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liation serait suffisamment établie par cet aveu (1). Nous en dirons de même du serment (2).

231. C'est à l'époux qui invoque l'exception de réconciliation qu'appartient la charge d'en établir les faits constitutifs (3). Mais, comme il s'agit, en réalité, d'un moyen de défense dirigé contre le principe même de la demande et non pas seulement d'une question de procédure, on doit admettre que la réconciliation peut être opposée pour la première fois même en appel (*), sans qu'il soit nécessaire de considérer cette fin de non-recevoir comme étant d'ordre public. On peut donc, sans contradiction, admettre qu'elle est opposable en tout état de cause, et même pour la première fois en appel, tout en refusant au juge le droit de la suppléer d'office, alors qu'elle n'est pas proposée par les parties (5).

232. La fin de non-recevoir résultant de la réconciliation peut être invoquée, quelle que soit la cause de la demande en divorce, et sans qu'il y ait lieu d'excepter le cas où cette demande est fondée sur une condamnation à une peine afflictive et infamante (*) ou sur l'adultère (7).

La réconciliation a pour résultat d'effacer toute la procédure antérieure et de mettre obstacle à une nouvelle demande basée sur les griefs anciens (8), à moins que, par hasard, il ne s'agisse de griefs dont l'époux offensé n'avait pas con

(1) On peut, pour obtenir l'aveu, faire procéder à un interrogatoire sur faits et articles dont les juges du fond apprécient souverainement les résultats. Cass., 11 nov. 1898, S., 99. 1. 336. — V. aussi Cass., 1er mars 1899, D.. 99. 1. 144. - Trèves, 28 mai 1813, S. chr. Trib. Villeneuve-sur-Lol, 12 déc. 1891, Le Droit, 25 juin 1892. — Cpr. Contra Bruxelles, 15 mars 1879, Pasier., 79. 2. 275.

(2) Trib. Villeneuve-sur-Lot, 12 déc. 1891, précité.

8 fév. 1889, Gaz. Pal., 7 mars 1889.

Contra Trib. Dunkerque,

(3) Aubry et Rau, V, § 492, p. 185, texte el nole 13; Vraye et Gode, 1, n. 128.

(*) Contra Aix, 21 déc. 1831, S., 33. 2. 518.

(5) Cass., 6 déc. 1897, Gaz. Trib., 6 déc. 1897.

n. 580.

Contra Planiol, op. cit.,

Cass., 9 mai 1904, D., 04. 1. 316, S., 04. 1. 312; Huc, II, n. 366; Vraye
Lyon, 2 mars 1894, S., 94. 2. 136, D., 94. 2. 468.

et Gode, I, n. 130 bis.

(6) Toulouse, 7 juill. 1886, S., 86. 2. 209, D., 88. 2. 52.

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§ 492, p. 184; Carpentier, op. cit., n. 1980. — Contra Grenoble, 17 août 1821, S. chr. Rouen, 8 fév. 1841, S., 41. 2. 646.

(7) Cass., 31 avril 1891, Le Droit, 5 sept. 1891.

(8) Trib. Seine, 28 janv. 1898, Gaz. Trib., 18 mai 1898; 8 mai 1896, Gaz. Trib., 24 sept. 1896.

naissance au moment de la réconciliation ('). Si une réconciliation était venue couvrir une offense, avant qu'aucune action n'eût été introduite, la demande en divorce ou en séparation de corps devrait encore être écartée; on ne pourrait non plus demander la conversion en divorce d'un jugement de séparation de corps qui aurait été suivi d'une réconciliation des époux (2).

233. Ainsi le pardon amnistie le passé; mais il n'est pas un brevet d'impunité pour l'avenir. Aussi l'art. 244, al. 2,décidet-il que l'époux, qui par le pardon s'est rendu non recevable dans son action en divorce, « peut néanmoins en intenter une » nouvelle pour cause survenue ou découverte depuis la récon» ciliation et se prévaloir des anciennes causes à l'appui de sa » nouvelle demande ». Cette disposition signifie que les faits amnistiés par le pardon pourront servir d'appoint aux nouveaux qui, par eux-mêmes et à eux seuls, ne seraient peutpas suffisants pour faire prononcer le divorce. Seulement les juges auront à apprécier si les nouveaux faits survenus depuis la réconciliation ont assez de gravité par eux-mêmes pour faire disparaître les effets du pardon et la fin de nonrecevoir qui en était la conséquence (3).

être

234. Lorsque des griefs nouveaux existent, il n'y a pas à rechercher, pour faire revivre les anciens, si la réconciliation est intervenue avant ou après une première demande ('), ni même si les faits antérieurs à la réconciliation avaient fait l'objet d'une première instance (3).

