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code civil, être considéré comme restrictif, et il en est de même du nouvel art. 243. Bien que la loi ne parle que des aliénations d'immeubles, notre disposition s'appliquerait donc également aux aliénations de meubles. Il en résulte aussi que la femme ne peut réussir dans son action en nullité qu'autant que les conditions prescrites par le droit commun se trouvent réunies. Elle doit donc prouver la fraude du mari, et, en outre, la complicité de celui avec qui il a traité, si l'acte dont elle demande la nullité est à titre onéreux.

SECTION III

DES FINS DE NON-RECEVOIR CONTRE L'ACTION EN DIVORCE

226. Le nouvel art. 244, qui reproduit avec quelques améliorations la disposition des anciens art. 272 et 273, indique deux causes d'extinction de l'action en divorce la réconciliation des époux et la mort de l'un d'eux. Il faut ajouter la prescription.

La chose jugée peut, en cette matière, conformément à une règle générale, fournir une exception contre la demande en divorce ou en séparation de corps; nous indiquerons plus loin dans quel cas et sous quelles conditions l'exception de chose jugée est opposable en matière de divorce ou de séparation de corps (').

Il est inutile, par ailleurs, de revenir, à propos des fins de non-recevoir, sur ce que nous avons dit précédemment de l'abandon par la femme de la résidence à elle fixée, du désistement et de l'acquiescement, de l'irresponsabilité, couvrant les actes de l'un des époux; la séparation de fait, volontairement convenue entre les époux, est sans valeur juridique et ne fait pas obstacle au droit de demander le divorce et la séparation de corps (2).

On signale parfois comme une fin de non-recevoir, la con

(V. infra, n. 354 s.

2) Caen, 11 avril 1818, S. chr.; si la séparation de fait intervenait au cours de l'instance en divorce ou en séparation de corps, on pourrait seulement, dans cerlaines circonstances, la considérer comme un désistement tacite.

PERS. IV.

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nivence de l'époux dans l'adultère de son conjoint (1). Il est plus exact de dire que l'adultère, en pareil cas, ne peut plus être invoqué comme une cause de divorce, parce que l'on ne trouve plus chez l'époux coupable l'intention de violer la foi promise ce pourrait être aussi contre celui qui a non seulement toléré, mais encore encouragé l'adultère de son conjoint, une application de l'axiome: nemo auditur propriam turpitudinem allegans (2).

21. Réconciliation des époux.

227. « L'action en divorce s'éteint par la réconciliation des » époux, survenue soit depuis les faits allégués dans la de» mande, soit depuis cette demande. - Dans l'un et l'autre » cas, le demandeur est déclaré non recevable dans son ac» tion» (nouvel art. 244 al. 1 et 2).

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La réconciliation éteint l'action en divorce parce qu'elle implique une convention des époux de reprendre ou de continuer la vie commune et par suite de ne plus songer au divorce.

Le fondement de toute réconciliation est le pardon accordé par l'époux outragé à l'époux coupable; la réconciliation implique donc nécessairement: 1° la connaissance chez la victime des torts et griefs de son conjoint (3); 2° la volonté de n'en plus tenir compte ('); 3° la cessation de ces torts et griefs chez l'époux coupable (5).

228. La réconciliation peut être antérieure ou postérieure à l'introduction de la demande en séparation de corps (6); elle n'est soumise, du reste, à aucune condition de fond ni de forme. Il faut, toutefois, qu'elle soit réelle et non pas

(') Paris, 18 juill. 1893, D., 93. 2. 471; Planiol, op. cit., n. 574. n. 21.

(2) V. supra, n. 21.

V. supra,

(3) Cass., 4 déc. 1876, S., 77. 1. 110, D., 77. 1. 313; 14 mars 1888, S., 88. 1. 373, D., 88. 1. 271. Besançon, 20 fév. 1860, S., 60. 2. 229, D., 60. 2. 54. — Trib. Seine, 7 avril 1874, sous Cass., 3 fév. 1875, D., 76. 1. 465.

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(*) Lyon, 24 déc. 1891, S., 92. 2. 288.

(5) Lyon, 24 déc. 1891, précité.

(6) Cass., 8 déc. 1832, S., 33. 1. 528, D., 33. 1. 133. La Loi, 28 janv. 1891. Carpentier, op. cit., n. 1984.

