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188. Si le mari refusait d'exécuter l'ordonnance, la femme pourrait recourir au besoin au ministère de l'huissier et à la force publique pour saisir les objets désignés dans l'ordonnance et pour s'en emparer; si elle ne parvenait pas à découvrir ces objets, elle pourrait assigner à bref délai son mari devant le tribunal, soit pour faire fixer une astreinte à tant par jour de retard, soit pour obtenir une somme fixe de dommages-intérêts, ce qui lui permettrait ensuite de saisir les biens du mari (1).

189. Le président peut aussi statuer sur la garde des enfants; à cet égard, il a le même pouvoir d'appréciation que le tribunal lui-même et son ordonnance produit des effets identiques à ceux d'un jugement rendu sur ce point (2). Il est à noter, toutefois, que ni le ministère public, ni les tiers, membres de la famille, ne peuvent intervenir pour demander au président de statuer sur la garde des enfants (3).

190. Le président a très certainement le pouvoir de statuer sur la pension alimentaire que l'un des époux peut réclamer à l'autre; l'on doit appliquer à la pension allouée par le président les règles qui s'imposent au tribunal, lorsqu'il est appelé à examiner ce point (*).

191. Nous verrons plus loin si le président a droit d'accorder une provision ad litem; ceux qui lui reconnaissent ce pouvoir appliquent des règles identiques à celles qui sont suivies devant le tribunal auquel on soumettrait la question de provision ad litem (5).

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30 Mesures provisoires de la troisième catégorie.

192. « Lorsque le tribunal est saisi, les mesures provisoires prescrites par le juge peuvent être modifiées ou complétées » au cours de l'instance, par jugement du tribunal... » (nouvel art. 238, al. 5).

Le tribunal n'a pas qualité pour réformer les décisions

(1) Carpentier, op. cit., n. 1205.

(2) V. infra, n. 197 s.

(3) Carpentier, op. cit., n. 1245; Coulon, IV, p. 202.

() V. infra, n. 199 s.

(3) V. infra, n. 204 s.

qui auraient été rendues par le président. Il serait contraire à toutes les règles d'ériger le tribunal en juge d'appel des décisions de son président.

193. Le tribunal peut être appelé à statuer pour la première fois sur les mesures provisoires dans le cas où l'ordonnance du président ne contiendrait aucune décision à cet égard; il peut compléter l'ordonnance incomplète, si le président ne s'est prononcé que sur certains points conformément aux conclusions des parties ('). Le tribunal pourrait enfin modifier l'ordonnance du président si des faits nouveaux étaient survenus, si, à raison de circonstances postérieures à l'ordonnance, la situation avait changé; même dans ce dernier cas, le tribunal ne joue pas le rôle d'une juridiction du second degré par rapport à l'ordonnance du président; il ne contrôle pas la décision rendue par le président et il ne s'agit pas d'infirmer ou de confirmer l'ordonnance; celle-ci n'est pas mise à néant; c'est une décision nouvelle qui intervient et qui se substitue à l'ordonnance antérieure; la possibilité de ce résultat tient à ce que les décisions rendues sur les mesures provisoires n'ont pas, au point de vue de l'autorité de la chose jugée, la même force que les autres sentences judiciaires.

Il convient de s'arrêter un instant à cette question et de préciser l'autorité qui s'attache aux décisions concernant les mesures provisoires, qu'elles émanent du président, du tribunal ou même de la cour d'appel.

Ces décisions ont quelque analogie avec les ordonnances ou arrêts de non-lieu en matière pénale, en ce sens que leur autorité de chose jugée est subordonnée au maintien de l'état de fait existant au moment où elles ont été rendues.

194. Lorsque les circonstances demeurent les mêmes, lorsqu'aucun changement ne se produit dans la situation respective des parties, les décisions rendues conservent l'autorité de la chose jugée; on ne peut les faire modifier qu'en exerçant utilement dans les formes et les délais impartis les voies de recours dont elles sont susceptibles. Ainsi l'ordonnance

(1) Si le président avait omis de répondre aux conclusions des parties, il faudrait recourir à la voie de l'appel pour obtenir la réformation de l'ordonnance.

du président ne pourrait être corrigée par le tribunal; seule la juridiction du second degré, saisie par un appel régulièrement interjeté, pourrait, par un arrêt, infirmer la sentence rendue en premier ressort par le président. L'on voit tout de suite qu'il est utile de laisser la cour saisie de l'appel interjeté contre l'ordonnance, alors même que l'instance serait pendante devant le tribunal, puisque le tribunal n'aurait pas qualité pour modifier l'ordonnance, toutes choses demeurant en état, alors que la cour restera maîtresse d'infirmer la sentence rendue (').

Si le tribunal avait statué par un jugement sur les mesures provisoires, on ne pourrait revenir devant lui pour demander une modification du jugement, dans l'hypothèse où les circonstances de fait n'auraient pas varié; il faudrait encore recourir à la voie de l'appel pour obtenir la réformation du jugement.

Lorsqu'au contraire les circonstances de fait se trouvent modifiées, lorsque la situation respective des parties change, on peut toujours demander à la juridiction qui se trouve saisie de l'instance de statuer à nouveau sur les mesures provisoires. A ce point de vue et sous la condition indiquée, il est exact d'affirmer que les décisions prescrivant des mesures provisoires n'ont pas l'autorité de la chose irrévocablement jugée (2).

Ainsi le tribunal peut, à raison des conditions nouvelles où se trouvent les parties, rendre un jugement différent de l'ordonnance du président, bien que cette ordonnance soit frappée d'appel (3) ou alors que le délai d'appel est expiré. Le tribunal pourrait aussi, dans la même hypothèse, modifier l'arrêt de la cour qui aurait confirmé ou infirmé l'ordonnance du président. Le tribunal peut aussi modifier le jugement

(1) V. infra, n. 214.

