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muns et rend plus rares les conflits d'intérêts. Les communautés elles-mêmes, qui occupent le dernier degré, sont soumises à la fois à l'Assiette, à l'intendant et aux Etats. La première, l'Assiette, prend connaissance de leurs procès et de leurs affaires, de leurs emprunts et de leurs budgets; elle autorise leurs impositions et leurs travaux et nomme le commissaire qui surveille leurs comptes'. Elle organise, à leur profit, une caisse de prêts; elle prend leur défense. De même qu'elle lutte personnellement contre les cours de justice, Parlement et Cour des aides qui veulent diminuer ses prérogatives financières, elle suit, pour les consulats qu'elle protège, tous les procès de compétence et sauvegarde sa propre juridiction.

Toutes ces querelles d'attributions qui sont inextricables et rendent si complexe l'histoire d'une institution d'ancien régime, sont, d'ailleurs, rejetées au second plan par le pouvoir croissant de l'intendant. Celui-ci établit, dans le diocèse, un agent révocable, le subdélégué qui obtient droit. d'entrée à l'Assiette, et, par lui, il exprime durement ses volontés. Lamoignon de Basville, notamment, plus encore que ses successeurs, est un intendant autoritaire et ne supportant pas de résistance. La sollicitude qu'il montre pour ses administrés va jusqu'aux moindres détails de l'administration. Les assemblées locales en souffrent dans leur libre initiative et leur goût de liberté.

Cela ne les empêche point de durer jusqu'à 1789. A ce moment, l'Assiette fonctionne encore, mais les premières réunions « factieuses » du Tiers-Etat commencent en avril; de tous côtés, le mouvement se déchaîne qui va détruire les anciens organismes. La dernière session se tient

1. Depuis 1742.

2. Entrée du subdélégué à Toulouse, 1704.

en juin, puis les nouveaux départements sont formés par la Constituante et, par là, les vieilles traditions administratives, n'ont plus de base territoriale. Pendant un temps, des commissions improvisées liquident la situation financière du diocèse disparu; elles refont les cadastres en y ajoutant les noms et terres des privilégiés. Mais elles suppriment, «< en vue d'un nouvel ordre de choses >>> qui sera humanitaire et bienfaisant, l'ensemble des dépenses et des institutions fondées. La vie diocésaine a cessé.

Les intéressés ne semblent guère le regretter; ils ont encore dans l'esprit cette passion de réformes violentes et brusques qui semble l'héritage d'une philosophie généreuse mais imprévoyante et insoucieuse des nécessités historiques. Nobles et paysans s'insurgent même contre les Etats et contre les Assiettes au nom des principes « représentatifs et constitutionnels ». Pour être juste, il faut bien reconnaître le besoin urgent, que tous sentaient, de rendre moins coûteuse, plus ouverte, plus indépendante, la représentation provinciale. Le désir exprimé par les cahiers était bien conforme au respect des « traités et capitulations anciennes >> et tendait seulement à des remaniements, non à la suppression des assemblées vieillies. Faute de prudence et de sagesse, on oublia tout ce long passé administratif au lieu de s'en servir.

La grande critique qui persiste, quand on étudie ces institutions locales, porte sur la centralisation créée par l'intendant. Sans nul doute, les cadres sont restés les mêmes, le décor est aussi noble, mais la vie et la libre discussion ont déserté les pouvoirs locaux; et par l'avenue plantée d'ormes qui mène au château de Versailles a reflué toute l'activité française. Mais quelle que soit l'intensité de ce mouvement centralisateur, il faut pourtant ne pas s'en exagérer la force tout d'abord, il est indiscutable que le règne de

