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DOUZIÈME SECTION

LES SOLUTIONS AMIABLES

DES DIFFÉRENDS ENTRE LES ÉTATS

Dans la phase actuelle du droit des gens, le recours à la force n'est licite que lorsqu'il est absolument nécessaire. La guerre est encore un moyen d'aplanir les conflits, mais elle est un moyen extrême dont on ne peut se servir que lorsqu'il y a impossibilité complète de trancher autrement les contestations. Les principes juridiques décident ainsi; de nombreuses conventions sont venues les appliquer et imposer la solution en des cas où anciennement la guerre était un juste mode de vider le différend; un but apparaît déjà, c'est la suppression même de l'emploi de toute violence.

Les modes de résoudre les conflits internationaux sans le recours à la guerre se divisent en procédés amiables et en procédés non amiables. Les procédés amiables fournissent des solutions diplomatiques ou des solutions juridiques; ils consistent dans les négociations directes, les enquêtes, l'interposition des bons offices et la médiation, l'arbitrage. Les procédés non amiables se ramènent à la suspension des relations diplomatiques, à la rétorsion, aux représailles, à l'embargo, au blocus pacifique.

CHAPITRE PREMIER

LES NÉGOCIATIONS DIRECTES.

La « conférence amiable » entre les parties qui ont quelque démêlé est mentionnée par Grotius comme formant avec le sort et avec le compromis entre les mains d'arbitres trois modes d'éviter la guerre.

La conférence amiable n'était pas inconnue au moyen àge; mais la défiance était grande; la possession de la personne du prince sur qui tout reposait présentait beaucoup d'importance; on craignait la violence et la trahison; aussi l'entrevue ne formait-elle pas un mode normal.

De nos jours les négociations directes entre les Etats en différend se font par échange de notes diplomatiques ou par entretien des agents des parties.

Sous la dénomination générale de négociations directes se range aussi la « commission mixte » formée de délégués des Etats intéressés et chargée de trancher les difficultés. Sa décision n'est point un jugement; elle est basée sur l'idée d'arrangement, à laquelle vient s'ajouter l'idée de l'obligation pour les Etats intéressés de se soumettre à la décision qui leur est donnée.

CHAPITRE II

LES ENQUÊTES.

La convention conclue à la Haye, le 20 juillet 1899, pour le règlement pacifique des conflits internationaux établit en son titre III les commissions internationales d'enquête.

L'article 6 décrit l'institution. « Dans les litiges internationaux, est-il dit, n'engageant ni l'honneur ni des intérêts essentiels et provenant d'une divergence d'appréciation sur des points de fait, les puissances signataires jugent utile que les parties qui n'auraient pu se mettre d'accord par les voies diplomatiques instituent, en tant que les circonstances le permettent, une commission internationale d'enquête chargée de faciliter la solution de ces litiges en éclaircissant, par un examen impartial et consciencieux, les questions de fait. »

Aux termes des articles suivants, la commission internationale d'enquête est constituée par une convention spéciale qui règle la procédure; ses membres sont désignés par les parties à leur gré ou choisis parmi les membres de la cour permanente d'arbitrage établie par la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux.

Les puissances en litige s'engagent à fournir dans la plus large mesure tous les moyens et toutes les facilités pour la connaissance complète et l'appréciation exacte des faits.

« Le rapport de la commission internationale d'enquête, dit l'article 14, limité à la constatation des faits, n'a nullement le caractère d'une sentence arbitrale. Il laisse aux puissances en litige une entière liberté pour la suite à donner à cette constatation. »

A la suite de l'incident qui s'était produit dans la nuit du 21 au 22 octobre 1904 sur le Doggerbank, banc de pêche de la mer du Nord,

la Grande-Bretagne et la Russie convinrent de soumettre les faits à une commission internationale d'enquête composée de cinq membres. La commission se réunit à Paris, le 19 janvier 1905. En séance publique, les agents des parties exposèrent l'affaire, les témoins furent entendus, les avocats plaidèrent.

La thèse anglaise était que des navires de l'escadre de l'amiral Rojdestvenky avaient fait feu sur une flottille de pêcheurs anglais, tuant deux hommes, en blessant d'autres, coulant un chalutier, en endommageant d'autres. Le gouvernement russe reconnaissait les faits, mais soutenait qu'étant donnée la présence de deux bâtiments suspects, l'amiral Rojdestvensky avait eu le droit et le devoir d'agir comme il l'avait fait et d'user de tous les moyens en son pouvoir pour détruire des torpilleurs japonais qui, prétendait-on, avaient attaqué son escadre.

Le rapport final fut lu, le 25 février 1905; il confirmait la thèse anglaise. Peu de temps après, la Russie mettait fin à l'incident de Hull en payant une indemnité de 1,625,000 francs pour les victimes.

CHAPITRE III

L'INTERPOSITION DES BONS OFFICES ET LA MÉDIATION.

Les anciens auteurs établissaient une distinction nette entre l'interposition des bons offices et la médiation. L'« interpositeur » ou << pacificateur » était le tiers qui s'interposait sans que son intervention eût été admise expressément par toutes les parties intéressées; le «< médiateur » était celui qui avait reçu un véritable mandat (1). Actuellement encore les deux institutions diffèrent et c'est même à tort qu'à la conférence de la Haye le projet rédigé par la délégation russe a prétendu ramener la distinction à une portée exclusivement théorique.

« Les bons offices, dit Alexandre Mérignhac, se traduisent par des conseils, des actes, des négociations ayant pour but d'amener la paix, sans que la puissance de laquelle ils émanent s'engage dans l'examen approfondi du litige (2). »

«Le médiateur, dit Rivier, s'interpose entre les Etats en conflit; il prend part aux négociations et même il les dirige. C'est par son intermédiaire que sont échangées les déclarations des parties. Il s'efforce de moyenner un arrangement amiable; s'il y a guerre, d'amener la paix, sans toutefois avoir qualité pour l'imposer. Les États en conflit restent libres de ne pas accepter ses conseils. Son action s'exerce soit

(1) HENRI DE COCCEJI, Commentarii in tres libros de jure belli ac pacis, t. IV, p. 372, édition de Lausanne, 1751. SAMUEL DE COCCEJ, Introductio ad Grotium illustratum, t. V, p. 648, mème édition. REAL DE CURBAN, La science du gouvernement, t. V, p. 656.

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(2) A. MÉRIGNHAC, Traité de droit public internationnal. Première partie : Les prolėgomènes. Les théories générales, 1905,

p. 434.

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