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feinte ou apparente ('); il faut aussi qu'elle n'ait rien de conditionnel si, par exemple, une femme, en se rapprochant de son mari, avait accompagné ses démarches de protestations et de réserves, on pourrait ne voir dans ces faits qu'un essai de réconciliation, un délai d'épreuve accordé au mari (*); de même, une lettre écrite par un mari annonçant l'intention de reprendre sa femme sous de certaines conditions, ne vaudrait pas réconciliation, si les conditions n'avaient pas été remplies (3). Il importe, enfin, que la réconciliation émane d'une volonté libre et exempte de tout vice (*). Mais il importe peu que les actes d'où résulte la réconciliation aient eu une durée plus ou moins longue (5); par ailleurs, la réconciliation n'implique pas nécessairement le concours de la volonté des deux conjoints: dès qu'il est prouvé que le demandeur a complètement pardonné, les juges doivent admettre l'exception de réconciliation, sans que le défendeur ait besoin d'établir qu'il avait accepté le pardon de son conjoint (*).

229. La réconciliation peut se manifester d'une façon expresse, par exemple, dans une lettre ou dans un acte de procédure (7); elle peut aussi être tacite et s'induire des faits et circonstances de la cause; les juges du fond possèdent, à cet égard, un pouvoir souverain d'appréciation pour admettre ou écarter l'existence d'une réconciliation tacite (8). Le fait le plus significatif entre tous, permettant de supposer la réconciliation, c'est le rétablissement de la vie commune, lors

(1) Grenoble, 21 janv. 1864, D., 66. 5. 425.

(*) Bourges, 14 juin 1852, P., 52. 2. 210.

(3) Caen, 14 mars 1883, S., 85. 2. 49 et la note de M. Labbé. (Poitiers, 30 déc. 1890.

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Lyon,

Besançon, 13 juin 1864, D., 64. 2. 112.
- Bruxelles, 9 août 1877, Pasier., 78.

8 mars 1872, Mon. jud. Lyon, 4 août 1892. 2. 260.

(5) Cass., 6 déc. 1832, S., 32. 1. 528. pentier, op. cit., n. 1995.

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Poitiers, 30 déc. 1890, précité. - Car

(*) En refusant d'invoquer l'exception de réconciliation, le défendeur pourrait, toutefois, lui enlever toute efficacité.

(7) Caen, 25 juill. 1882, S., 85. 2. 49.

Caen, 14 mars 1883, précité.

Dans l'espèce, devant le magistral conciliateur, le demandeur s'était désisté et une convention était intervenue entre les époux sur les conditions du rétablissement de la vie commune.

(*) Cass., 4 déc. 1901, D., 02. 1. 466, 14 avril 1902, D., 02. 1. 223, 12 nov. 1862, S., 63. 1. 214, D., 63. 1. 244.

qu'elle a été suspendue provisoirement (1); cette circonstance, toutefois, n'implique pas toujours et nécessairement la preuve d'une réconciliation; il convient donc d'examiner dans quelles conditions la vie commune a repris entre les époux (2); il se peut aussi que même des rapports intimes ne suffisent pas, dans certaines circonstances exceptionnelles, pour constituer une réconciliation (3).

Quant à la grossesse de la femme, survenue depuis la demande et depuis les faits qui y ont donné lieu (*), elle ne fait preuve de la réconciliation que si l'on peut l'attribuer au mari et en supposant, d'ailleurs, que la femme n'a pas été violentée (5). Divers arrêts ont, avec raison, écarté la réconciliation dans des espèces où les faits ne paraissaient pas suffisamment probants (").

Quel est, à ce point de vue, l'effet du désistement par le mari de sa plainte en adultère? Si le désistement intervient, alors que la juridiction correctionnelle est encore saisie et avant qu'une condamnation ait été prononcée, il ne constitue pas à lui seul une réconciliation; le mari, en effet, demeure maitre d'arrêter l'exercice de l'action publique, sans être assujetti à l'obligation dè reprendre sa femme (art. 336, C. pr.); le désistement n'implique donc pas la reprise de la

(*) Grenoble, 13 juill. 1883, Gaz. Pal., 84. 1. 157; 15 fév. 1886, Gaz. Pal., 86. 1. 475. Lyon, 29 juin 1892, Mon. jud. Lyon, 21 déc. 1893.

