean-Antoine de Vera y Figueroa prônait, du moins pour l'audience de réception l'usage de la langue maternelle. « Tout cela, écrivait-il, doit se dire dans la langue naturelle de l'ambassadeur, parce que l'on ne saurait si bien savoir une langue étrangère comme sa langue maternelle; d'ailleurs, il est de la grandeur d'un prince que sa langue se répande partout. »

Au xvne siècle, la prépondérance de la langue française fut hors de doute elle n'était point la langue officielle, mais elle était la langue usuelle. Un historien observe qu'au congrès de Nimègue de 1676 « il n'y avait point de maison d'ambassadeurs où elle ne fût presque aussi commune que leur langue naturelle. » « Presque tous les mémoires, dit-il, étaient rédigés en français. » En 1738, dans son Discours sur l'art de négocier, Antoine Pecquet recommande l'étude des langues étrangères. « Quoique, écrit-il, notre langue soit devenue en quelque sorte celle de toute l'Europe, il y a cependant encore beaucoup de gens qui ne la parlent pas ou du moins qui la parlent difficilement. >> Néanmoins, les traités importants étaient rédigés en latin. Un écrivain observe que les articles provisoires signés à Rastadt en 1714 furent rédigés en français et que le traité définitif du 7 septembre de la même année fut rédigé en latin; il ajoute qu'en 1735 le traité provisoire conclu entre Charles VI et Louis XV fut également rédigé en français, mais que, cette fois, les droits du latin furent réservés (2). La clause de réserve, c'est-à-dire un article de non præjudicando par lequel les deux parties se prémunissent réciproquement contre les conséquences à tirer, figura à partir de cette époque en de nombreuses conventions internationales. Ainsi, pour citer un exemple déjà ancien, un article du traité de Paris, conclu en 1763, entre l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne et le Portugal disposa que la langue française employée dans tous les exemplaires du traité ne formerait pas un exemple pouvant porter préjudice à aucune des nations contractantes.

(1) R. DE MAULde-la-Clavière, t. III, p. 194.

(2) EOBALD TOZE, Kleinere Schriften historischen und statistischen Inhalts, 1791, p. 591 et suivantes : Von der Allgemeinheit der französischen Sprache.

La théorie et la pratique actuelle sont exposées par Pradier-Fodéré : «< En vertu du principe de l'égalité des États, chaque gouvernement est en droit de se servir exclusivement et de demander qu'on se serve avec lui d'une langue déterminée quelconque, soit celle de son pays, soit celle d'un pays étranger, dans ses relations avec les autres Etats, soit par écrit, soit verbales. Ordinairement, lorsque les pays ont des idiomes différents et que leurs gouvernements ne s'accordent pas sur l'usage d'une langue, chacun d'eux se sert dans ses expéditions de sa propre langue ou d'une langue quelconque en ajoutant une traduction dans la langue de l'autre gouvernement ou dans une tierce langue (1). » « La confection de plusieurs instruments originaux, ajoute le savant jurisconsulte, lorsque chaque puissance intéressée persiste à employer sa langue propre pour les négociations les rend plus difficiles et enlève à la lettre des conventions la clarté et la précision qui sont si désirables... Aussi, pour éviter les inconvénients, les Etats ont-ils volontiers adopté dans le passé une langue tierce (2). » De nos jours encore le français est souvent employé et on peut citer parmi les traités conclus dans la seconde moitié du XIXe siècle le traité de Paris de 1856, le traité de Berlin de 1878, l'acte général de la conférence de Berlin de 1885, les conventions et les déclarations de la conférence de la Haye de 1899.

Despagnet note une utile précaution: « Pour éviter les difficultés avec les peuples barbares dont la langue est mal connue et dont la bonne foi peut être douteuse, on stipule souvent que le seul texte qui fera autorité sera le texte rédigé dans la langue du pays civilisé ou dans celle d'une puissance tierce, par exemple de la France (3). »

Dans la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux adoptée par la conférence de la Haye de 1899 figure un article aux termes duquel « le tribunal arbitral décide du choix des langues dont il fera usage et dont l'emploi sera autorisé devant lui ». Le tribunal arbitral chargé de statuer sur le litige existant entre l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne d'une part et le Japon d'autre part, au sujet des concessions européennes au Japon, décida, le 21 novembre 1904, que la langue française serait la langue du tribunal et que les

(1) P. PRADIER-FODÉDÉ, ouvrage cité, t. II, p. 455.

(2) Ibid., t. II, p. 560.

