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ment à décider que l'appel ne peut plus être utilement interjeté une fois que le tribunal est saisi de la demande en divorce, ainsi que l'ont jugé plusieurs arrêts de cours d'appel, dont le dernier est de la cour de Bordeaux (').

Nous avons toujours fait nos réserves au sujet de ces solutions. D'abord, disions-nous, la discussion qui s'est élevée au sujet de la question proposée et que nous venons de retracer en partie, a été d'une obscurité compacte; il est donc difficile d'en tirer un argument de quelque valeur. Ensuite un texte paraîtrait absolument nécessaire pour qu'une juridiction régulièrement saisie pût ainsi se trouver dessaisie de plein droit, ou pour qu'un plaideur fût privé du droit d'interjeter appel, que la loi lui accorde par une disposition formelle conçue en termes généraux et absolus (art. 238 al. 3). Enfin comment admettre que le demandeur en divorce puisse, en saisissant le tribunal au moment qu'il lui plaira de choisir, faire tomber l'appel pendant devant la cour ou mettre obstacle à ce que l'appel soit interjeté? De là nous tirions cette double conclusion d'une part que la cour doit statuer sur l'appel, bien que le tribunal ait été saisi avant qu'elle ait pu rendre sa décision, à moins que l'époux défendeur ne se désiste de son appel; d'autre part, que l'appel peut être utilement interjeté quand le tribunal est déjà saisi de la demande en divorce (2). Sauf au tribunal, dans l'un et l'autre cas, à modifier, non à réformer, quand besoin sera, à raison de circonstances nouvelles, la décision de la cour.

Le tribunal, ainsi qu'il a été dit, ne peut modifier les mesu

Bordeaux, 3 juin 1892, D., 92. 2. 524.

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Chambéry, 31 déc. 1890, Pand.

franç., 92. 2. 124. - Paris, 24 déc. 1890, S., 91. 2. 55; 6 janv. 1890, La Loi, 31 mars 1890; 15 juin 1888 et 27 avril 1888, D., 88. 2. 241; 13 août 1886, S., 89. 2. 9. Poitiers, 9 mai 1887, S., 89. 2. 9. D'après un arrêt de la cour de Nimes, l'appel de l'ordonnance ne serait irrecevable que dans l'hypothèse où le tribunal serait saisi non seulement de la question de fond, mais aussi de celle des mesures provisoires. Nimes, 13 févr. 1889, Gaz. Trib., 2 mars 1889.

2) On a soutenu, dans une opinion intermédiaire, que la cour restait saisie de l'appel de l'ordonnance interjeté avant que la demande ne soit portée devant le tribunal, mais que l'appel ne pouvait être formé après que le tribunal a été saisi de la demande principale. Carpentier, op. cit., n. 1685; cette distinction qu'aucun motif rationnel ne justifie, ne trouve pas, quoi qu'on en ait dit, d'appui suffisant dans les expressions de l'art. 145.

res provisoires contenues dans l'ordonnance que dans l'hypothèse où la situation de fait a varié; la cour, au contraire, n'a pas à tenir compte des circonstances nouvelles de fait : elle doit, pour statuer sur l'appel, envisager la situation des époux au moment où l'ordonnance a été rendue.

Aujourd'hui cette opinion peut invoquer la haute autorité de la cour de cassation. On pouvait espérer que l'arrêt du 29 juin 1892 (') fixerait la jurisprudence qui paraissait se former en sens contraire. Un arrêt de la cour de Bordeaux du 12 mai 1896 (*) est venu démentir cette prévision.

215. Restent les mesures provisoires ordonnées par le tribunal et celles ordonnées par le président du tribunal statuant comme juge des référés. La loi ne s'étant pas expliquée sur les voies de recours dont elles sont susceptibles, nous en concluons qu'il y aurait lieu d'appliquer de tous points les règles du droit commun.

