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savants et les artistes, les législateurs, les juges, les avocats, les médecins; il mentionne aussi les correspondants de journaux (1).

La publication du grand état-major allemand insiste sur l'utilité que présentent les certificats rédigés par les autorités militaires dans les formes usitées en matière de relations internationales puisqu'ils permettent de faire reconnaître celui qui les porte et de dissiper le soupçon d'espionnage; elle veut que les correspondants donnent connaissance au quartier général du contenu de leurs articles; elle admet qu'ils soient frappés de peines allant de l'avertissement à l'expulsion et, en cas de délit, à des peines plus graves.

Antoine Pillet pose comme principe que le général en chef n'est point tenu d'autoriser les correspondants de journaux à suivre les opérations militaires; il ajoute que lorsque des correspondants de journaux ont reçu l'autorisation de suivre les troupes d'un belligérant, ils sont soumis, par ce fait, à la discipline militaire et doivent s'abstenir de tout acte qui pourrait être la cause d'un dommage pour l'armée (2). »

(1) J. LORIMER, Principes de droit international. Traduit par E. Nys, p. 208. (2) A. PILLET, Les lois actuelles de la guerre, p. 195.

CHAPITRE XIII.

LES RAPPORTS ET LES NÉGOCIATIONS ENTRE LES ARMÉES BELLIGÉRANTES.

Les nécessités de la guerre obligent les chefs des armées belligérantes à accorder à des sujets de l'Etat ennemi ou à leurs biens protection et sûreté, à prendre des mesures pour suspendre momentanément les effets de la guerre, à entrer en relations avec les commandants des forces ennemies, à entamer des négociations et à conclure des conventions. Dans la terminologie romaine, les mots commercia belli, « commerces de guerre, rapports de guerre », servaient à désigner les actes et les conventions; dans les écrits consacrés au droit de la guerre à la fin du moyen àge et au début des temps modernes, les mots pacta bellica, « pactes de guerre », étaient surtout employés. Dans la forme, certaines mesures constituent des actes unilatéraux; elles sont des concessions faites par le commandant d'armée, des sauf-conduits, des sauvegardes, des licences; en réalité elles impliquent de la part de ceux qui en profitent l'engagement de s'acquitter d'obligations déterminées; un jurisconsulte les appelle des conventiones gentium jure præsumptæ, des « conventions présumées par le droit des gens » et il les oppose aux conventiones veræ, aux « vraies conventions »; c'est Jean-Philippe Müller, avocat ordinaire du gouvernement de Saxe-Cobourg et de Hilperhaus, auteur d'une thèse : De belli commerciis soutenue, en 1687, devant la faculté de droit d'léna. Les conventions de guerre proprement dites sont conclues par les chefs des armées belligérantes. Au sujet des négociations elles-mêmes, il faut mentionner le rôle des parlementaires et celui des négociateurs.

« Les principes du droit des gens les plus rudimentaires, dit Thomas Erskine Holland, et les principes acceptés le plus longtemps et le plus généralement sont ceux qui proclament le caractère sacré des

ambassadeurs, le respect dû à un drapeau parlementaire, la bonne foi requise dans les accords intervenant entre ennemis (1). »

Sans remonter à l'antiquité classique, on peut citer de nombreux textes. Gratien avait inséré dans son recueil ces paroles de saint Augustin : « Fides enim quando promittitur, etiam hosti servanda est contra quem bellum geritur, « la foi promise doit être gardée même envers l'ennemi auquel on fait la guerre »; la plupart des jurisconsultes s'étaient prononcés avec énergie. Une maxime apparaissait fréquemment Nil est melius bona fide, « il n'y a rien de mieux que la bonne foi»; quelques auteurs catholiques formulaient des réserves dictées par le fanatisme religieux; ils exceptaient de la règle tout engagement qui offensait leur Dieu ou portait préjudice à leur Église. Les jurisconsultes italiens du xive et du XVe siècle avaient disserté au sujet de plus d'une question née dans les multiples guerres qui désolaient leur patrie.

Au surplus, quelques auteurs consacrèrent à la matière d'intéressantes monographies. Vers 1538, Jules Ferretti écrivit l'ouvrage volumineux De re, jure et disciplina militari, ipsiusque præceptis; des chapitres étaient consacrés aux trêves. Dans la deuxième moitié du xvre siècle, Octavien Velpelli publia un traité: De induciis, pace et promissione de non offendendo. En 1624, Jean Guillaume Neumayr de Ramsla fit paraître le livre intitulé: Von Friedeshandlungen und Verträgen in Kriegszeiten. Sonderbarer Tractat oder Handlung. Dans les universités, professeurs et étudiants consacrèrent leurs dissertations et leurs thèses à l'examen de points spéciaux concernant les passeports, la capitulation et la trève.

I - Les parlementaires.

