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Anciennement, les préliminaires de paix étaient de simples arrangements préparatoires; c'étaient des pactes de contrahendo. Peu à peu, leur caractère s'est modifié; aux temps modernes, ils constituent, dans la règle, des traités provisoires négociés par les représentants diplomatiques; ils sont des traités véritables, qui sont soumis à ratification, comme les traités définitifs. « Lorsque, écrivait un auteur au commencement du xixe siècle, les objets à régler sont nombreux et compliqués, ou lorsque plusieurs puissances ont pris part à la guerre, ou enfin lorsque le besoin de la paix est senti de part et d'autre, le désir de mettre promptement un terme aux hostilités a fait adopter la forme de préliminaires. On y règle ordinairement les points principaux, c'est-à-dire ceux qui ont donné directement lieu à la guerre, de même que les dédommagements; on renvoie le surplus au traité définitif. Les traités préliminaires font ordinairement cesser les hostilités : on désarme de part et d'autre, l'état de paix et les communications sont rétablis. L'effet d'un traité préliminaire dépend du traité définitif. Dans la règle générale, le premier n'est que provisoire: son principal objet est d'arrêter les hostilités en fixant les bases du traité définitif; ainsi, si ce dernier traité n'a pas lieu, le premier devient caduc. La pratique est conforme à ce principe (1). »

Dans les préliminaires, les parties peuvent déclarer qu'elles s'entendent définitivement sur les points arrêtés; elles peuvent aussi prévoir que des modifications seront admises. « Dans le premier cas, dit Rivier, le traité de paix proprement dit, la paix définitive, qui suivra, ne fera que compléter le premier traité. Dans le second cas, il pourra le modifier d'une façon plus ou moins radicale (2). »

V

Généralement, les préliminaires de paix fixent le délai dans lequel le traité définitif sera négocié et ils déterminent le lieu où se réuniront les plénipotentiaires.

Les négociations de paix se font ordinairement dans une conférence

(1) J.-M. GÉRARD DE RAYNEVAL, Institutions du droit de la nature et des gens. Seconde édition, 1803, p. 281.

(2) A. RIVIER, ouvrage cité, t. II, p. 446.

ou dans un congrès. Il est cependant des exemples de négociations de paix par correspondance diplomatique.

Nous avons vu comment autrefois l'existence de la volonté était fréquemment révoquée en doute et comment les auteurs modernes. ont refusé aux vices de consentement une influence décisive. La question de la contrainte s'est posée à plus d'une reprise pour les traités de paix; nous avons indiqué la solution admise (1).

Pas davantage que pour les traités en général, il n'y a de forme prescrite pour les traités de paix (2). Rappelons les paroles de Rivier disant que la force des choses fait que, presque toujours, notamment entre plénipotentiaires, les traités sont conclus par écrit.

Ordinairement, l'acte de paix, l'instrument de paix, comprend différentes parties le préambule, les articles généraux ou clauses générales, les articles particuliers ou clauses particulières, les articles séparés ou clauses séparées. Les articles généraux ou clauses générales disposent touchant des points qui sont décidés dans tout traité. Les articles particuliers ou clauses particulières contiennent spécialement les conditions de la paix et statuent sur les points qui ont fait l'objet principal des négociations. Les articles séparés ou clauses séparées tantôt s'occupent de l'exécution des dispositions générales et des dispositions particulières, tantôt expriment des réserves. Après la paix, peuvent être signés des actes additionnels ou complémentaires. La question des articles secrets se pose surtout en droit public. En règle générale, le chef de l'Etat possède le droit de conclure les traités et il est libre de choisir le moment où il donnera aux sujets de l'État communication des engagements qu'il a contractés. Des constitutions défendent formellement de détruire en des articles secrets les articles patents; d'autres constitutions ne prononcent point de semblable prohibition. Mais, comme le dit Henri Ebren, par cela même qu'une constitution permet au chef de l'Etat d'attendre le moment convenable pour communiquer les traités et par conséquent de garder secrètes les clauses qu'il ne veut pas révéler, elle lui interdit de conclure des traités secrets destructifs des traités patents; car toute autre

(4) E. NYs, ouvrage cité, t. III, p. 23.

(2) Ibid.

conception ferait reposer les relations internationales sur la fausseté et sur la tromperie (1).

La rédaction d'un traité de paix est chose fort importante. « Il n'est aucun acte, dit un auteur, qui se fasse avec plus de défiance, puisqu'il y a toujours une partie mécontente; il exige donc de la clarté, de la précision, une noble simplicité; le vainqueur doit parler le langage de la modération; le vaincu, celui de la dignité; s'il est humilié par les choses, il ne doit point l'être par les mots; aucun sujet grave de discussion ne doit demeurer indécis; aucun mot ne doit fournir matière à doute et à interprétation; aucun mot, aucune phrase parasite ne doit être admise; les équivoques, les amphibologies, les subtilités, les surprises doivent être soigneusement évitées (2). »

Aux traités de paix s'appliquent les maximes et les règles que nous avons passées en revue en étudiant la ratification des traités en général (3).

Nous savons que dans l'alliance offensive, il y a une véritable association de guerre et que les puissances alliées doivent prendre part à la paix (4).

