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argent et l'époux qui la doit ne saurait échapper à l'obligation de la verser, en offrant de payer les frais sur état (1).

L'époux créancier a le droit de saisir les biens de son conjoint pour assurer le paiement de la provision, mais on ne saurait subordonner le jugement sur le fond au paiement soit de la provision ad litem, soit de la pension alimentaire (2).

Si l'un des époux avait obtenu l'assistance judiciaire, il n'aurait plus le droit d'exiger une provision ad litem, l'assistance accordée constituant une sorte de ressource judiciaire (3).

205. La provision ad litem et la pension alimentaire ne peuvent être saisies par les créanciers de celui qui les a obtenues; la provision ad litem a, en effet, une affectation spéciale qui ne saurait être modifiée (*) et les provisions alimentaires sont, en principe, insaisissables, aux termes de l'art. 581 (Pr. civ.).

206. Ordinairement, c'est le mari qui se voit condamné à payer à la femme une provision alimentaire et une provision ad litem. Exceptionnellement, le mari pourrait réclamer cette double provision à sa femme, si toutes les ressources se trouvaient du côté de celle-ci et qu'elle en eût la libre disposition en vertu de ses conventions matrimoniales (5).

4° Mesures provisoires de la quatrième catégorie.

207. Certaines mesures provisoires, dont le besoin se fait sentir pendant la durée de l'instance en divorce, sont de la compétence du président du tribunal statuant comme juge

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(1) Douai, 13 juin 1887, Jurispr. Douai, p. 248. (*) Paris, 16 fév. 1897, Droit, 31 mars 1897. Nimes, 17 juin 1889, S., 89. 2. 156, D., 91. 5. 183. Trib. Seine, 3 juill. 1890, Gaz. Trib., 1er oct. 1890; 18 nov. 1887, Gaz. Pal., 18 mars 1888.

(3) Amiens, 23 nov. 1890, J. aud. Amiens, 1893, p. 22; il en serait autrement si le demandeur se trouvait exposé à des frais et débours exceptionnels non compris dans l'assistance judiciaire. Trib. Seine, 13 fév. 1883. — Clunet, 1883,

p. 295.

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(*) Trib. Seine, 28 nov. 1889 el 9 janv. 1890, Le Droit, 10 janv. 1890. (5) Rouen, 13 nov. 1878, S., 79. 2. 86, D., 81. 2. 190. 73. 2. 21. — Orléans, 13 mars 1845, D., 45. 1. 481. 2. 355 Trib. Nancy, 14 juin 1895, Rec. arr. Lyon, 2 déc. 1887, Mon. jud. Lyon, 16 mars 1888.

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Paris, 4 août 1871, D., Lyon, 10 mars 1841, S., 41.

Nancy, 1895, p. 246.

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des référés (1). Ce sont celles qui présentent un caractère d'urgence. La loi en indique une dans l'art. 238 al. 5 in fine : « sans préjudice du droit qu'a toujours le juge de statuer, >> en tout état de cause, en référé, sur la résidence de la femme ».

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On a induit à tort de ce texte, par un argument a contrario, que le président du tribunal n'a pas le droit de statuer comme juge des référés sur les autres mesures provisoires urgentes, par exemple sur la garde des enfants, quand elle présente un caractère d'urgence (2). Un texte bien formel serait nécessaire pour qu'on pût admettre une dérogation de cette importance, et si peu justifiée, aux règles du droit commun consacrées par l'art. 806 C. pr. La loi n'a parlé, dans l'art. 238 al. 5 in fine, que de la résidence de la femme, parce que ce sera ordinairement la seule mesure provisoire qui présentera un caractère d'urgence pendant la durée de l'instance (3).

208. L'obligation pour la femme de conserver la résidence qui lui a été assignée reçoit une double sanction : « La femme » est tenue de justifier de sa résidence dans la maison indi»quée, toutes les fois qu'elle en est requise; à défaut de » cette justification, le mari peut refuser la provision alimen» taire, et, si la femme est demanderesse en divorce, la faire » déclarer non recevable à continuer ses poursuites » (nouvel art. 241). C'est extrêmement rigoureux. Aussi va-t-il de soi qu'il ne faut pas enchérir encore sur la sévérité de la loi. Quand elle dit que la femme pourra être déclarée non recevable à continuer ses poursuites, cela signifie tout simple

(1) Conformément au principe général, en matière de référé, il faut que la mesure sollicitée présente un caractère d'urgence exceptionnelle, Cass., 27 oct. 1903, D., 1903. 1. 574, D., 1904. 1. 337.

