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tons de la doctrine collectiviste, puisque le propriétaire actuel recevrait, en échange de la valeur qu'on lui prend, une valeur équivalente; on remplacerait sa propriété par

une autre.

.

Quel est donc le principe sur lequel s'appuie le système collectiviste? Ce n'est certainement pas celui de la liberté individuelle dont il est la négation manifeste, puisque l'individu ne serait même pas libre de faire de ses économies ce qu'il voudrait.

Le principe qui hante le cerveau des collectivistes, c'est certainement celui de l'égalité. Le socialisme, en effet, poursuit un but bien défini, c'est l'établissement de l'égalité parmi les hommes. L'égalité devant la loi, l'égalité devant l'impôt ne lui suffisent pas; il veut encore l'égalité dans la distribution des biens; c'est en un mot l'égalité intégrale et absolue, l'égalité imposée à tous aux dépens même de la liberté.

Le solidarisme se place à un autre point de vue. Il admet le principe de l'inégalité, qui se présente à la fois comme un fait naturel et comme un fait historique. Tous les hommes ne naissent pas avec la même intelligence ou avec la même force physique. et de cette diversité même d'aptitudes et de moyens naissent les inégalités que l'on a constatées de tout temps au cours de l'histoire de l'humanité. Corriger dans une certaine mesure les conséquences fâcheuses de ces inégalités, tel est le but plus modeste que poursuit le solidarisme. Pour atteindre ce but, il rappelle aux hommes qu'ils ont contracté en naissant une véritable dette envers leurs semblables, dette à laquelle ils n'ont pas le droit de se soustraire et qui constitue non seulement une obligation morale, mais encore une obligation légale sanctionnée par un texte précis.

Le solidarisme admet qu'il y ait un riche et un pauvre,

mais à celui qui est riche le solidarisme rappelle qu'il ne doit pas s'enfermer dans un égoïsme étroit et qu'il doit venir au secours du pauvre. Ce dernier peut n'être pas responsable de sa détresse et de son malheur, et le riche, de son côté, a bénéficié, dans une certaine mesure et d'une façon inconsciente, de l'effort et du travail du pauvre.

Ce devoir d'assistance mutuelle, on peut dire qu'il a été reconnu de tout temps. Là où le solidarisme a fait preuve d'originalité, c'est lorsqu'il a proclamé que ce devoir ne constituait pas seulement une obligation morale et purement facultative, mais une véritable dette que tous doivent acquitter. Le seul moyen pratique d'opérer le recouvrement de cette dette, c'était de faire intervenir l'État comme intermédiaire entre le débiteur et le créancier.

La doctrine solidariste n'a pas, comme on le voit, la prétention d'exercer sur l'individu une véritable tyrannie au nom du droit supérieur de l'État ; elle respecte ce grand principe de la liberté individuelle, mais elle admet qu'à raison même de la vie en société qui est la vie naturelle des hommes, il existe entre eux un quasi-contrat qui donne naissance à des droits et à des obligations.

« Quand, pour une entreprise industrielle ou commerciale, dit M. Bourgeois, des hommes associent leurs intelligences, leur travail et leurs capitaux, ils ne créent pas en dehors d'eux un être supérieur à eux-mêmes, la Société industrielle ou commerciale, qui peut avoir contre eux des droits particuliers; ils établissent simplement entre eux, sous ce nom de société, un ensemble de liens et d'accords, d'obligations réciproques auxquelles ils reconnaissent ce double caractère d'être en fait les meilleurs moyens d'atteindre le but, de réaliser l'objet pour lequel ils se sont réunis et d'être en droit combinés de telle manière qu'aucun des associés n'en éprouve des dommages ou n'en obtienne

d'avantages particuliers, que chacun prenne équitablement sa part des charges et des bénéfices, des profits et des pertes, et qu'ainsi se trouvent à la fois réalisées les conditions naturelles nécessaires au fonctionnement d'une entreprise commune et les conditions morales d'une juste association. Le problème social, dans son ensemble, est le même que celui que résolvent chaque jour les actionnaires d'une société particulière. » (L. Bourgeois, Solidarité, 6e édit., p. 91.)

Une question reste à examiner. Si la collectivité est obligée de fournir des secours aux indigents, quel sera le droit de ces derniers? Toute obligation suppose un créancier; faudra-t-il reconnaître à l'indigent un droit de créance? Cette question a préoccupé le législateur. Remplacer le mendiant de jadis, le mendiant en haillons qui allait de porte en porte, humble et suppliant, par un créancier ordinaire invoquant à l'appui de son droit le concours des hommes de justice, il y avait là quelque chose qui était de nature à faire réfléchir. Comment les tribunaux de droit commun auraient-ils fait pour reconnaître et sanctionner le droit de ce créancier? Rien n'est si difficile que d'établir la situation exacte d'une famille. Comment les juges se seraient-ils renseignés ? Comment auraient-ils établi le chiffre des secours qu'il convenait d'accorder?

La loi de 1893 et celle de 1905 ont précisé en le limitant le droit de l'assisté. Il est dressé tous les ans une liste sur laquelle figurent tous ceux qui ont droit à l'assistance. Cette liste est arrêtée par le Conseil municipal sur les propositions qui lui sont faites par le Bureau d'assistance. Celui qui veut être assisté forme une demande, et si cette demande est rejetée par le Conseil municipal, il a le droit de se pourvoir devant une juridiction supérieure, la Com

mission cantonale. Son inscription sur la liste lui donne le droit de prendre part à la répartition des secours qui sont distribués et dont le maximum, lorsqu'il s'agit de l'assistance aux vieillards, est fixé par une délibération du Conseil municipal.

L'indigent a bien en réalité un droit de créance, mais c'est un droit d'une nature particulière qui n'a rien de commun avec les droits qu'exerce un créancier contre un débiteur ordinaire.

MARTIN.

NANTISSEMENT DES FONDS DE COMMERCE

EXAMEN CRITIQUE DE LA LOI DU 1er MARS 1898 DITE LOI DE NANTISSEMENT.

La loi du 1er mars 1898, dont l'économie consiste dans l'organisation d'un système de publicité pour la dation en nantissement des fonds de commerce, présente à l'examen, comme d'ailleurs toute autre loi, un double intérêt : un intérêt juridique et un intérêt pratique.

Toute loi, et ici on le sait mieux qu'ailleurs, poursuit, en effet, deux buts :

1o Un but immédiat la prescription, l'organisation de certaines règles de droit, destinées à créer une situation juridique nouvelle ou à faciliter, dans certains cas, la réalisation d'une situation juridique préexistante;

2o Un but moins direct, mais plus important, puisqu'il représente le motif même qui a donné naissance à la loi :. la réalisation pratique d'une amélioration ou d'une réforme.

Le premier de ces deux buts intéresse plus spécialement le magistrat chargé d'appliquer le texte de la loi, tout en s'inspirant de son esprit.

Le second importe surtout au particulier appelé à bénéficier de l'application de la loi ou à la subir.

Mais lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une loi com

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