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49. C. Excès injurieux dans les rapports entre époux. — La fréquence des relations sexuelles ne pourrait, à elle seule, constituer une injure, si ces relations n'avaient rien d'anormal (1). Pour que la femme puisse se plaindre des actes du mari, il faut que ces actes témoignent d'instincts pervers ou d'une bestialité dégradante; il y aurait injure si le mari avait substitué à l'accomplissement du devoir conjugal des pratiques illicites, honteuses et contre nature (2); le divorce pourrait aussi être prononcé si le mari avait imposé sans ménagement à sa femme des rapprochements de nature à déterminer chez elle une maladie sérieuse et si, malgré les recommandations du médecin, il avait continué à faire subir à sa femme des relations qui auraient aggravé la maladie (3).

50. D. Naissance d'enfant adultérin, Recel d'enfant. Constitue une injure grave le fait, par le mari, de déclarer devant l'officier de l'état-civil la naissance d'un enfant né de lui et d'une femme avec laquelle il vivait en concubinage, en indiquant cette dernière comme étant sa femme légitime (*). Il en est de même du fait, par la femme, de dissimuler à son mari la naissance d'un enfant auquel elle fait croire par la suite que son père est mort (5).

51. E. Existence ou communication d'une maladie vénérienne. -L'existence d'une maladie vénérienne chez l'un des conjoints sans qu'il y ait eu communication de la maladie à l'autre époux ne constitue pas une injure grave. Cette circonstance peut seulement être invoquée comme preuve d'un adultère; le juge, d'ailleurs, apprécie, suivant les circonstances, si la maladie peut avoir une autre cause que l'adul

sexuel entre les époux et que celui auquel on reproche l'abstention n'allègue aucun motif, les juges peuvent en conclure que l'abstention a été volontaire et injurieuse. Cass., 12 nov. 1900, D., 01. 1. 21, S., 01. 1. 80.

) Rennes, 13 déc. 1841, D., 42. 2. 85. (2) Nimes, 5 juin 1894, S., 96. 2. 142.

Nancy, 10 mars 1894, S., 94. 2. 112. (3) Poitiers, 3 déc. 1894, S., 95. 2. 36, D., 95. 2. 14. Le fait par le mari de recourir à des procédés frauduleux et immoraux, comme l'emploi de préservatifs conAre la grossesse constitue une injure grave, s'il est établi par ailleurs que la femme désirait des enfants et ignorait, au début du mariage, le but poursuivi par le mari. Caen, 26 déc. 1899, D., 4900. 2. 206, S., 1900. 2. 143.

(4) Caen, 22 mai 1872, S., 73. 2. 291.

(5) Trib. Gray, 8 nov. 1889, La Lɔi, 4 janv. 1890.

tère, si la contamination de l'un des époux provient ou non d'une infidélité ('); si, surtout, son origine n'est pas anté rieure au mariage (2).

La communication de la maladie vénérienne à l'autre époux par celui qui en était atteint constitue une injure grave, mais à la condition que la contamination ait été consciente; il est nécessaire que l'époux ait su qu'il était malade et qu'il risquait de communiquer le mal (3); il en serait autrement si, par exemple, au moment du mariage, le mari se croyait guéri, et si la communication du mal a été involontaire (*).

52. F. Inconduite. Il arrive parfois que l'un des époux, sans articuler contre l'autre le fait d'adultère ou sans pouvoir établir nettement l'infidélité, rapporte la preuve que son conjoint avait une conduite irrégulière, compromettante pour la dignité du ménage; le juge pourra trouver dans ces circonstances une injure grave (5), dont il apprécie souverainement le caractère et l'importance (*).

Les règles sont les mêmes à l'égard du mari (") et à l'égard de la femme. Toutefois, étant données les habitudes et les

(1) Paris, 13 avril 1897, Gaz. Trib., 16-17 août 1897.

(*) Sur ce point le juge pourra ordonner une expertise.

(3) Paris, 2 avril 1896, Le Droit, 30 mai 1896. - Trib. Seine, 4 juin 1897, Gaz. Trib.; 6 bct. 1897. — Trib. Nancy, 27 fév. 1894, Le Droit, 24 mars 1894. — Cpr, Cass., 18 janv. 1892, S,, 92. 1. 80. Aubry et Rau, V. § 491, p. 176; Demolombe, IV, n. 389; Carpentier, n. 598 et s. L'époux contaminé sciemment par l'autre pourrait, sans aucun doute, réclamer des dommages-intérêts. Il importe peu, d'ailleurs, lorsqu'il y a eu communication consciente, que la maladie soit antérieure ou non au mariage. Nancy, 30 janv. 1886, S., 86. 2. 181.

