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son mari, lacérées par lui et jetées dans sa corbeille à papiers, n'a rien de délictueux ('), pas plus que le fait de trouver dans un vêtement non enfermé une lettre qui n'était pas placée dans une enveloppe cachetée (2), ou de découvrir des lettres dans un meuble ouvert aux deux époux pour l'exercice de leur commune industrie (3).

136. Nous avons toujours supposé que l'on produisait les originaux des lettres; si l'on se contentait de soumettre des copies au tribunal, les juges devraient évidemment se montrer très circonspects (*).

C. Demandes reconventionnelles.

137. A la demande en divorce qui est formée contre lui, le défendeur peut répondre par une demande reconventionnelle en divorce (5). A quelles règles de forme cette demande sera-t-elle soumise? L'art. 239 al. 3 tranche la controverse qui s'était élevée à ce sujet. Il décide qu'on appliquera le droit commun, d'après lequel les demandes reconventionnelles peuvent être formées par un simple acte d'avoué à avoué : « Les demandes reconventionnelles en divorce peuvent être » introduites par un simple acte de conclusions ». C'est la solution contraire qui triomphait dans la doctrine. On admettait généralement que la demande reconventionnelle en divorce était soumise, quant à la forme, aux mêmes règles que la demande principale, que, par conséquent, elle devait être précédée de l'essai de conciliation prescrit pour la demande principale. Mais que pouvait-on espérer d'un nouvel essai de conciliation, le premier n'ayant pas réussi? C'était du temps et de l'argent dépensés en pure perte.

138. En sens inverse, l'époux défendeur à une demande en séparation de corps ne pourrait pas former par un simple

Trib. Seine, 19 mai 1896, La Loi, 12 nov. 1896.

(Cass., 25 mars 1890, S., 90. 1. 168, D., 91. 1. 311. 3) Pau, 30 juin 1880, La Loi, 23 juill. 1880.

) Bruxelles, 28 avril 1875, Pasicr., 75. 2. 217. Les juges du fait apprécient souverainement, sans même avoir besoin de recourir à une expertise, l'authenticité des lettres produites. Cass., 6 mai 1903, S., 03. 1. 390.

(*) Il est évident que l'époux défendeur pourrait introduire, s'il le préférail, une demande principale à côté de celle dirigée contre lui.

acte une demande reconventionnelle en divorce. Ce serait un moyen d'échapper à l'essai de conciliation spécial à la demande en divorce (1).

139. Le défendeur à une demande en divorce peut-il former par un simple acte une demande reconventionnelle en séparation de corps? Après quelques hésitations, la jurisprudence paraît se former définitivement sur cette question dans le sens de l'affirmative (2).

140. Lorsque le tribunal est saisi de deux demandes en divorce, l'une principale, l'autre reconventionnelle, il peut, sans difficulté, statuer sur l'une et l'autre demande par un seul et même jugement, en prononçant le divorce aux torts des deux époux ou en écartant les deux demandes, ou en prononçant le divorce au profit d'un des demandeurs, l'autre action étant écartée. Si le tribunal avait été saisi de deux demandes en divorce, toutes les deux principales, il pourrait encore statuer, comme dans la précédente hypothèse, par un seul et même jugement; mais il pourrait aussi statuer immédiatement sur l'une des demandes, si elle était complètement instruite, et ne juger l'autre que plus tard. Bien que le divorce ait été prononcé sur la première demande, il n'en est pas moins intéressant de statuer sur la seconde en effet, si le divorce est prononcé une seconde fois, il en résultera que les deux époux encourront les mêmes déchéances; d'autre part, il se peut que l'époux qui a obtenu la première sentence n'en poursuive pas l'exécution conformément aux articles 250 et s.; l'autre époux aura, dans ce cas, la faculté d'utiliser le jugement prononcé à son profit.

