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A défaut par la partie qui a obtenu le divorce, de faire » la signification dans le premier mois, l'autre partie a le » droit, concurremment avec elle, de faire cette signification » dans le mois suivant. A défaut par les parties d'avoir » requis la transcription dans le délai de deux mois, le di» vorce est considéré comme nul et non avenu ».

168. Ces textes, œuvre du législateur de 1886, réalisent une double innovation.

169. La première tient à la forme. D'après le code civil et la loi du 27 juillet 1884, le divorce était prononcé par l'officier de l'état civil, en exécution de la décision judiciaire qui l'autorisait. Aujourd'hui, c'est la justice qui prononce le divorce, et sa décision est transcrite sur les registres de l'état civil et mentionnée en marge de l'acte de mariage. Nous disons que cette innovation tient à la forme plutôt qu'au fond. Et en effet, dans l'un comme dans l'autre système, le divorce est en réalité l'œuvre du juge, mais cette œuvre a besoin d'être complétée par celle de l'officier de l'état civil. Qu'importe que le rôle de celui-ci consiste, comme sous le code civil et la loi de 1884, à prononcer le divorce, ou bien, comme aujourd'hui, à enregistrer purement et simplement la décision du juge, du moment que, dans l'un et l'autre cas, il joue un rôle purement passif, obligé qu'il est de déférer à la réquisition qui lui est adressée soit pour la prononciation du divorce, soit pour la transcription et la mention?

Maintenant, les avis sont extrêmement partagés sur le mérite de l'innovation dont nous venons de parler. Le rapporteur de la loi au sénat, M. Labiche, n'en était pas partisan. Il vantait le système du code civil, qui est conforme à cette règle de droit et de raison: Nil tam naturale est quam eodem genere quidque dissolvere quo colligatum est. C'est l'officier de l'état civil qui noue le lien du mariage, c'est lui qui doit le dénouer. Il a été répondu au rapporteur que l'intervention de l'officier de l'état civil dans la prononciation du divorce se justifie parfaitement dans une législation qui, comme celle du code civil, admet le divorce par consentement mutuel il est naturel en effet que le consentement donné par les parties pour dissoudre le mariage soit exprimé

dans la même forme que celui destiné à créer le lien du mariage; et comme il convient que la forme du divorce soit toujours la même, le législateur du code civil avait été conduit à généraliser ce mode de procéder. Mais ce système ne s'impose nullement dans une législation qui proscrit le divorce par consentement mutuel, d'autant plus qu'il semble porter atteinte à la dignité de la justice, dont le rôle, prépondérant dans la réalité, ne doit pas être effacé en apparence. La justice ne prononce-t-elle pas les nullités de mariage? Alors pourquoi ne prononcerait-elle pas aussi les divorces? D'ailleurs, le système du code civil, accepté par la loi de 1884, donnait lieu dans la pratique à des difficultés graves, les officiers de l'état civil n'osant pas prendre sur eux de résoudre certaines questions de domicile, de résidence, de compte de mobilier..... pour lesquelles ils se croyaient obligés d'en référer au parquet. Enfin il paraît que la prononciation du divorce par l'officier de l'état civil était souvent l'occasion de scènes burlesques ou scandaleuses.

170. La seconde innovation est beaucoup plus grave, parce qu'elle touche au fond du droit. Sous le code civil et sous la loi du 27 juillet 1884, l'époux qui avait obtenu la décision judiciaire autorisant le divorce pouvait rendre cette décision inefficace en négligeant de faire prononcer le divorce dans le délai légal, et forcer ainsi son conjoint au rétablissement de la vie commune. Aujourd'hui, chaque époux peut, le jugement ou arrêt de divorce une fois prononcé, le rendre efficace en requérant dans le délai légal la transcription; l'époux contre lequel le divorce a été prononcé ne peut donc plus, par le fait de son conjoint, se voir imposer le rétablissement de la vie commune. Et toutefois, pendant le premier mois, l'époux qui a obtenu le divorce peut seul requérir la transcription.

Cette innovation n'a pas passé sans difficulté. Elle a été vivement combattue par M. Paris, qui, d'abord, a opposé une fin de non-recevoir résultant de ce que la loi nouvelle était seulement une loi de procédure et ne devait pas par suite résoudre une question de fond. Puis l'honorable sénateur a fait remarquer que, même à l'époque où les plus grandes facilités étaient accordées pour le divorce, l'époux qui l'avait

obtenu, pouvait seul s'en prévaloir; que, d'ailleurs, le législateur doit favoriser toute combinaison tendant à rendre le divorce plus rare; or, il se peut que l'époux qui a obtenu le divorce, satisfait de sa victoire, ou voulant déférer aux sollicitations de sa famille, consente à ne pas user de son triomphe et à faire grâce à son conjoint. Pourquoi permettre à celui-ci de paralyser ce bon vouloir en rendant par son fait le divorce irrévocable?

Il a été répondu que la disposition nouvelle n'était que la conséquence de ce principe qu'un jugement appartient à toutes les parties en cause; chacune d'elles peut donc s'en prévaloir. Ce principe a toujours été appliqué en matière de séparation de corps; l'époux qui a obtenu la séparation ne peut pas imposer à l'autre le rétablissement de la vie commune. Pourquoi en serait-il autrement en matière de divorce? Que l'époux demandeur puisse se rétracter tant que le jugement définitif de divorce n'a pas encore été prononcé, soit. Mais doit-il avoir encore ce droit, quand il a infligé à son conjoint l'humiliation suprême d'une défaite irrévocable? S'il est allé jusqu'au bout, n'est-il pas juste qu'il en subisse les conséquences et que son conjoint puisse venir lui dire : « Votre pardon, je n'en veux pas, il arrive trop tard ». Désormais, le consentement mutuel des époux sera donc nécessaire, pour que le jugement de divorce demeure inefficace : il faudra qu'ils laissent l'un et l'autre passer le délai légal sans requérir la transcription.

