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ties par les propriétaires neutres. Le belligérant prend le seul moyen dont il dispose pour prévenir les communications hostiles. Mais puisqu'il prend une mesure préventive, puisqu'il agit sans avoir aucun reproche à adresser aux neutres, il paraît équitable qu'il indemnise le neutre du tort causé par la rupture. C'est contre son adversaire, dans son intérêt à lui, qu'il a endommagé une propriété neutre, en mer libre, sans qu'il y ait eu faute du neutre. Il semble juste qu'il supporte les frais nécessaires pour réparer le dommage ou tout au moins les conséquences directes du dommage, c'est-à-dire les frais du rétablissement du câble, la guerre une fois terminée. Les neutres auront beaucoup à gagner à semblable transaction... Il semble bien, en tout cas, que le droit à indemnité- droit qui serait d'ailleurs aussi plausible en cas de rupture dans les eaux territoriales qu'en cas de rupture en haute mer soit la seule prétention que les neutres puissent avoir quelque chance de faire triompher dans la pratique et la seule qu'ils puissent vraiment étayer sur les principes qui dominent le droit de la guerre maritime. (1) »

Quand il s'agit d'un cable mettant en communication deux territoires neutres, les belligérants ne peuvent ni couper, ni relever le cable; ils ne peuvent point prétendre à un contrôle quelconque.

Il y a utilité à reproduire les règles concernant les câbles sousmarins en temps de guerre que l'Institut de droit international a adoptées en 1902. Les voici :

I. — Le câble sous-marin reliant deux territoires neutres est inviolable.

II. Le cable reliant les territoires de deux belligérants ou deux parties du territoire d'un des belligérants peut être coupé partout, excepté dans la mer territoriale et dans les eaux neutralisées dépendant d'un territoire neutre (« neutralisées » par traité ou par déclaration conformément à l'article 4 des résolutions de Paris de 1894).

III. — Le câble reliant un territoire neutre au territoire d'un des belligérants ne peut en aucun cas être coupé dans la mer territoriale ou dans les eaux neutralisées dépendant d'un territoire neutre.

«< En haute mer, le cable ne peut être coupé que s'il y a blocus effectif et dans les limites de la ligne du blocus, sauf rétablissement du

(1) CH. DUPUIS, travail cité, revue citée, t. X, p. 546.

cable dans le plus bref délai possible. Ce cable peut toujours être coupé sur le territoire ou dans la mer territoriale dépendant d'un territoire ennemi, jusqu'à une distance de 3 milles marins de la laisse de basse marée.

IV. — Il est entendu que la liberté de l'État neutre de transmettre des dépêches n'implique pas la faculté d'en user ou d'en permettre l'usage manifestement pour prêter assistance à l'un des belligérants. V. En ce qui concerne l'application des règles précédentes, il n'y a de différence à établir ni entre les câbles d'Etat et les câbles appartenant à des particuliers, ni entre les cables de propriété ennemie et ceux qui sont de propriété neutre.

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X. Les biens des établissements publics, des communes

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et des provinces.

« Les biens des communes, était-il dit dans le premier alinéa de l'article 8 du projet de déclaration adopté par la conférence de Bruxelles de 1874, ceux des établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l'instruction, aux arts et aux sciences, même appartenant à l'Etat seront traités comme la propriété privée. »

Dès 1875, des membres de l'Institut de droit international ont critiqué la rédaction et ont proposé de viser uniquement dans l'article les établissements « publics » puisque les établissements privés sont régis par les dispositions relatives à la propriété privée en général, et de limiter la disposition aux établissements « civils », puisque les établissements de charité militaire, comme les hôpitaux et les ambulances, sont soumis à un autre régime, celui de la convention de Genève (1). Néanmoins, la rédaction de 1874 forme le premier alinéa de l'article 56 du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre voté par la conférence de la Haye.

Dans la conférence de Bruxelles, des délégués ont émis des opinions qui justifieraient jusqu'à un certain point l'interprétation restrictive du texte. L'un d'eux a proposé mème de proclamer le principe, mais de réserver les exceptions; il a fait valoir que dans la pratique la règle

(1) G. ROLIN-JAEQUEMYNS, Examen de la déclaration de Bruxelles. Revue de droit international et de législation comparée, t. VII, p. 481.

ne pouvait être immuable. « Les églises, disait-il, sont les bâtiments les plus utiles en été pour servir d'ambulances et d'hôpitaux. Il n'y a pas une tour qui ne serve d'observatoire. Il y a des couvents et même des musées qui devront nécessairement être employés à des buts militaires. » Le même délégué a proclamé utile de prévoir dans le texte le cas de nécessité. Du reste, comme nous l'avons vu, l'article 27 du règlement de 1899 ordonne de prendre des mesures pour épargner autant que possible, en cas de siège et de bombardement, les édifices consacrés aux cultes, aux arts, aux sciences et à la bienfaisance, les hôpitaux et les lieux de rassemblement de malades et de blessés, à la condition qu'ils ne soient pas employés en même temps à un but militaire.