(*) Pau, 10 août 1887, S., 89. 2. 29. Cpr. Paris, 12 mars 1891, D., 92. 2. 567. - Bordeaux, 3 juin 1892, D., 92. 2. 524 et Montpellier, 31 janv. 1895, D., 95. 2. 355.

3) Cpr. dans le sens de l'opinion émise au texte, Cass., 10 juin 1898, S., 99. 1. 20, D., 98. 1. 356 (remise entre les mains d'un tiers d'objets inventoriés dépendant de la communauté). Lyon, 3 juin 1891, La Loi, 6 août 1891. En tout cas, pour saisir le juge des référés, il faut observer les règles habituelles de procédure; le demandeur doit assigner l'autre époux. - Riom, 10 juill. 1895, S., 96. 2. 13, D., 96.2.373.

ment que les poursuites de la femme pourront être suspendues pendant tout le temps qu'elle restera hors de la résidence qui lui a été assignée, mais non qu'elle pourra être déclarée non recevable dans toute poursuite ultérieure ('). C'est seulement un refus d'audience, qui peut lui être infligé à titre de peine pendant tout le temps que durera sa résistance à l'ordre du juge, mais non la perte de son action (2).

209. D'autre part, la disposition étant exceptionnelle ne doit pas être étendue au-delà de ses termes; par suite, il ne faut pas étendre à la provision ad litem ce que le texte dit de la pension alimentaire (3). L'art. 241 n'est pas non plus applicable au mari, ni même à la femme dans le cas où elle aurait une résidence distincte, à la suite d'une séparation de fait volontaire (*).

210. D'ailleurs, la disposition de l'art. 241 n'est pas impérative et il appartient aux juges d'en faire ou non l'application, suivant les circonstances de fait souverainement abandonnées à leur appréciation : ce que la loi sanctionne, c'est la rébellion de la femme, sa résistance volontaire à l'ordre de justice; la double déchéance de l'art. 241 n'est donc pas encourue, lorsque la femme a des motifs légitimes de changer de résidence ou tout au moins lorsqu'elle invoque une excuse valable (5).

(1) La femme pourrait reprendre l'instance, après avoir oblenu une décision nouvelle fixant sa résidence et obéi à cette décision. Paris, 25 févr. 1903, Gaz. Trib., 6 mai 1903.

Poitiers, 29 nov. 1886, Pand. fr., 87. 2. 22.

(2) Cass., 16 janv. 1816, S. chr. Paris, 24 déc. 1885, Gaz. Trib., 15 janv. 1886. - Trib. Seine, 26 nov. 1897, Le Droit, 12 mai 1898; 28 janv. 1886, Gaz. Trib., 6 fév. 1886. — La femme reprendra donc l'exercice de son action si elle se soumet à l'autorité de justice en réintégrant la résidence assignée.

(3) Carpentier, op. cit., n. 1964.

566.

Coulon, IV, p. 311.

Contra Paris, 2 juill. 1885, Gaz. Pal., 85. 2.

(*) Bruxelles, 29 nov. 1859, Belg. jud., 60. 3. 163.

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(*) Cass., 25 juin 1889, S., 90. 1. 71, D., 90. 1. 420; 29 juin 1868, S., 68.1. 402, D., 71. 5. 361; 23 nov. 1841, S., 42. 1. 73. Paris, 7 déc. 1895, Gaz. Trib., 29 déc. 1895; 25 avril 1894, Gaz. Pal., 29 mai 1894; 26 juillet 1888, sous Cass., 25 juin 1889 précité; 31 mars 1886, Gaz. Trib., 26 août 1887; 2 juill. 1885, Gaz. Pal., 85. 2. 166; 5 juill. 1885; Gaz. Pal., 85. 2. 566; 30 juin 1884, Gaz. Pal., 85. 1, Suppl., 104; 13 juill. 1870, S., 70. 2. 268, D., 71. 2. 129. Bourges, 8 mai 1872, S., 73. 2. 139, D., 73. 2. 139, D., 73. 2. 95. Trib. Seine, 18 janv. 1898, Gaz. Trib., 7 mai 1898; 26 nov. 1897, Le Droit, 12 mai 1898; 11 mai 1894, Gaz.

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211. Suivant les cas, c'est à la femme qu'incombera le soin d'établir qu'elle a conservé la résidence assignée, par exemple, lorsqu'elle réclame le paiement de sa pension alimentaire (1), ou ce sera au mari qu'il appartiendra de prouver le changement de résidence, s'il veut provoquer directement l'application de la déchéance prévue par l'art. 241. À cet effet, le mari pourrait, par des procès-verbaux réguliers de constat ou par tous autres moyens (2), établir le changement de résidence, pourvu que, dans ses investigations, il n'ait pas recours à des moyens vexatoires ou à des procédés inquisitoriaux.