(2) Cass., 6 fév. 1889, S., 91. 1. 379, D., 90. 1. 269; 28 fév. 1893, S., 93. 1. 357, D., 93. 1. 279. - Riom, 21 déc. 1891, S., 92. 2. 4. — Paris, 17 juill. 1884, S., 88. 2. 129.

(3) La cour saisie de l'appel formé contre l'ordonnance du président n'a pas, au contraire, dans cette hypothèse, à se préoccuper des faits nouveaux; elle doit apprécier l'ordonnance en tenant compte des circonstances existantes au jour où cette ordonnance a été rendue.

qu'il a rendu, dans le cas où les circonstances de fait ne sont plus les mêmes. La cour, enfin, saisie de l'instance en divorce, a qualité pour modifier les mesures provisoires, bien que l'appel du jugement rendu sur ce point ne soit plus recevable et sans qu'on puisse opposer l'exception de demande nouvelle ().

195. On peut faire application de ces formules générales à toutes les mesures provisoires. Ainsi la décision qui assigne à la femme une résidence distincte est susceptible d'être modifiée, en tout état de cause, à raison des circonstances nouvelles qui peuvent se produire (2); il en est de même des décisions relatives à la garde des enfants (3); on peut aussi faire statuer pour la première fois ou à nouveau en tout état de cause sur la pension alimentaire, lorsque la situation de fortune des plaideurs s'est modifiée ou lorsque des besoins nouveaux apparaissent (*); la même solution enfin doit être étendue à la provision ad litem ("); spécialement, en ce qui concerne cette dernière mesure, la cour d'appel a toujours le droit de statuer pour la première fois sur la provision destinée à faire face aux frais de l'appel ("). Lorsque l'instance est terminée, si l'on veut obtenir une modification relativement à la garde des enfants ou à la pension alimentaire, l'on doit s'adresser à la juridiction compétente pour statuer sur l'exécution de la sentence rendue (7).

196. Nous avons vu que le président pouvait, dans sa seconde ordonnance, statuer sur la garde des enfants, sur la provision alimentaire et même, d'après une opinion, sur la provision ad litem. Le tribunal a qualité aussi pour examiner ces questions dans la mesure indiquée, c'est-à-dire soit pour la première fois, soit à nouveau, quand les circonstances ont changé, et nous avons dit que les règles à suivre, quant au

Paris, 31 janv. 1893, Gaz. Pal., 93. 1. 117.

1) Riom, 21 déc. 1891, précité. - Douai, 6 avril 1853, S., 55. 2. 714, D., 56. 2. 145. 3) Cass., 17 nov. 1847, D., 47. 4. 157.

(*) Orléans, 3 avril 1889, Le Droit, 12 oct. 1889.

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Cass., 14 juill. 1806, S. chr.

Paris, 27 avril 1888, S., 89. 2. 9; 25 fév. 1884, Le Droit, 27 fév. 1886.

noble, 15 fév. 1887, Gaz. Pal., 87. 1. 475.

(*) Rouen, 30 mars 1890, Journ. des arrêts, 1890, p. 376. (7) V. infra, n. 274.

- Gre

fond, étaient les mêmes pour le président et pour le tribunal. Il convient maintenant de déterminer les règles imposées au juge pour la solution des mesures provisoires.

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La disposition de l'art. 238 al. 5 est complétée par celle de l'art. 240, qui fait sur plusieurs points double emploi avec elle « Le tribunal peut, soit sur la demande de l'une des parties intéressées, soit sur celle de l'un des membres de la famille, soit sur les réquisitions du ministère public, soit » même d'office, ordonner toutes les mesures provisoires qui » lui paraissent nécessaires dans l'intérêt des enfants. » statue aussi sur les demandes relatives aux aliments pour la » durée de l'instance, sur les provisions et sur toutes les autres » mesures urgentes ».

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197. a. Mesures concernant la garde des enfants. — Le tribunal a toute latitude pour ordonner les mesures que réclame l'intérêt des enfants. Ainsi il peut en confier la garde soit au père, soit à la mère, soit même à une tierce personne. Mais, toutes choses égales d'ailleurs, il semble que la garde doive être confiée au père, qu'il soit demandeur ou défendeur à l'action en divorce, car c'est à lui qu'appartient l'exercice de la puissance paternelle pendant le mariage (art. 373), et le mariage continue à produire ses effets légaux pendant l'instance en divorce (1). Si les époux ont fait entre eux une convention relative à la garde des enfants, confiant par exemple les garçons au père et les filles à la mère, le tribunal peut la sanctionner ou ne pas en tenir compte (2).

La sentence, qui confie à la mère la garde et la surveillance des enfants, n'enlève pas au père les autres attributs de la puissance paternelle, par exemple le droit d'autoriser le mariage (arg. a contrario art. 152 et suiv.), ses pouvoirs d'administrateur légal. Toutefois, en cas d'urgence et lorsque l'intérêt des enfants l'exige, la mère aurait le droit d'agir aux lieu et place du père qui s'y refuserait sans motif plausible (3). L'époux auquel la garde des enfants n'a point été confiée,

(1) Paris, 28 janv. 1896, Gaz. Pal., 18 fév. 1896. S'il s'agissait d'enfants d'un premier lit, ils devraient être en principe remis à leur auteur.

(2) Paris, 22 nov. 1892, S., 94. 2. 70.

(3) Trib. Marseille, 14 déc. 1872, S., 73. 2. 121.

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