(*) Cass., 11 déc. 1893, S., 94. 1. 120, D., 94. 1. 341. 92. 2. 288.

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(3) Cpr. Bruxelles, 8 juill. 1865, Belg. jud., 66, p. 824; 28 oct. 1843, Belg. jud., 43, p. 1759. Besançon, 13 juin 1864, D., 64. 2. 112.

(*) L'époque de la conception doit être calculée d'après la durée de la gestation ordinaire, sans recourir aux présomptions de l'art. 312 C. civ. Rouen, 27 juin 1844, Rec. arrêts Rouen, 44, p. 419.

(5) Cpr. Nimes, 14 mars 1842, P., 42. 1. 750. et Colmet de Santerre, I, n. 347 bis.

Coulon, IV, p. 232; Demante

(6) Ainsi, le fait par une femme de retourner auprès de son mari, afin de lui donner des soins pendant une maladie, ne suffit pas pour établir la réconciliation. -Lyon, 30 juill. 1891, Gaz. Trib., 26 sept. 1891. De même on ne saurait voir une réconciliation dans cette circonstance que la femme se serait rendue dans une propriété commune aux deux époux, habitée par le mari (Lyon, 15 nov. 1888, Gaz. Trib., 28 janv. 1888), ni dans des relations accidentelles et de pure convenance qui auraient eu lieu entre le mari et la femme. Paris, 31 janv. 1889, Le Droit, 1er oct. 1889. - Cpr. encore Dijon, 6 mars 1884, S., 85. 2. 55. Trib. Seine, 11 mai 1894, Gaz. Trib., 6 juin 1894.

vie commune, ni le pardon de l'offense ('). La question est beaucoup plus délicate, lorsque le mari veut arrêter les effets d'une condamnation déjà prononcée; pour y parvenir et user de cette sorte de droit de grâce que la loi lui confère, le mari doit reprendre sa femme (art 337, § 2, C. pr.); par suite, le mari se soumet nécessairement à cette condition, lorsqu'il manifeste la volonté de soustraire sa femme à la condamnation prononcée; on peut donc considérer, en principe, comme constituant une réconciliation, la volonté exprimée par le mari d'arrêter les effets de la condamnation, alors même qu'il n'aurait pas indiqué d'une façon expresse l'intention de reprendre sa femme, cette condition étant nécessairement sous-entendue (2). Mais le mari pourrait écarter l'exception de réconciliation en formulant des réserves expresses, en indiquant, par exemple, qu'il reprend sa femme pour obéir à la loi et jusqu'à ce que le président lui ait fixé une résidence séparée, au cours de l'instance en divorce qu'il se propose d'introduire.

230. La preuve de la réconciliation demeure soumise aux règles du droit commun. Comme il s'agit d'établir l'existence d'un pur fait, on pourra recourir à tous les modes de preuves, notamment à la preuve par témoins. Les juges pourront, à leur gré, soit ordonner une enquête spéciale et préalable sur les faits de réconciliation allégués par 'un des époux (3), soit ordonner tout à la fois une enquête sur les griefs articulés par le demandeur en divorce et sur les faits de réconciliation invoqués par le défendeur (').

L'aveu de la partie ne pouvant pas inspirer ici la même défiance que lorsqu'il s'applique aux faits sur lesquels est fondée la demande en divorce, il en résulte que la réconci

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Cass., 30 juill. 1885, S., 86. 1. 188, D., 86. 1. 428. Nancy, 7 mai 1885, S., 85.2.105. Rouen, 18 nov. 1847, S., 48. 2. 83, D., 48. 2. 50. — Paris, 30 août 1841, S., 41. 2. 487, D., 42. 2. 102.

(*) Paris, 4 août 1888, S., 89. 2. 13, D., 90. 2. 279.

(3) Trib. Seine, 27 avril 1888, Gaz. Trib., 1er mai 1888.

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(*) Cass., 24 juill. 1889, S., 92. 1. 388, D., 90. 1. 346; 15 nov. 1880, S., 81. 1. 176, D., 81. 4. 153. La preuve de la réconciliation pourrait être tirée de simples présomptions ou puisée dans une information criminelle. Trib. Lyon, 9 mai 1895, Gaz. Trib., 19 sept. 1895.

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