B. Voies de recours contre les décisions ordonnant des mesures

provisoires.

212. Nulle voie de recours n'est admise contre les mesures provisoires ordonnées par le président du tribunal au moment où il reçoit la requête de l'époux demandeur. En effet, la loi n'en organise aucune, et on ne peut songer à celle qu'elle établit contre les ordonnances de référé, le président ne statuant pas ici comme juge des référés. D'ailleurs il n'y a pas à cela grand inconvénient, l'effet de ces mesures ne pouvant se prolonger au delà d'un temps très court.

213. Il en est autrement des mesures provisoires prescrites par le président du tribunal dans l'ordonnance qui couronne l'essai de conciliation et qui constate, comme on le sait, la non-conciliation ou le défaut et autorise le demandeur à assigner devant le tribunal.

Cette ordonnance peut produire ses effets jusqu'à ce que l'instance en séparation de corps ou en divorce soit terminée par une décision sur le fond devenue définitive (3) ou tout au moins jusqu'à ce que ladite instance soit périmée (*); on comprend, dès lors, que cette ordonnance soit susceptible d'une

Trib., 6 juin 1894; 17 mars 1891, Le Droit, 8 avril 1891. - La fin de non recevoir peut d'ailleurs être proposée pour la première fois en appel. Cass., 25 juin 1889, précité. — Metz, 17 janv. 1855, S., 55. 2. 241, D., 55. 2. 146. (1) Trib. Seine, 2 déc. 1897; 6 déc. 1895, Gaz. Trib., 19 janv. 1896. (*) Rennes, 6 août 1894, La Loi, 15 nov. 1894.

(3) Douai, 17 mars 1897, S., 98. 2. 107.

(*) Cass., 7 avril 1862, S., 63. 1. 31, D., 63. 1. 199.

voie de recours elle est, en effet, aux termes de l'art. 238, § 3, susceptible, d'appel dans les délais fixés par l'art. 809 (Pr. civ.), c'est-à-dire dans le délai de quinzaine.

214. Supposons que l'appel ait été interjeté. Avant que la cour ait statué, le demandeur a usé de l'autorisation que le président du tribunal lui a donnée de citer : il a saisi le tribunal de sa demande en divorce. Que va devenir l'appel pendant devant la cour? La difficulté vient de ce que le tribunal est désormais maître de la situation en ce qui concerne les mesures provisoires: garde des enfants, demande d'aliments. (art. 238 al. 5). De sorte que la décision de la cour semble offrir bien peu d'intérêt, puisque, quelle qu'elle soit, elle pourra être modifiée, sinon réformée, par le tribunal, investi du pouvoir d'ordonner de nouvelles mesures provisoires aussi souvent que les circonstances lui paraîtront l'exiger. Faut-il en conclure que la cour est dessaisie? A l'appui de l'affirmative, on a invoqué les discussions qui se sont produites lors de la confection de la loi. M. Batbie ayant posé la question suivante: « Comment ferez-vous, si le tribunal est saisi et que la cour n'ait pas statué? », le rapporteur a répondu : << Dans ce cas, la cour est dessaisie ». Et comme on lui objectait que cela n'allait pas tout seul et qu'il serait bon de l'exprimer, l'alinéa 3 de l'art. 228 fut renvoyé à la commission qui proposa d'y ajouter ces mots : « tant que le tribunal n'a >> pas été saisi de la demande principale. Dans ce cas la cour >> se trouvera dessaisie ». Critiquée par M. Dauphin, la nouvelle rédaction fut de nouveau renvoyée à la commission, qui, dans la rédaction définitive, supprima comme inutile (1) la phrase qu'elle n'avait consenti à ajouter que par esprit de conciliation. De tout cela, il résulte bien, dit-on, que la cour est dessaisie, lorsqu'elle n'a pas encore statué sur l'appel de l'ordonnance du président, au moment où le tribunal est saisi. Et, si l'on admet cette solution, on est conduit logique

(') Il se peut très bien, comme le remarque avec raison M. de Loynes, dans la note que nous citerons tout à l'heure, que plusieurs des membres de la commission aient voté le rejet de la phrase additionnelle parce qu'ils la considéraient comme contraire aux principes, et que la même pensée ait inspiré ceux qui ont voté la loi; ce qui enlève beaucoup de force à l'argument.

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