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sur le fondement d'une injure grave; de même, des actes d'inconduite qui ne présentent pas les caractères requis pour constituer l'adultère peuvent être considérés comme injures graves (').

SECTION II

PAR QUI LE DIVORCE PEUT ÊTRE DEMANDÉ

69. Le divorce ne peut être demandé que par l'un des époux contre l'autre (2).

70. Le droit de demander le divorce est exclusivement attaché à la personne des époux. Il ne peut pas être exercé de leur chef par leurs créanciers (arg. art. 1166 in fine) (3), ni après leur mort par leurs héritiers (*).

Bien plus, l'action qui aurait été intentée par l'un des époux contre l'autre ne pourrait plus être continuée après la mort de l'un des époux survenue pendente lite, même en cause d'appel; car, désormais, il n'est plus possible d'atteindre le but en vue duquel l'action a été intentée, et qui est de dissoudre le mariage.

Il est vrai que l'époux demandeur, si c'est lui qui a survécu, ou ses héritiers, s'il est prédécédé, pourraient avoir intérêt à continuer l'instance, pour faire déclarer par la justice qu'il existait une cause légitime de divorce, et que, par suite, l'autre époux a subi la déchéance établie par l'art. 299. Mais cette déchéance ne peut être en tous cas qu'un effet du divorce prononcé; or se figure-t-on bien un jugement qui prononcerait un divorce entre deux époux dont l'un serait décédé ?

L'instance en divorce est éteinte alors même que les parties auraient pris les conclusions au fond et dans le cas où un jugement rendu en premier ressort aurait été frappé d'appel; dans cette dernière hypothèse, les héritiers de l'époux décédé ne peuvent devant la cour ni demander, comme conséquence nécessaire du divorce ou de la séparation de corps, la révo

(') Cass., 25 juill. 1867, D., 68. 1. 101; 14 déc. 1896, Gaz. Trib., 14-15 déc. 1896. (*) Cpr. infra sur la capacité requise, n. 95 et s.

(3, Aubry et Rau, V, § 492; Demolombe, IV, n. 427; Laurent, III, n. 216. (*) Aubry et Rau, V, § 492, p. 182.

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cation des avantages matrimoniaux, ni prendre des conclusions distinctes en révocation des mêmes avantages pour cause d'ingratitude, ces conclusions constituant une demande nouvelle, irrecevable pour la première fois en cause d'appel (1). Il est vrai qu'il y a la question des dépens à régler. Mais il n'est pas nécessaire, pour opérer ce règlement, de pousser l'instance jusqu'à son terme; le tribunal le fera d'après les éléments qu'il a sous la main au moment où la mort de l'un des époux met fin à l'instance.

Le tribunal pourrait toujours, par application de l'art. 131 (Pr. civ.), compenser les dépens (2).

Les décisions judiciaires indiquées à la note 1 statuent en vue de la séparation de corps, mais la solution qu'elles donnent est certainement applicable aussi au divorce. A vrai dire la question n'est plus douteuse depuis la loi de 1886; l'art. 244 fournit en effet un argument a fortiori irrésistible; la solution qui résulte de ce texte doit nécessairement s'étendre à la séparation de corps.

Nous verrons même que le décès de l'un des conjoints anéantit le jugement qui prononce le divorce, si ce décès survient avant que le jugement ait été rendu irrévocable par la transcription sur les registres de l'état civil (3).

CHAPITRE II

DE LA PROCÉDURE DU DIVORCE

GÉNÉRALITÉS

71. Rationnellement, la procédure du divorce a sa place dans le code de procédure civile, et c'est là qu'il faudra la

:(1) Cass., 27 juil. 1871, S., 71. 1. 209, D., 71. 1. 81; 5 fév. 1851, S., 51. 1. 81, D., 51.1. 49. - Dijon, 7 fév. 1872, S., 72. 2. 6, D., 73. 2. 122. — Paris, 7 juil. 1870, S., Lyon, 4 avril 1851, S., 51. 2. 411, D., 52. 2. 141. Aubry et Rau, V, § 492, p. 182; Laurent, III, n. 217.

71. 2. 46, D., 70. 2. 231.

(2) Paris, 5 avril 1864, D., 65. 2. 119; 10 fév. 1852, S., 53. 2. 77, D., 53. 2. 58. Rouen, 20 août 1863, Melz, 30 août 1864, D., 65. 2. 119, Trib. Epernay, 5 déc.

1889, Le Droit, 11 janv. 1890. Contra Planiol, op. cit., III, n. 235.
7 fév. 1872, D., 73. 2. 122. - Caen, 3 mai 1864, D., 65. 2. 119.
(3) V. infra, n. 238 et s.

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faire figurer quand on procèdera à la refonte générale de nos lois civiles. Comment il se fait que le législateur de 1803 l'ait réglementée dans le code civil, cela s'explique historiquement. La législation révolutionnaire avait rendu le divorce. tellement facile que la pratique en avait fait un déplorable abus. Les législateurs du code civil pensèrent qu'il y avait lieu d'user d'un double moyen pour arrêter ce torrent : 1° limiter le nombre des causes de divorce; 2° rendre l'obtention du divorce difficile, en organisant une procédure spéciale offrant de nombreuses garanties. Dans la pensée du législateur, la procédure du divorce avait donc une importance capitale. Il la considérait comme un complément indispensable de son œuvre, comme un rouage nécessaire à son fonctionnement, et on comprend à merveille qu'il n'ait pas voulu en ajourner l'organisation jusqu'à l'époque, alors indéterminée, où le code de procédure civile ferait son apparition. Une fois insérée dans le code civil, la procédure du divorce y a été laissée par les législateurs de 1884 et de 1886. Autrement on aurait créé un vide dans le code civil et un trop-plein dans le code de procédure.