(*) Paris, 5 fév. 1876, D., 76. 5. 405. Trib. Seine, 4 juin 1897, Gaz. Trib., 6 oct. 1897. Cpr. cass., 18 janv. 1892, S., 92. 1. 80.

(*) Cass., 12 mai 1885, S., 86. 1. 16. Alger, 25 avril 1893, S., 93. 2. 84. Paris, 11 août 1892, La Loi, 13 août 1892. — Trib. Seine, 20 déc. 1889, Gaz. Trib., 30 janv. 1890.

(6) Cass., 12 mai 1885, precité. Le juge tiendra compte du lieu où les actes reprochés se sont produits (Montpellier, 5 fév. 1895, D., 96. 2. 101), de leur fréquence, de la qualité des personnes avec lesquelles ils s'accomplissent. 28 juin 1893, Rec. Nancy, 1893, p. 297.

Nancy,

(7) Cass., 3 janv. 1893, S., 93. 1. 251. — Lyon, 30 juill. 1891, Mon. jud. Lyon, 22 sept. 1891. Par exemple le fait, par le mari, de fréquenter des tripots, pour se livrer pendant une partie des nuits à la passion du jeu. Poitiers, 3 nov. 1896, S., 96. 2. 50. Des habitudes de pédérastie. — Trib. Anvers, 27 mai 1888, Journ, des Trib., 1888, p. 200.

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mœurs de notre société, la rigidité plus sévère qu'elle montre vis-à-vis de la conduite des femmes, le juge sera plus facilement porté à trouver l'injure grave dans les écarts de conduite de la femme. D'une manière générale, la légèreté, le manque de réserve, l'indépendance de conduite, le mépris des convenances, lorsqu'ils vont jusqu'à mettre toutes les apparences contre la femme, doivent être considérés comme une injure (').

53. G. Refus d'assistance, de secours, de protection et d'obéissance. Les refus d'assistance, de secours, de protection et aussi d'obéissance sont considérés comme des causes suffisantes de divorce. La loi a fait de ces devoirs réciproques de véritables obligations civiles, et l'on conçoit que leur inobservation volontaire puisse avoir pour sanction la rupture du mariage (2).

54. H. Propos blessants, dédain. - Les paroles injurieuses ou diffamatoires, les accusations dirigées contre l'un des époux et contenant des imputations blessantes, les propos grossiers, les marques de dédain peuvent fournir des causes suffisantes de divorce, suivant les circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits (3). Le juge devra prendre en considération la publicité de l'injure, sa répétition, sa continuité, la condition sociale des époux, les torts ou la provocation du conjoint injurié, la bonne ou la mauvaise foi des accusations diffamatoires, etc. (').

55. I. Jalousie. - Une jalousie excessive de la part du mari ou de la femme peut être considérée comme une

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() Par exemple, le fait par le mari de conserver un domestique insolent et grossier vis-à-vis de la femme. Paris, 13 juill. 1898, sous Cass., 30 nov. 1898, D., 99.1.358.

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(*) Cass., 2 juin 1890, S., 90. 1. 344. Paris, 13 avril 1897, La Loi, 11 mai 1897; 18 mai 1897, Gaz. Trib., 24 déc. 1897; 24 nov. 1894, La Loi, 3 janv. 1895; 10 août 1892, S., 93. 2. 242. Trib. civ. Seine, 13 juin 1892, Gaz. Trib., 29 juin 1892, 4 juillet 1892, Le Droit, 4 août 1892; 20 mars 1886, Le Droit, 1er avril

injure ('), surtout lorsqu'elle conduit à des actes blessants de surveillance (*) et lorsque les sentiments de jalousie ne sont en aucune façon justifiés par les apparences (3).

56. J. Refus de procéder à la célébration du mariage religieux; atteintes aux sentiments religieux. On a soutenu que le refus de procéder à la célébration du mariage religieux ne pouvait jamais constituer une injure suffisante au divorce ('). L'opinion contraire paraît préférable (3); les tribunaux apprécieront, suivant les circonstances, les caractères du refus, et ils pourront y rouver une injure, si l'un des époux avait des raisons très sérieuses de tenir à la consécration religieuse du mariage, et si on lui a laissé croire qu'il y serait procédé (°).

Le changement de religion de la part de l'un des époux ne peut jamais fournir une cause de divorce (7). Il en est de même du refus par le père de faire baptiser les enfants (8), à moins de circonstances très exceptionnelles ("). Le fait, par la femme, de donner clandestinement, malgré les injonctions formelles du mari, une éducation religieuse aux enfants, pourrait, considéré comme un refus d'obéissance, constituer une injure permettant le divorce (10). Enfin, le fait, par un prêtre, de dissimuler à sa future épouse son état ecclésiastique, pour la faire consentir au mariage, peut aussi constituer une injure grave (11).