On pourrait encore, grâce aux nouveaux griefs, admettre

(1) Cass., 3 fév. 1875, S., 75. 1. 393; 4 déc. 1876, S., 77. 1. 110. On sait, en effet, que la réconciliation, pour être efficace, suppose la connaissance de l'injure. V. supra, n. 227.

(*) Paris, 8 août 1893, D., 93. 2. 576.

3) Cass., 19 fév. 1895, S., 95. 1. 176, D., 95. 1. 224; 16 avril 1894, S., 95. 1. 309, D., 95. 1. 85; 11 mai 1885, S., 86. 1. 16; 18 janv. 1881, S., 81. 1. 209, D., 81. 1. 125. - Bruxelles, 14 déc. 1892, D., 93. 2. 317.

Rennes, 31 août 1833, S.,

(*) Cass., 5 janv. 1874, S., 74. 1. 124, D., 77. 5. 493. 31. 2. 285. Il n'est pas nécessaire non plus que les causes antérieures et celles postérieures soient de même nature. Cass., 6 juin 1853, S., 53. 1. 708, D., 53. 1. 244. — Ainsi l'injure grave permet d'invoquer un fait d'adultère antérieur à la réconciliation. Trib. Seine, 14 août 1891, Le Droit, 10 août 1891.

(5) Cass., 13 mars 1860, D., 60. 1. 400.

en preuve des faits déclarés non pertinents dans une instance antérieure ('). Si des griefs nouveaux s'étaient produits au cours d'une instance dans laquelle on invoquait l'exception de réconciliation, il ne serait pas nécessaire d'introduire une nouvelle demande; l'on pourrait, en continuant l'instance, se prévaloir tout à la fois des faits anciens et des faits nouveaux (2).

235. On demande si la réciprocité des torts constitue une fin de non-recevoir contre l'action en divorce. En principe il faut répondre négativement, d'abord parce que cette fin de non-recevoir n'est pas écrite dans la loi, et puis parce que la réciprocité des torts ne fait souvent que rendre la vie commune plus intolérable, et par suite le divorce plus indispensable. Ainsi il est clair que, si le divorce est nécessaire lorsque la vie de l'un des époux est mise en péril par les excès de l'autre, il l'est deux fois pour une lorsque, les excès étant réciproques, la vie des deux époux se trouve en danger.

On prétend cependant que la règle souffre deux exceptions. La première, qui est généralement admise, mais au sujet de laquelle nous n'en faisons pas moins nos réserves, a lieu quand les époux ont été condamnés l'un et l'autre à une peine afflictive et infamante. Concevrait-on, disent les auteurs, qu'en pareil cas l'un des époux vint alléguer l'infamie de l'autre pour obtenir le divorce (3)?

La deuxième exception est beaucoup plus contestable et beaucoup plus contestée. Elle aurait lieu au cas où, le divorce étant demandé pour cause d'adultère, l'époux défendeur prouverait que son conjoint s'est lui-même rendu coupable de ce délit. On fonde principalement cette solution sur l'art. 336 du code pénal, d'après lequel le mari perd le droit de dénoncer l'adultère de sa femme, quand il a lui-même commis un adultère dans les conditions requises par la loi criminelle pour que ce délit soit punissable, c'est-à-dire quand il a tenu sa

(1) Cass., 29 mars 1887, S., 87. 1. 470, D., 87. 1. 453.

(2) Cass., 21 déc. 1896, Gaz. Trib., 22 déc. 1896. Bruxelles, 17 déc. 1887, J. Trib. jud., 12 janv. 1888. Contra Carpentier, op. cit., n. 2120. - Cpr. Lyon, 31 fév. 1893, Mon. jud., 20 juill. 1893.

(3) Cpr. Demolombe, IV, n. 415.