On comprend aussi que le tribunal saisi d'une demande en divorce et d'une demande en séparation de corps, puisse prononcer tout à la fois le divorce et la séparation. On avait voulu soutenir que le juge devait surseoir à statuer sur la demande

(1) Dijon, 27 juil. 1887, S., 88. 2. 17. Trib. Seine, 28 fév. 1888. · Gaz. Trib., 18 avril 1888. Trib. Carpentras, 23 janv. 1894. Gaz. Trib., 9 févr. 1896. Trib. Pau, 4 juill. 1901, La Loi, 20 juill. 1901. Les travaux préparatoires à la loi sont en ce sens. - L'irrecevabilité de cette demande peut être opposée pour la première fois en appel. — Cass., 12 juill. 1904, D., 05. 1. 97.

(2) Riom, 1er fév. 1888, S., 90. 2. 207, D., 90. 2. 158, et Paris, 27 juin 1888, S., 91. 2. 62. Rouen, 7 août 1888, S., 90. 2. 51, D., 90. 2. 274, D., 90. 2. 364.

en séparation de corps, jusqu'après la solution de la demande en divorce, et que la séparation n'aurait pu être prononcée que dans l'hypothèse où la demande en divorce aurait été écartée (1). Dans une autre opinion, l'on prétend que le tribunal peut et doit instruire parallèlement ces deux demandes, sans sursis, afin d'apprécier le mérite respectif des griefs allégués et la culpabilité des deux époux, mais le tribunal ne pourrait prononcer à la fois le divorce et la séparation de corps; si la demande en divorce était accueillie par le juge, elle mettrait obstacle à ce que la séparation pût être prononcée; autrement on aboutirait à deux solutions inconciliables et à cette situation inconcevable de deux époux à la fois divorcés et séparés (2). La jurisprudence, avec beaucoup de raison, admet la possibilité de prononcer à la fois le divorce et la séparation de corps. Pourquoi le tribunal écarterait-il une demande en séparation de corps qui est fondée ? Il doit statuer, puisqu'il est saisi, et il doit accueillir la demande si elle est motivée. La séparation prononcée ne sera pas sans résultat, elle fera encourir à l'époux qui la subit les déchéances des art. 299 et 300; d'autre part, la séparation peut éventuellement produire tous ses effets dans l'hypothèse où l'époux qui a obtenu le divorce n'aurait pas fait transcrire en temps opportun le jugement rendu en sa faveur (3).

141. Le demandeur en divorce a succombé en première instance; il interjette appel. L'intimé peut-il lui répondre par une demande reconventionnelle en divorce? L'art. 248 al. 4 (rédaction nouvelle de la loi du 6 février 1893) répond: « Les

Trib. Seine, 5 mars 1885, Gaz. Trib., 3 avril 1885.
Carpentier, op. cit., n. 2692 et s.

, Cass., 16 mai 1899, D., 99. 1. 288; 7 nov. 1899, S., 1900. 1. 169, D., 1900. 1. 453; 12 mars 1901, Gaz. Pul., 1901. 1. 459. Bordeaux, 13 nov. 1893, S., 94. 2.

80.

Paris, 27 juin 1888, S., 91. 2. 62; 31 déc. 1887, S., 88. 2. 85. Poitiers, 18 juin 1894, S., 94. 2. 235. Cpr. Contra Alger, 19 juin 1895, S., 96. 2. 35. · Lorsque le tribunal a prononcé le divorce au profit du demandeur principal et ordonné une enquête sur la demande reconventionnelle, il doit être statué sur cette dernière demande, même après la transcription du jugement de divorce. Trib. Seine, 3 nov. 1903, Gaz. Trib., 8 janv. 1904. Lorsque la demande en divorce et celle en séparation ont été soumises à deux tribunaux différents, le juge saisi de la séparation de corps doit statuer, bien que l'autre tribunal ait prononcé le divorce. Amiens, 20 avril 1904, Gaz. Trib., 5 nov. 1904.