(1) Paris, 6 avril 1897, Le Droit, 30 mai 1897; 11 août 1876, Le Droil, 19 août 1876. (2) Trib. Seine, 8 janv. 1896, Gaz. Trib., 31 janv. 1896.

(*) Trib. Lyon, 5 fév. 1891, La Loi, 18 mars 1891.

(4) Laurent, III, n. 196; Demante et Colmet de Santerre, III, n. 324, 9.

(5) Demolombe, IV, n. 390; Bressolles, Rev. de législ., 1861, II, p. 158; Duvergier, Rev. crit., 1866, p. 325.

(*) Bruxelles, 17 juill. 1889, S., 90. 4. 28. Montpellier, 4 mai 1847, S., 47. 2. 418. Trib. Seine, 23 mars 1872, Le Droit, 7 avril 1872. On ne pourrait pas, en fait, considérer l'injure comme grave si, après une cohabitation effective, l'époux qui se prétend outragé était demeuré aussi longtemps sans se plaindre. - Contra Angers, 29 janv. 1859, S., 59. 2. 77, D., 60. 2. 97.

(*) Demolombe, III, n. 290; Duranton, n. 532.

(*) Nimes, 12 mai 1886, Gaz. Trib., 28 mai 1886.

(*) Lyon, 25 mars 1873, D., 74. 5. 465.- Paris, 13 juill. 1898, sous Cass., 31 nov. 1898, D., 99. 1. 358.

(10) Carpentier, n. 673.

(1) Trib. Seine, 19 mai 1888, Gaz. Pal., 30 mai 1888.

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57. K. Ivresse. L'ivresse n'est pas par elle-même et par elle seule une cause de divorce ('); il en est autrement si livrognerie devient habituelle et s'accompagne de manifestations dégradantes (2); le juge, toutefois, doit prendre en considération le milieu social et les habitudes des époux (3). 58. L. Condamnations correctionnelles. Les condamnations correctionnelles ne sont pas une cause péremptoire de divorce; mais si les faits pour lesquels les condamnations sont prononcées sont de nature à atteindre directement le conjoint dans son honneur ou dans ses droits d'époux, à apporter le trouble et le déshonneur dans le ménage, les tribunaux peuvent incontestablement, ainsi que cela résulte des travaux préparatoires de la loi de 1884 ('), trouver dans ces condamnations une cause suffisante de divorce pour injure grave; c'est ainsi que le divorce a été prononcé à la suite de condamnations pour vol, escroquerie, abus de confiance, outrage public à la pudeur, proxénétisme (3).

59. Les injures, ainsi qu'il a été dit, peuvent se trouver contenues dans des actes de procédure (") ou, comme on le verra, dans des lettres missives (†).

60. La preuve des excès, sévices ou injures graves, peut, comme celle de l'adultère, être administrée même par témoins ou par simples présomptions (3).

17.

Paris, 22 fév. 1894, Le Droit, 14 mai 1894.

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Dijon, 27 juill. 1887, S., 88. 2.

- Trib. Seine, 29 déc. 1896, La Loi, 30 déc. 1896. (Agen, 30 janv. 1905, D., 05. 2. 63. Poitiers, 18 juin 1894, S., 94. 2. 235. Orléans, 18 déc. 1889, La Loi, 4 janv. 1890. — Trib. Lyon, 14 nov. 1895, Gaz. Trib., 15 janv. 1896. Il en est surtout ainsi lorsque Fivresse habituelle est reprochée à la femme. - Cass. belge, 22 juin 1882, S., 83. 4. 3. - Trib. Seine, 31 mai 1897, Gaz. Trib., 23 sept. 1897. Trib. Meaux, 13 déc. 1882, S., 84. 2. 71.

Montpellier, 25 mars 1899, S., 99. 2. 132.

- Trib. Lyon, 14 nov. 1895, précité.

V. S., Lois annotées, 1884, p. 1.

5, Paris, 4 déc. 1899, Le Droit, 14 fév. 1900.

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Orléans, 18 déc. 1889, précité,

Angers, 13 avril 1896, D., 96. 2.

440; Rennes, 12 nov. 1895, Gaz. Pal., 96. 1. 256; Lyon, 19 déc. 1895, Le Droit, 5 mai 1896; Toulouse, 7 juil. 1886, S., 86. 2. 209, D., 88. 2. 52; 31 déc. 1888, S., 8J. 2. 61, D., 90. 2. 104. Trib. Saumur, 2 août 1862, D., 62. 3. 72.

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() V. supra, n. 40.

(7) V. infra, n. 132 et s.

(*) Cass., 13 nov. 1889, S., 90. 1.388.-€pr. Cass., 3 janv. 1893, S., 93. 1. 251, D., 93. 1. 517.

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