216. Les décisions relatives aux mesures provisoires sontelles exécutoires par provision, nonobstant appel ou sans caution? Sans aucun doute, les ordonnances du président statuant comme juge conciliateur, sont exécutoires par provision, conformément aux termes formels de l'art. 238, § 3 (3); il en est de même des ordonnances sur référés, par application de l'art. 809 (Pr. civ.). Il n'est pas douteux non plus, que dans les hypothèses de l'art. 135 (Pr. civ.), les décisions émanant soit du tribunal, soit de la cour ne soient susceptibles d'exécution provisoire. La question devient au contraire douteuse à l'égard des jugements ou arrêts rendus en dehors des cas prévus par l'art. 135 (Pr. civ.). La difficulté, née à l'occasion de la garde des enfants, a été résolue jusqu'ici

(') Cass., 29 juin 1892, S., 93. 1. 242, D., 92. 1. 553 et la note de M. de Loynes. Caen, - V. dans le même sens Toulouse, 5 déc. 1892, Guz. Pal., 93. 1. 67. 29 nov. 1892, Le Droit, 9 déc. 1892. - Paris, 15 mars et 12 avril 1892, Le Droit, 29 et 30 août 1892; 20 déc. 1890, S., 91. 2.55, D., 91. 2. 343; 29 avril 1890, D., 91. 2. 343 et la note de M. Beauchet; 19 mars 1890, S., 90. 2. 160, D., 90. 2. 350; 11 mars 1890, S., 90. 2. 64, D., 90. 2. 233; 6 juin 1888, D., 90. 2. 233; 3 fév. 1887, S., 89. 2. 9, D., 88. 2. 241.

(2) Bordeaux, 12 mai 1896, S., 97. 2. 192. - La cour de Bordeaux semble se rallier cependant à la jurisprudence de la cour de cassation. Bordeaux, 14 mars 1899, D., 1900. 2. 277.

(*) Cpr. note 2 sous Douai, 1er juill. et 9 août 1892, S., 93. 2. 41.

par la jurisprudence en ce sens que les tribunaux peuvent ordonner l'exécution provisoire des mesures édictées ('). La cour de Paris est même allée plus loin d'après elle, en principe, les décisions relatives à la garde des enfants sont dictées par d'urgentes nécessités; les tribunaux devraient donc ordonner, même d'office, l'exécution provisoire de semblables décisions (2). Cette solution, très justement critiquée (3), est contraire aux règles générales de la procédure; l'exécution provisoire n'est possible qu'en vertu d'un texte formel, qui n'existe pas en la matière, du moment où l'on est en dehors des hypothèses prévues par l'art. 135 (Pr. civ.) (').

Il n'est pas sans intérêt de noter, en terminant, que l'art. 134 (Pr. civ.) peut recevoir exception à l'occasion des mesures provisoires; il est permis, en effet, de statuer séparément sur les demandes relatives à ces mesures, quoique le fond soit en état, et le jugement qui joint au fond la question des mesures provisoires peut être attaqué par la voie de l'appel avant le jugement définitif (5).

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§ II. Mesures conservatoires.

217. Aux termes du nouvel art. 242: « L'un ou l'autre des époux peut, dès la première ordonnance, et sur l'autorisa» tion du juge, donnée à la charge d'en référer, prendre pour » la garantie de ses droits des mesures conservatoires, notam»ment requérir l'apposition des scellés sur les biens de la » communauté. Le même droit appartient à la femme » même non commune, pour la conservation de ceux de ses » biens dont le mari a l'administration ou la jouissance. » Les scellés sont levés à la requête de la partie la plus dili» gente, les objets et les valeurs sont inventoriés et prisés, » l'époux qui est en possession en est constitué gardien judiciaire, à moins qu'il n'en soit décidé autrement ».

(Trib. Poiliers, 9 juill. 1889, La Loi, 22 janv. 1890. Trib. Nogent-le-Rotrou, 10 juill. 1891, Gaz. Trib., 10-11 août 1891.

(') Paris, 21 janv. 1895, S., 97. 2. 137, D., 95. 2. 168.

(3) V. Tissier, note sous Paris, précité, S., 97. 2. 137.

(1) Cpr. Douai, 23 août 1883, sous Cass., 23 mars 1885, S., 85. 1. 491. (5) Besançon, 20 déc. 1816, P. chr. - Poitiers, 15 janv. 1817, S. chr. 23 août 1851, P., 52. 1. 157.

Paris,

Ce texte reproduit en l'améliorant l'ancien art. 270 il résout plusieurs difficultés auxquelles la disposition de ce dernier article avait donné naissance.

D'abord il autorise les mesures conservatoires au profit de l'un ou de l'autre époux l'art. 270 ne parlait que de la

femme.