« Les puissances belligérantes, écrit Guillaume de Garden, ont en général recours à l'intermédiaire d'une puissance neutre, lorsqu'elles ont dessein d'ouvrir des négociations sur quelque point d'une importance majeure; mais lorsqu'il s'agit seulement de propositions relatives à des conventions que nécessitent les événements communs de la

(4) T. E. HOLLAND, Studies in international law, p. 120.

guerre, on s'adresse directement à l'ennemi. Il a done fallu que l'usage établit des signaux particuliers qui servissent à s'approcher réciproquement avec sécurité et qui fussent considérés comme équivalant à une déclaration expresse qu'on désire « parlementer » et qu'on offre ou demande la cessation des hostilités (1) ».

On désigne sous le nom de parlementaire la personne, militaire ou non, qui reçoit de l'un des belligérants la mission de faire des communications ou de conduire des négociations.

« Il faut que le parlementaire soit extérieurement reconnaissable comme tel, dit la publication du grand état-major allemand, et notamment par des signes qui frappent de loin la vue et l'ouïe et qui sont en usage et bien connus partout, comme le drapeau blanc et, en cas de besoin, un mouchoir blanc, des sonneries de clairon ou de trompette, le roulement de tambour (2). »

Dans la guerre maritime, l'envoyé approche dans un canot parlementaire ou canot de cartel, sur lequel est arboré le pavillon blane.

Les coutumes de la guerre et les règlements militaires des divers Etats ont déterminé les formalités et les mesures de sécurité pour la réception. Dans l'ensemble, il a été tenu compte nécessairement des intérêts en présence; en effet, si l'envoyé a droit à l'inviolabilité, le chef de l'armée auprès duquel il se rend a le droit de se garantir contre toute tentative d'espionnage. Dans les « Instructions pour les armées en campagne des États-Unis » rédigées en 1863, dans le projet de déclaration internationale adopté par la conférence de Bruxelles en 1874 et dans le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre voté par la conférence de la Haye en 1899, ont été insérés différents articles où sont reproduites les dispositions généralement admises.

Voici les articles du règlement adopté par la conférence de la Haye :

« Article 32. Est considéré comme parlementaire l'individu autorisé par l'un des belligérants à entrer en pourparlers avec l'autre et se présentant avec le drapeau blane. Il a droit à l'inviolabilité ainsi

(1) G. DE GARDEN, Traité complet de diplomatie on théorie générale des relations extérieures des puissances de l'Europe, t. II, p. 310.

() Les lois de la guerre continentale (Publication de la section historique du grand état-major allemand, 1902), traduites et annotées par P. CARPENTIER, p. 63.

que le trompette, clairon ou tambour, le porte-drapeau et l'interprète qui l'accompagneraient.

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« Article 33. Le chef auquel un parlementaire est expédié n'est pas obligé de le recevoir en toutes circonstances.

<< Il peut prendre toutes les mesures nécessaires afin d'empêcher le parlementaire de profiter de sa mission pour se renseigner.

«Il a le droit, en cas d'abus, de retenir temporairement le parlementaire.

« Article 34. Le parlementaire perd ses droits d'inviolabilité, s'il est prouvé d'une manière positive et irrécusable, qu'il a profité de sa position privilégiée pour provoquer ou commettre un acte de trahison. >>

Il convient de citer l'article 112 des instructions pour les armées en campagne des Etats-Unis. « Si le porteur d'un drapeau parlementaire se présente durant un engagement, est-il dit, il peut être admis, mais par exception et très rarement. Il n'est pas contre la bonne foi de retenir le porteur d'un drapeau parlementaire, s'il est reçu durant le combat. Il n'est pas nécessaire de faire cesser le feu aussitôt qu'on aperçoit un drapeau blanc, au milieu de l'action. »

II. Le sauf-conduit, la sauvegarde, la licence.

Au sens général, le sauf-conduit est le permis d'aller dans le territoire où se trouve l'armée, d'y séjourner et d'en revenir. Les anciens auteurs, notamment les commentateurs italiens du xive siècle, le décrivaient comme un privilège accordé sans qu'il y eût cessation d'armes; ils enseignaient que tout en demeurant dans la propriété des termes il fallait en étendre le sens plutôt que le resserrer. « Le saufconduit, disait Albéric Gentil à la fin du xvre siècle, doit être interprété avec équité et sans subtilités. >>

Le sauf-conduit n'est pas transmissible à une personne autre que celle qui y est désignée; toutefois, s'il est conçu en termes généraux, il peut s'appliquer à la famille et à la suite du bénéficiaire; il est vrai que, dans ce cas, il ne s'agit pas précisément de transmission à un tiers. Il n'est valable que pour le territoire déterminé. S'il est donné pour un temps, il expire quand vient le terme.

«Le sauf-conduit, dit Emer de Vattel, n'expire point à la mort de

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