171. Le mandat ad litem donné à un avoué pour suivre une instance en divorce ne comprend pas le pouvoir de faire transcrire le jugement de divorce. La transcription serait nulle, si elle avait été effectuée sur la réquisition de l'avoué de l'une des parties, agissant sans mandat spécial, et par suite le divorce serait non avenu, si le délai de la réquisition. de transcription était expiré (art. 252 al. 4). Autrement, un avoué pourrait, en transcrivant contre le gré de son client, mettre les parties dans l'impossibilité de rendre le divorce non avenu conformément à l'art. 252 in fine (1). D'ailleurs le

(1) Nancy, 14 janv. 1888, S., 88. 2. 53.

mandat donné pour faire opérer la transcription peut être simplement verbal (1).

172. Concentrons maintenant notre attention sur l'époque à laquelle la transcription doit être effectuée par l'officier de l'état civil et sur la déchéance résultant du défaut de transcription.

Sur le premier point, la loi dit que l'officier de l'état civil doit effectuer la transcription le cinquième jour de la réquisition, non compris les jours fériés. On ne compte pas non plus le jour de la signification, d'après la règle Dies a quo non computatur in termino. Ainsi, la réquisition de transcription ayant été signifiée à l'officier de l'état civil un mardi, la transcription devra être effectuée le lundi suivant, ni plus tôt, ni plus tard. Comme on le verra bientôt, c'est la transcription qui marque le moment de la dissolution du mariage, et la loi n'a pas voulu que l'officier de l'état civil pût arbitrairement avancer ou retarder ce moment en transcrivant au commencement ou à la fin du délai.

173. En ce qui concerne la déchéance résultant du défaut de transcription, nous remettons d'abord le texte sous les yeux du lecteur: « A défaut par les parties d'avoir requis la transcription dans le délai de deux mois, le divorce est » considéré comme nul et non avenu ».

Le délai de deux mois court à compter du jour où la décision prononçant le divorce est devenue définitive (art. 252 al. 1).

Lorsqu'il s'agit d'un jugement, le délai de deux mois court après l'expiration du délai d'appel, si le jugement est contradictoire, après l'expiration successive des délais d'opposition et d'appel, si le jugement est par défaut ; lorsqu'il s'agit d'un arrêt, le délai de deux mois court après l'expiration du délai de cassation, si l'arrêt est contradictoire, après l'expiration des délais d'opposition et de cassation, si l'arrêt est par

(1) Cass., 15 mai 1895, S., 96. 1. 17, D., 95. 1. 281; aucun doute ne peut exister lorsque la signification a été faite par huissier à la requête de l'un des époux; en pareil cas, l'huissier ne se présente pas comme mandataire de la partie ; c'est cette dernière qui requiert elle-même la transcription du divorce, ainsi que le porte le libellé de l'exploit. - Douai, 9 août 1892, S., 93. 2. 41, D., 94. 2. 81.

défaut; enfin, lorsqu'un pourvoi a été formé, le délai de deux mois court soit à partir de l'arrêt de rejet (') ou du désistement, soit à partir du jour où le demandeur a encouru la forclusion faute d'avoir signifié l'arrêt d'admission (L. 2 juin 1862), soit à compter du jour où l'arrêt de la cour de renvoi est devenu définitif, s'il y a eu cassation d'un premier arrêt (2).

174. Faute d'avoir requis la transcription dans le délai de deux mois, les époux sont déchus du bénéfice du jugement. ou arrêt de divorce.

Cette déchéance était nécessaire. On ne pouvait pas autoriser les époux divorcés à rester indéfiniment dans la situation de deux personnes mariées avec faculté de répudiation réciproque et arbitraire. Notre disposition fournit en outre aux époux entre lesquels le divorce a été prononcé un moyen de revenir en arrière. Par un accord tacite, ils peuvent rendre le divorce non avenu.

175. Il est intéressant de rechercher sur quels motifs repose la déchéance édictée par l'art. 252: ce motif, en effet, permet de dire si, et dans quelles conditions, il est possible de relever les époux de la déchéance qu'ils ont encourue. On a soutenu que la déchéance de l'art. 252 reposait sur une présomption de renonciation au divorce obtenu les époux, qui laissent passer le délai de deux mois sans requérir la transcription, seraient d'accord pour ne pas se prévaloir du divorce obtenu; il y aurait de leur part comme un oubli volontaire des griefs antérieurs, un pardon des injures passées; l'expiration du délai de deux mois sans transcription ferait présumer la réconciliation des époux. Dès lors, ces derniers pourraient être relevés de la déchéance encourue non seulement lorsque le défaut de transcription est dû à un cas de force majeure, mais encore toutes les fois qu'il leur serait possible de démontrer en fait l'inexactitude de la présomption de réconcilia

(') Cass., 5 août 1896, S., 97. 1. 129, D., 97. 1. 402. Aix, 23 janv. 1895, S., 95. 2. 217, D., sous Cass, précité. Riom, 7 août 1889, sous Cass., 5 août 1890,

D., 91. 1. 277.

(1) V. infra, n. 175 in fine, note, dans une espèce toute particulière, quel est le point de départ du délai.

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Cass., 5 août 1896, précité.

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