» demandes reconventionnelles peuvent se produire en appel » sans être considérées comme demandes nouvelles ». Ce texte ne fait qu'appliquer le droit commun consacré par l'art. 464 du code de procédure civile, qui défend de former en cause d'appel une demande nouvelle, à moins qu'elle ne soit la défense à l'action principale. Tel est précisément le cas du défendeur qui, en appel, répond à la demande en divorce dirigée contre lui par une autre demande en divorce dirigée contre son adversaire, ajoutons : ou par une demande en séparation de corps. En admettant même, avec certains auteurs (1), qu'il n'y ait pas là une véritable défense à la demande, dans le sens de l'art. 464 (Pr. civ.), la solution se justifie aisément. Les faits qui servent de base aux deux actions sont le plus souvent liés d'une façon étroite et il est préférable de les examiner en même temps; par ailleurs, le défendeur ne pourrait pas introduire utilement une demande principale en divorce; son action deviendrait sans objet, le jour où le divorce aurait déjà été prononcé au profit de son conjoint. Si le défendeur, au lieu de former la demande reconventionnelle permise par l'art. 248, avait cru préférable de former une demande principale, il aurait agi à ses risques et périls et il ne pourrait invoquer cette circonstance pour demander à la cour de surseoir à statuer sur l'appel (2).

L'époux qui, sur la demande en divorce introduite contre lui par son conjoint, a formé en première instance une demande reconventionnelle en séparation de corps, peut, en appel, transformer cette demande reconventionnelle en demande en divorce; en effet, si le défendeur n'avait, en première instance, formé aucune demande reconventionnelle, il aurait pu, pour la première fois en appel, solliciter le divorce; il est libre, en réalité, de renoncer en quelque sorte à la demande reconventionnelle en séparation de corps, formée en première instance, pour se prévaloir uniquement du droit que lui confère sans restriction l'art. 248 § 4 (3). Si la demande principale est une demande en séparation de corps,

(1) Planiol, op. cit., III, n. 705.

(2) Cass., 15 févr. 1902, D., 03. 1. 110. (*) Amiens, 14 avril 1897, S., 98. 2. 65.

le défendeur, en vertu du même principe, peut, en appel, y répondre par une demande reconventionnelle en séparation de corps (1). Mais il ne pourrait pas riposter par une demande reconventionnelle en divorce. Cette demande, toute différente de l'action principale, constituerait une demande nouvelle (*). 142. Le principe que les demandes reconventionnelles en divorce peuvent se produire en appel sans être considérées comme demandes nouvelles, s'applique même au divorce par conversion. En d'autres termes, l'un des époux ayant succombé en première instance sur sa demande en conversion et ayant interjeté appel de cette décision, l'autre époux peut reconventionnellement demander, lui aussi, la conversion. Quelle sera l'utilité de cette demande reconventionnelle, puisqu'elle ne pourra, comme la demande principale, aboutir qu'à la transformation pure et simple du jugement de séparation de corps en jugement de divorce? La cour prononcera peut-être, sur la demande reconventionnelle, la conversion qu'elle eût refusé de prononcer sur la demande principale, parce que tous les torts étaient du côté de l'époux qui avait formé cette demande (*).

D. Huis clos.

143. Le tribunal peut interdire la publicité des débats si elle doit entraîner ou du scandale ou des inconvénients graves. « Les tribunaux peuvent ordonner le huis clos», dit l'art. 239 al. 4. D'après le code civil, dont le système avait été accepté sur ce point par le législateur de 1884, le huis clos était de droit, au moins au début de la procédure (anciens art. 241 à 244). Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, le législateur de 1886 en revient au droit commun. Cpr. C. pr., art. 87.

(1) Cass., 27 juill. 1897, S., 98. 1. 85. 92. 2. 216.

- Poitiers, 2 fév. 1891, S., 92. 2. 143, D.,

(2) Pau, 24 janv. 1885, S., 86. 2. 210. Lyon, 21 fév. 1893, Rec. de Lyon, 1893, p. 215.

(3) Cpr. Montpellier, 4 déc 1889, D., 91. 2. 53.

V. infra, n. 340.

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