VI

Les auteurs se sont attachés à faire ressortir que le traité de paix ne peut être qu'une transaction. Nous venons de voir que la réflexion a été faite déjà par un jurisconsulte italien du moyen âge. A la fin du XVIe siècle, Henri Cocceji composait une dissertation dans laquelle il essayait de montrer qu'il existait un droit de la victoire, un jus victoriæ, différent du droit de la guerre, du jus belli, et que si ce droit de la victoire était, en certains points, plus cruel que le droit de la guerre, en d'autres points cependant, il supprimait plus d'une faculté conférée aux combattants par le droit de la guerre; ainsi était prouvée la nécessité de concessions réciproques. Au milieu du xvme siècle, Chrétien de Wolff enseignait également que la guerre aboutit à une transaction. « Puisque, écrivait-il, on fait une guerre juste pour

(4) H. EBREN, ouvrage cité, p. 270.

(2) J.-M. GÉRARD DE RAYNEVAL, ouvrage cité, p. 285.
(3; E. Nys, ouvrage cité, t. III, p. 28 et suivantes
(4) Ibid., t. III, p. 557.

obtenir son droit, il est permis de la continuer jusqu'à ce qu'on ait obtenu son droit, c'est-à-dire jusqu'à ce que, dans un cas douteux, l'autre offre une transaction ou qu'il accepte celle qu'il offre. »

On se trouve ici devant les problèmes de politique. « L'idée juste, dit Guillaume de Garden, que l'on doit se faire d'un traité de paix est qu'il a pour but non seulement de mettre un terme à la guerre, mais encore d'en prévenir le retour. Un traité de paix ne peut être qu'une transaction. Si l'on devait, en effet, y observer une justice exacte et rigoureuse et s'il était permis à chacun de prétendre recevoir ce qui lui appartient, la paix serait rarement possible (1). » « Puis donc, écrit le même auteur, qu'il serait affreux de perpétuer la guerre, de la pousser jusqu'à la ruine entière de l'un des partis, et que, dans la cause la plus juste, on doit penser enfin à rétablir la paix et tendre sans cesse à cette fin salutaire, il ne reste d'autre moyen que de transiger sur toutes les prétentions, sur tous les griefs de part et d'autre, et d'anéantir les différends par une convention la plus équitable qu'il soit possible. On n'y prononce point sur la cause même de la guerre, ni sur les controverses que les divers actes d'hostilité pourraient exciter; aucune des parties n'y est condamnée comme injuste, il n'en est point qui voulût le souffrir, mais on y convient de ce que chacun doit avoir pour renoncer à ses prétentions, >>

VII

Dans les articles généraux ou clauses générales des traités de paix sont réglés différents points sans lesquels, on peut le dire, il n'y aurait pas de paix véritable. Même si pareils articles ou clauses n'étaient point insérés dans l'instrument de paix, les maximes qu'ils formulent trouveraient leur application; il s'agit, en somme, de conséquences naturelles de la paix.

Le traité définitif de paix fait cesser définitivement les hostilités. Quand des préliminaires de paix l'ont précédé, ils ont eu déjà pour effet de mettre fin provisoirement aux actes de guerre. Souvent même, un armistice général a fait cesser les hostilités antérieurement à la conclusion de préliminaires.

(1) G. DE GARDEN, Traité complet de diplomatie ou théorie générale des relations extérieures des puissances de l'Europe, t. II, p. 412.

Ici se présente la question de savoir si la ratification a effet rétroactif. Sans doute, il faut dire avec Rivier que le traité est exécutoire à partir de la ratification ou de tel autre moment voulu par les parties; mais il faut reconnaître avec Geffcken que, malgré les principes généraux sur la ratification, la signature du traité a toujours pour effet de faire cesser les opérations militaires, les réquisitions, les prises, soit immédiatement, soit à partir d'un terme rapproché déterminé (1).

Les hostilités cessant, il ne peut plus être ordonné de réquisitions, ni prélevé de contributions en argent dans la guerre sur terre; il ne peut être exigé de paiement d'impositions arriérées. Il ne peut plus être fait de prises dans la guerre sur mer. « Lorsque des puissances maritimes ont été en guerre, disent Alphonse de Pistoye et Charles Duverdy, elles ont soin, généralement, de régler le moment où les prises cesseront de pouvoir être faites légitimement... Souvent, il est stipulé que les prises faites au moment de la signature de la paix et à partir d'une date antérieure, seront rendues respectivement.. Quelqueiois, on fixe certains délais, suivant les distances, pour permettre à la paix de se faire connaître, afin qu'elle s'impose, au fur et à mesure que sa promulgation s'étend (2). » De nos jours, la rapidité des communications rend inutiles des mesures de précaution qui étaient nécessaires autrefois. Faut-il mentionner que, le 8 janvier 1815, les forces navales des États-Unis livrèrent bataille aux Anglais devant la NouvelleOrléans? Sept cents Anglais furent tués, quatorze cents furent blessés, cinq cents furent faits prisonniers. La paix cependant avait été conclue à Gand, le 24 décembre 1814, mais le fait n'était point connu sur le continent américain.

La conclusion de la paix fait cesser la captivité de guerre. Nous avons examiné la matière (3).

En général, les anciens auteurs montraient dans l'amnistie une notion essentielle de la paix; ils l'appelaient la substance de la paix; ils enseignaient qu'elle y était comprise même quand elle n'était pas

(1) A. RIVIER, ouvrage cité, t. II, p. 79. - A.-G. HEFFTER ouvrage cité. Édition annotée par F.-H. GEFFCKEN, p. 440.

(2) A. DE PISTOYE et CH. DUVERDY, Traité des prises maritimes dans lequel on a refondu en partie le traité de Valin en l'appropriant à la législation nouvelle, t. I. P. 141.

(3) E. Nys, ouvrage cité, t. III, p. 552.

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