(3) F. DESPAGNET, Cours de droit international public. Troisième édition, 1905, p. 533.

parties pourraient se servir soit de la langue française, soit de la langue anglaise. Dans la séance du 15 mai 1905, les trois puissances européennes conclurent à l'admission de la langue allemande « dans les conditions de la décision du 21 novembre 1904 ». A son tour, le gouvernement japonais déclara qu'il avait envisagé cette dernière décision comme placée sur le terrain de la nécessité pratique et comme répondant au fonctionnement de la juridiction arbitrale; il ajouta que, si les trois puissances plaçaient la question sur le terrain des principes sans aucune nécessité pratique, il avait le devoir de réclamer éventuellement les mêmes droits pour toutes les langues représentées devant les arbitres. Au moment où l'incident se produisait, les parties ne pouvaient plus, d'après le protocole d'arbitrage, adresser des requêtes au tribunal; mais celui-ci avait le droit de demander des renseignements. La décision tint compte de ces circonstances. « Le tribunal, fut-il dit, donnant acte aux agents des parties intéressées de leurs demandes respectives, surseoit à statuer et réserve aux parties la faculté de lui remettre à nouveau ces demandes au cas où des explications ou informations supplémentaires leur seraient demandées dans les termes de l'article 6 du protocole d'arbitrage. » Par une deuxième décision, il constata aussitôt qu'il n'y avait point de demandes à présenter aux termes de cet article, et il prononça la clôture des débats, remettant l'affaire pour le prononcé de la sentence.

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Nous avons constaté que la coutume et les traités sont les deux modes de formation de droit international. La coutume, avons-nous dit, est, au point de vue historique, la première des sources, cependant le traité apparaît de bonne heure dans les rapports des peuples (1); nous pouvons ajouter que sur les petites briques découvertes en 1887 à Tell-el-Amarna figure un traité d'alliance conclu au XVe siècle avant notre ère entre le roi de Babylone et le roi d'Égypte (2).

Au point de vue du droit des gens lui-même, une question importante est de savoir si le traité fait davantage que constituer un acte attestant la règle de ce droit sur un point déterminé et à une époque donnée; si, allant au delà, il est générateur du droit international et peut établir une règle juridique obligatoire pour d'autres communautés politiques que celles qui l'ont conclu. Nous l'avons exposée dans ses détails. Dans notre organisation internationale, le traité apparaît encore comme apparaissaient, à l'époque féodale, presque toutes les expressions de la volonté au sein des communautés politiques, c'est-à-dire sous la forme de contrat; l'étendue de son action a fait ainsi l'objet de doctrines diverses. Parmi les jurisconsultes, les uns

(1) E. Nys, Le droit international. Les principes, les théories, les faits, t. I, p. 151. (2) RUDOLF VON SCALA, Die Staatsverträge des Alterthums, 1898, p. 1.

l'ont envisagé comme une manifestation de la volonté des États dont la répétition suffisamment fréquente fournit une théorie de ce qui se pratique concernant tel ou tel problème de droit international; d'autres ont montré les traités formant ce qu'ils ont appelé une législation conventionnelle; d'autres encore se plaçant dans l'hypothèse où la volonté commune se fixe sur un point intéressant une fraction importante de la société internationale ou cette société internationale tout entière, proclament qu'il y a une loi rédigée sous forme de convention, un pactum instar legis, un droit nécessaire et non plus un droit simplement conventionel; d'autres, enfin, ont enseigné qu'à côté de la manifestation contractuelle, c'est-à-dire du contrat d'État, du traité et à côté de la manifestation unilatérale, c'est-à-dire de l'ordre donné par l'État, se trouve la manifestation par «collaboration » dans laquelle les volontés « collaborantes » veulent la même chose et où se crée une situation de droit objectif.

Le traité ou, pour employer la terminologie ancienne, le traité public est l'accord de deux ou de plusieurs communautés politiques. Des auteurs ont insisté sur le but. « Le traité, dit Vattel, en latin fœdus, est un pacte fait en vue du bien public par des puissances supérieures, soit à perpétuité, soit pour un temps considérable. » D'autres auteurs ont mis en évidence les effets, en prenant pour point de départ la définition que Robert-Joseph Pothier donne de la convention : « Une convention ou un pacte (ce sont des termes synonymes) est le consentement de deux ou plusieurs personnes pour former entre elles quelque engagement ou en résoudre un précédent ou pour le modifier. >>

Dans la science du droit des gens, les mots « traité » et « convention» sont employés indifféremment; comme le dit Rivier, l'usage assigne souvent au mot « convention » une acception large, réservant le mot «<< traité » aux conventions dont l'objet est de nature générale, d'importance considérable ou multiple (1). On appelle « acte final », « acte général », « recès général », la convention conclue dans un congrès ou dans une conférence. On emploie aussi le mot « déclaration ». On se sert enfin du terme « arrangement ». L' «‹ instrument »> est le document contenant le traité.

(1) A. Rivier, ouvrage cité, t. II, p. 37.

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