concubine dans la maison conjugale. Il en résulte, dit-on, que le mari ne peut plus alors demander le divorce pour cause d'adultère de sa femme; car, en formant une semblable demande, il dénoncerait cet adultère, ce que lui interdit l'art. 336. Puis on généralise la pensée qui justifie cette proposition, et on arrive ainsi à dire que l'un des époux ne peut plus demander le divorce contre l'autre pour cause d'adultère, lorsque, par son adultère, il s'est mis lui-même en situation de voir prononcer le divorce contre lui. Cet argument n'est rien moins que concluant. Le code pénal ne s'occupe de l'adultère qu'au point de vue de sa sanction pénale, et non au point de vue de sa sanction civile, qui est le divorce ou la séparation de corps. Tout ce qui résulte de l'art. 336 du code pénal, c'est que le mari ne peut plus demander la répression pénale de l'adultère de sa femme, quand il a tenu sa concubine dans la maison conjugale; mais il ne s'en suit nullement qu'il ne puisse pas invoquer cet adultère comme fondement d'une demande en divorce ou en séparation de corps. La jurisprudence est en ce sens, ainsi que la majorité des auteurs ('). 236. Le principe, que la réciprocité des torts ne constitue pas une fin de non-recevoir contre la demande en divorce, ne fait pas obstacle à ce que le juge admette, s'il y a lieu, une certaine compensation, comme on le dit dans un langage qui n'est peut-être pas d'une exactitude rigoureuse, entre les torts réciproques des deux parties. Nous voulons dire que, lorsque la demande en divorce a pour cause des excès, sévices ou injures graves, le juge, qui est chargé d'apprécier la gravité du fait allégué, doit faire cette appréciation d'après les circonstances de la cause, au nombre desquelles il faut placer la situation qui a été faite à l'époux défendeur par son conjoint lui-même, et qui peut expliquer dans une certaine mesure, sans les justifier, ses emportements ou ses propos injurieux. En d'autres termes, si l'époux demandeur a motivé par sa conduite les excès, sévices ou injures graves dont il se fait une arme pour obtenir le divorce, s'il y

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(1) Paris, 9 juin 1860, S., 60. 2. 449. Trib. Seine, 16 nov. 1897, Gaz. Trib., 17 nov. 1897. Trib. Bruxelles, 7 juin 1888, Pasier., 88. 2. 115. - Carpentier,

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op. cit., n. 2190.

a eu de sa part provocation, la gravité des faits qu'il allègue pourra s'en trouver diminuée aux yeux du juge et le rejet de la demande en divorce pourra en être la conséquence. Pour que la provocation puisse être invoquée comme atténuation des griefs reprochés à l'un des époux, il n'est pas nécessaire qu'il y ait une connexité véritable, une concordance bien établie de temps et de lieu entre les torts réci proques; il suffit qu'il y ait un certain lien, une certaine relation de cause à effet entre les faits invoqués par le demandeur et ceux opposés par le défendeur ('). Les juges du fond apprécient souverainement cette relation, en examinant en fait, la gravité des griefs allégués (2) ; ils doivent nécessairement et d'eux-mêmes écarter au besoin la demande, si la provocation leur parait établie, puisqu'ils ne doivent prononcer le divorce que dans l'hypothèse où les injures sont suffisamment graves. Toutefois l'arrêt qui prononce le divorce n'est pas tenu de s'expliquer sur l'existence et les effets d'une provocation dont les conclusions n'auraient pas fait état (3). Dans leur appréciation souveraine, les tribunaux peuvent, tout en admettant l'existence d'une provocation, considérer qu'elle n'est pas suffisante pour excuser les torts de l'autre époux et prononcer, par suite, quand même, la séparation de corps ou le divorce (*). La compensation pour torts réciproques, si c'en est une, n'est pas admissible au cas d'adultère, parce que la loi ne subordonne pas le succès de la demande en divorce, fondée sur cette cause, à la gravité de l'adultère, et ne laisse par suite aucune place à l'appréciation du juge (5).

(1) Cass., 3 janv. 1893, S., 93. 1. 251; 2 juin 1890, S., 90. 1.344. - V. aussi note sous Cass., 19 janv. 1892, S., 92. 1. 78.

(*) Cass., 12 janv. 1903, D., 1903. 1. 152; 6 déc. 1897, Gaz. Trib., 6 déc. 1897; 16 juill. 1895, S., 95. 1. 311; 18 juill. 1892, S., 95. 1. 308; 17 déc. 1889, Pand. fr., 90. 1.567; 30 mars 1859, S., 59. 1. 661; 4 déc. 1855, S., 56. 1. 814.

(3) Cass., 3 janv. 1893, Gaz. Trib., 4 janv. 1893. - En d'autres termes, les juges peuvent invoquer la compensation pour écarter la demande, sans qu'on y ait conclu; mais en l'absence de conclusions sur ce point, ils n'ont pas à répondre sur un moyen non invoqué, dont ils n'ont pas découvert eux-mêmes la preuve.

(*) Orléans, 13 mars 1891, Le Droit, 25 mars 1891. Lyon, 15 mars 1888, Gaz. Trib., 5 janv. 1889. Trib. Marseille, 11 janv. 1891, La Loi, 11 août 1891.-Trib. Lyon, 13 nov. 1885, Gaz. Pal., S., 86. 1. 111.

(5) Cpr. Cass., 16 avril 1894, S., 95. 1. 399; 8 et 9 juill. 1895, S., 95. 1. 311.

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