72. En rétablissant le divorce, la loi du 27 juillet 1884 avait consacré, sauf quelques modifications de détail, la procédure établie pár le code civil. Or cette procédure était d'une extrême complication. « La procédure du divorce la plus simple, dit l'exposé des motifs, la plus dénuée d'incidents, exige que les parties se présentent deux fois devant le président : ce n'est qu'après cette double comparution que le demandeur obtient du tribunal une première décision l'autorisant à citer. A partir de la citation, le tribunal n'a pas moins de trois jugements à rendre jugement admettant la demande en divorce (si les fins de non-recevoir sont rejetées); jugement ordonnant une enquête; jugement définitif. L'enquête doit être faite à l'audience (par conséquent devant le tribunal tout entier), et ce n'est pas là une des moindres causes de difficulté dans la pratique ». ». Cette complication offrait un triple inconvénient. D'abord elle absorbait un temps précieux que les magistrats auraient employé plus utilement à l'expédition d'autres affaires, et contribuait ainsi dans les

tribunaux chargés à augmenter l'arriéré; ensuite elle entrainait pour les parties l'obligation de supporter des frais énormes; enfin elle conduisait souvent à une véritable impossibilité d'aboutir, et, par suite, à une sorte de déni de justice. En fait, les tribunaux ne prononçaient guère que des divorces par conversion.

Ces résultats avaient bien été entrevus par le législateur de 1884. En vue de les prévenir, M. Denormandie avait présenté au sénat un projet d'ensemble sur la procédure du divorce. La crainte de retarder le vote de la loi sur le divorce, qui, dans la pensée du législateur d'alors, répondait à des besoins urgents, empêcha que ce projet vint en discussion.

Moins de deux ans après la promulgation de la loi sur le divorce, les doléances des praticiens obligeaient le législateur à se remettre à l'œuvre. Le 18 mars 1886 fut promulguée une loi complète sur la matière. Le projet de cette loi, préparé, sur l'initiative du gouvernement, par la commission extraparlementaire chargée d'étudier la révision du code de procédure civile, ne concernait que la procédure du divorce. La plupart de ses dispositions ayant été étendues à la séparation de corps, la loi, en définitive, a été intitulée: Loi sur la procédure du divorce et de la séparation de corps.

73. Avant d'entrer dans les détails, il n'est pas inutile de jeter un coup d'œil sur la loi.

La principale innovation qu'elle réalise consiste dans la substitution de la procédure ordinaire à la procédure spéciale établie par le code civil. Il en résulte notamment que l'enquête sera faite désormais par un juge commissaire, et non, comme autrefois, devant le tribunal tout entier. C'est une économie de temps, à laquelle correspond malheureusement une diminution de garantie.

Ensuite la loi nouvelle supprime la cérémonie de la prononciation du divorce par l'officier de l'état civil, qui, parait-il, était souvent dans la pratique l'occasion de scènes burlesques ou scandaleuses, et la remplace par la transcription sur les registres de l'état civil du jugement prononçant le divorce. Ainsi, autrefois, le tribunal admettait le divorce (anc.art. 258) et l'officier de l'état civil le prononçait. Aujourd'hui c'est le

tribunal qui prononce le divorce (arg. art. 247 al. 2, 249 et 250 al. 1), et l'officier de l'étal civil se borne à enregistrer sa décision en transcrivant le jugement (art. 251).

Tout cela tient à la forme. Mais voici une innovation qui touche au fond du droit. Autrefois la prononciation du divorce par l'officier de l'état civil ne pouvait avoir lieu que sur la réquisition de l'époux qui avait obtenu le jugement de divorce, de sorte que cet époux pouvait, par son abstention, rendre non avenu le divorce admis par le tribunal, sans que l'autre époux eût aucun moyen de conjurer ce résultat. Aujourd'hui, l'une comme l'autre partie peut rendre efficace le jugement qui prononce le divorce, en requérant sa transcription sur les registres de l'état civil. Sur tous les autres points, le législateur de 1886 s'est systématiquement abstenu d'innovations touchant au fond du droit. Ainsi il a refusé de discuter une proposition de M. Naquet, tendant à rendre obligatoire pour le juge la conversion de la séparation de corps en divorce, demandée par l'une ou l'autre des parties après l'expiration du délai légal. M. Naquet a dù saisir le Sénat d'un projet de loi spécial sur ce point.

En quatrième lieu, la loi du 18 avril 1886 abroge un certain nombre de textes. Les uns sont remplacés par des dispositions nouvelles, d'autres sont supprimés purement et simplement comme inutiles, en tant qu'ils ne faisaient que consacrer des règles de droit commun. L'art. 4 de la loi dit à ce sujet : « Sont abrogés les articles 253 à 274 du Code civil, l'article » 881 du Code de procédure civile, les articles 2, 3 et 4 de la » loi du 27 juillet 1884, et toutes les dispositions contraires » à la présente loi ».

74. Il y avait un écueil à éviter. En simplifiant la procédure du divorce, il ne fallait pas supprimer les garanties nécessaires et rendre l'obtention du divorce trop facile. Le rapporteur affirme que la loi nouvelle est pleinement satisfaisante sur ce point. Il est permis d'affirmer que la procédure remaniée en 1886 n'a pas été la cause des nombreuses demandes en divorce qui se sont produites.

PERS. — IV.

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