Un auteur s'est placé au point de vue des faits aussi bien que de la doctrine en ce qui concerne les biens faisant partie du domaine privé des provinces ou départements et des communes; il constate que l'État étant le belligérant, ils doivent être assujettis aux règles déterminant et protégeant pendant l'occupation les biens des particuliers et non aux règles relatives aux biens du domaine privé de l'État. « D'ailleurs, ajoute-t-il, nous ne pouvons méconnaitre que le principe que nous dégageons ici est plus théorique que pratique, et malgré le vœu de la majorité des publicistes, le vainqueur a bien souvent encore une tendance assez marquée à confondre les biens des communes ou des autres circonscriptions administratives dotées de la personnalité morale avec ceux de l'État (1).

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(1) E. CHARLEVILLE, ouvrage cité, p. 161.

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En traitant des combattants et des non-combattants, nous avons indiqué la situation que le droit international crée, de nos jours, à la population paisible, qu'il s'agisse de pays envahi ou de pays occupé. Il nous faut mentionner de manière plus précise les règles qui sont en vigueur quand il y a occupation de guerre (1).

Une considération domine. Quand la théorie de la conquête était en vigueur, les habitants devenaient, par le fait même de la marche victorieuse de l'armée, les sujets d'un nouveau souverain; depuis que s'est imposée la notion de l'occupation de guerre, le lien qui les unit à l'État vaincu n'est point rompu; la nationalité est maintenue; l'autorité de l'Etat vainqueur est une autorité de fait dont le caractère n'est nullement définitif. « Le maître que les vicissitudes des combats ont imposé aux habitants, dit un auteur, ne voit son autorité limitée que par le droit des gens; c'est ce droit qu'il faut interroger pour savoir la nature des relations qui doivent s'établir entre les deux ennemis. Le pays occupé vit séparé de la mère-patrie par la double ligne des combattants, il n'a plus de communication avec elle, et, pour qu'il soit administré, pour que l'ordre y règne, il faut donner à l'occupant les droits d'un gouverneur intérimaire. Mais de ce que l'occupation a toujours un caractère provisoire, on peut conclure que la souveraineté de droit, sinon de fait, demeure entre les mains du gouvernement légal et que l'occupant ne doit exercer sa domination que dans les

(1) E. Nys, Le droit international. Les principes, les théories, les faits, t III, p. 198.

limites marquées par les besoins de son armée ou l'intérêt des populations. Les habitants doivent obéissance; c'est dans ce mot que se résument toutes leurs obligations (1). »

Un écrivain américain assimile les habitants du pays occupé aux prisonniers de guerre sur parole; il s'occupe spécialement de la population civile de la ville, du district ou du pays dont le vainqueur s'est emparé; il la montre autorisée à continuer sans obstacle et sans restriction ses travaux paisibles; il fait ressortir qu'il y a engagement tacite de ne plus opposer de résistance; il conclut que si elle n'est point donnée en termes exprès, sa parole d'honneur doit être supposée puisqu'elle est la condition à laquelle le vainqueur a subordonné l'abandon du droit qu'il avait sur la vie même des vaincus (2). Le raisonnement s'explique; il suffit de songer au véritable caractère du système d'administration militaire qui s'est constitué aux ÉtatsUnis (3). Autre est la notion de l'occupation de guerre qui s'est développée sur le continent européen et qui a été consacrée par la conférence de la Haye. Ici, il est une théorie prévalente concernant la base juridique. Nous l'avons exposée et nous pouvons nous contenter de la résumer du fait de l'occupation ne résulte point de droit de souveraineté; toutefois, de l'élément négatif de la suppression en fait de l'autorité légale et de l'élément positif de l'envahissement découlent une obligation de protection de la part de l'Etat occupant et une obligation de soumission de la part des habitants (4). « La souveraineté de l'Etat dont une partie du territoire est occupée étant momentanément suspendue, dit Pradier-Fodéré, le devoir de l'occupant est de se substituer à elle dans les garanties à donner à la sécurité des personnes et des propriétés privées. Mais le droit correspondant est d'exiger que les habitants qui se trouvent sur le territoire occupé gardent, en ce qui concerne les événements militaires, une attitude. passive, et de traiter en rebelles, conformément aux usages de la guerre, c'est-à-dire avec toute la rigueur qui sera jugée nécessaire,

(1) A. BRENET, La France et l'Allemagne derant le droit international pendant les opérations militaires de la guerre de 1870-1871, p. 138.

(2) H.-W. HALLECK, International law, or rules regulating the intercourse of States in peace and war. Édition annotée par sir SHERTON BAKER, 1878, t. II, p. 464. (3) E. NYS, ouvrage cité, t. III, p. 277.

(4) Ibid., p. 182.

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