Ensuite il permet à la femme d'avoir recours aux mesures conservatoires, sous quelque régime qu'elle soit mariée; l'ancien texte ne parlait que de la femme commune en biens, et des doutes s'étaient élevés sur le point de savoir s'il pouvait être invoqué par la femme mariée sous un régime d'où la communauté était exclue.

On discutait aussi sur le point de savoir si la femme avait besoin d'une autorisation pour faire apposer les scellés; le nouveau texte consacre la solution affirmative admise par la jurisprudence.

218. Aucune mesure conservatoire ne peut être prise sans autorisation de justice; cette autorisation peut être sollicitée à partir de la première ordonnance, c'est-à-dire à partir de l'ordonnance qui autorise l'époux demandeur à citer son conjoint devant le magistrat conciliateur. Le tribunal ne peut statuer sur les mesures conservatoires qu'à partir du moment où il est saisi de la demande; d'autre part, le président, comme juge conciliateur, ne semble pas, d'après l'art. 238, avoir compétence pour ordonner de telles mesures; c'est donc par la voie du référé et en suivant les formes usuelles de cette procédure, si l'on ne peut soumettre la question au tribunal non encore saisi de la demande ou si l'on veut, en cas d'urgence, obtenir une solution plus rapide. Le président peut, toutefois, statuer par une seule et même ordonnance sur le préliminaire de conciliation et sur les mesures conservatoires, s'il a été régulièrement saisi de cette dernière question ('). Le président, d'après l'art. 242, a la faculté, s'il juge la question trop grave, d'en référer au tribunal tout entier, avant même que le demandeur n'ait usé de la permission de citer (2).

(') Cpr. Cass., 15 juill. 1879, S., 80. 1. 97, D., 81. 1. 209. (*) Carpentier, op. cit., n. 416.

D'autres auteurs pensent que les mots «<

à

219. Enfin ce même texte résout une dernière difficulté. L'ancien art. 270 ne parlait que de l'apposition des scellés, et des doutes s'étaient élevés sur le point de savoir si la femme pouvait avoir recours à d'autres mesures conservatoires, telles que des saisies-arrêts entre les mains des débiteurs du mari. Le nouveau texte résout la question dans un sens conforme au vœu que nous exprimions dans notre commentaire de la loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, n. 94; il laisse au juge le soin de déterminer les mesures conservatoires à appliquer.

Il n'est pas inutile, toutefois, de fournir quelques explications sur les différentes mesures conservatoires qui peuvent être ordonnées et sur les conséquences qui en résultent.

220. A. Scellés et inventaires. - L'un quelconque des époux (en fait, le plus souvent, la femme) peut requérir l'apposition des scellés sur les biens demeurés en la possession de l'autre époux, lorsqu'il peut prétendre un droit sur lesdits biens, par exemple sur les biens communs, sur les propres mobiliers imparfaits et même sur les propres mobiliers parfaits ('). Dans le cas où la mesure sollicitée paraîtrait abusive ou vexatoire, le mari pourrait y faire apporter des tempéraments et demander, par exemple, la substitution d'un inventaire immédiat aux lieu et place des scellés (*). Il est toujours permis, du reste, de demander la confection d'un inventaire, de préférence à l'apposition des scellés.

Lorsque les scellés ont été apposés, l'un ou l'autre des époux peut en demander la levée, à toute époque (3), au cours de l'instance (). La levée des scellés doit être accompagnée d'un inventaire et d'une prisée, à moins d'accord contraire entre les parties. Si le mari et la femme ne sont

charge d'en référer » veulent dire que si des difficultés s'élèvent sur l'application de l'ordonnance, il en sera référé au président, comme en matière de saisie-arrêt Vraye et Gode, II, p. 597; Coulon, IV, p. 315; Garsonnet, IV, § 1366, p. 491. Carpentier, op. cit., n. 1423; Coulon, IV, p. 319; Vraye et Gode, p. 89.

V. en sens contraire pour les propres mobiliers parfaits, Huc, II, n. 356. (Lyon, 1er avril 1854, S., 54. 2. 587, D., 56. 2. 241. - II importe peu que les époux soient ou non étrangers (même arrêt).

(3) Il n'y a pas lieu d'appliquer ici l'art. 928 Pr. civ.

Angers, 16 avril 1853, S., 53. 2. 295, D., 53. 2. 139.

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