Louis XVI a marqué, sinon un recul, du moins un arrrêt dans la marche en avant. La création des assemblées provinciales est une preuve suffisante des tendances du nouveau monarque. Mais il faut aller plus loin; l'intendant n'est pas toujours, il s'en faut, centralisateur et ennemi des institutions qu'il a sous sa garde. Véritable magistrat administratif, il n'est pas un serviteur esclave des ordres royaux. M. Ardascheff, dans sa magistrale étude sur les intendants sous Louis XVI1, l'a victorieusement prouvé. Ce fonctionnaire est, au contraire, en rapports constants avec la noblese et les Parlements locaux; l'opinion publique, dans le milieu où il vit, exerce sur lui une influence quotidienne : il n'est plus l'homme du roi mais l'homme de la province; et il soutient d'autant mieux les intérêts de celle-ci qu'il s'y trouve comme chez lui; sa charge est à vie, le plus souvent même elle devient héréditaire. L'intérêt de son peuple est le sien. Dans une époque où « l'autorité souveraine s'abaissait devant l'opinion publique », l'intendant, homme éclairé et sensible, philanthrope et ami « des citoyens », se laisse volontiers diriger par ceux qu'il administre; cela devient même un système chez beaucoup qui se révèlent, dans leur domaine, réformateurs et libéraux. Les tendances bureaucratiques et centralisatrices s'affaiblissent, dès le dix-huitième siècle, sous ces influences grandissantes; le pouvoir administratif, toujours arbitraire, se fait familier et doux ; il n'est pas rare de voir des intendants prendre contre le roi, et très vivement, la défense des assemblées locales, des privilèges et libertés de leur généralité. En fait, ces constatations de M. Ardascheff se vérifient pour le Languedoc. Mais ces intendants « du siècle éclairé » ont été victimes de la mauvaise réputation laissée par leurs prédécesseurs : ils

1. Paris, Alcan, 1909.

ont été impopulaires, comme le gouvernement lui-même, parce qu'ils ont hérité de moeurs administratives fâcheuses et ont été accusés d'abus contre lesquels, précisément, ils combattaient. Le jugement d'ensemble que l'on porte sur les intendants est donc faux, et c'est celui même qu'une méfiance traditionnelle inspirait aux contemporains. Il n'est pas de meilleure leçon pour se défier, en histoire, des appréciations trop générales et surtout de celles que l'on porte, sans documents, d'après le récit de quelque chroniqueur ou les plaintes de quelques gens de justice, chargés dans les paroisses de rédiger des cahiers contre les intendants. L'étude des assemblées diocésaines de Toulouse nous permet de dire ainsi que, dans ce cadre restreint et sans vouloir autrement généraliser, l'influence d'hommes comme Bernage, Saint-Priest, ou Ballinvilliers a été beaucoup moins despotique et beaucoup plus heureuse que les jugements accoutumés sur le dix-huitième siècle ne le laisseraient supposer.

Th. PUNTOUS,

Docteur en droit, avocat à la Cour d'Appel
de Toulouse.

Dor M

LE RÉGIME DES BIENS

DANS LES ASSOCIATIONS NON DÉCLARÉES

Beaucoup de choses ont été écrites sur les associations, depuis que la loi du 1er juillet 1901, en consacrant une liberté depuis si longtemps réclamée, est venue donner, en quelque sorte, à ces groupements nouveaux, une charte constitutive.

Pour quelque paradoxal que cela paraisse, même après des années écoulées, l'intérêt d'une discussion sur pareil sujet, n'est pas épuisé. Négligeant les aspects généraux, la plupart des juristes ont porté leurs discussions sur le côté spécial de la loi, celui qui vise le régime des congrégations, alors que là certainement n'était pas le côté le plus intéressant, et j'ose dire, le plus original, de la conception nouvelle.

La loi de 1901, en effet, a apporté au régime des simples associations des modifications nombreuses et profondes. Dans une formule générale, l'on peut dire qu'elle a créé le droit d'association. Une rapide vue d'ensemble, avant et après la loi, va suffire à le prouver.

Antérieurement à la loi du 1er juillet 1901, les associations étaient réglementées au double point de vue administratif et civil. Au point de vue administratif, elles étaient régies par les artiles 291 et suivants du Code pénal et par

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