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E. Interdiction de publier les débats par la voie de la presse.

:

144. L'alinéa final du nouvel art. 239 consacre l'innovation introduite par l'art. 3 de la loi du 27 juillet 1884 en ce qui concerne la publication des débats par la voie de la presse « La reproduction des débats par la voie de la presse, » dans les instances en divorce, est interdite, sous peine de » l'amende de cent à deux mille francs, édictée par l'article » 39 de la loi du 30 juillet 1881 ». La curiosité publique et les journaux judiciaires en souffriront peut-être; mais les familles, qui ont intérêt à ne pas étaler au grand jour le spectacle de leurs discordes intestines, et la moralité publique y gagneront. Tel a été du moins l'espoir du législateur. D'ailleurs l'interdiction ne porte que sur la reproduction des débats, et non par conséquent sur celle du jugement.

F. Jugement, sursis.

145. L'affaire est terminée quant aux plaideurs : ils ont épuisé la série des incidents relatifs à la preuve, les plaidoiries sont faites, il ne reste plus que le jugement à rendre. Si le tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande, rien ne l'autorise à suspendre sa décision; il la rendra sans autre délai que celui nécessaire pour délibérer. Si, au contraire, la demande lui paraît justifiée, il n'est pas obligé de prononcer le divorce immédiatement, du moins au cas où la demande en divorce est fondée soit sur l'adultère, soit sur des excès, sévices ou injures graves. La loi l'autorise à surseoir pendant un certain temps qui ne peut excéder six mois ('). Pourquoi donc? On espère que les époux mettront à profit, pour se réconcilier, le délai fixé par le tribunal. C'est bien peu probable; mais, pour obtenir un résultat qu'elle souhaite ardemment, la loi permet de tenter même l'impossible. A l'expiration du délai d'épreuve, si les époux ne se sont pas réconciliés, le tribunal, sur la demande de l'un ou de l'autre, est obligé de prononcer le divorce, sans pouvoir

(1) En matière de séparation de corps, le juge ne peut imposer de sursis. infra, n. 312.

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ordonner un autre ajournement, ni ouvrir de nouveaux débats, en prescrivant une enquête (').

146. C'est au moyen d'une véritable assignation que le même tribunal est à nouveau saisi par celui des deux époux qui veut obtenir un jugement, après l'expiration du délai fixé (2). L'assignation ne peut être lancée avant que le délai imparti ne soit écoulé; mais pendant combien de temps après l'expiration de ce délai l'assignation est-elle possible? Il convient d'appliquer ici les règles relatives à la péremption d'instance; l'assignation doit être envoyée dans les trois ans qui suivent l'expiration du délai d'épreuve déterminé par le tribunal (3).

147. La faculté d'ajournement n'appartient qu'au juge de première instance.

La cour saisie de l'appel du jugement définitif, ne pourrait pas ordonner le sursis; cette solution résulte très certainement des travaux préparatoires ('). Mais pourrait-on interjeter appel du jugement qui ordonne le sursis? Il semblerait contradictoire de permettre à la juridiction du second degré de connaître de l'opportunité d'une mesure qu'elle ne saurait ordonner elle-même; l'appel du jugement imposant un délai d'épreuve n'est donc pas recevable (3). S'il avait été prononcé par défaut, il serait, à n'en pas douter, susceptible d'opposition (6).

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148. Tout cela résulte du nouvel art. 246 ainsi conçu : Lorsque la demande en divorce a été formée pour toute » autre cause que celle qui est prévue par l'art. 232, le tribu

1

Paris, 13 nov. 1905, Gaz. Trib., 22 nov. 1905.

(2) Lorsque l'instance a été reprise ainsi, le défendeur peut encore former une demande reconventionnelle par simples conclusions. Trib. Seine, 22 mars 1903, Gaz. Trib., 8 juill. 1903.

Carpentier, op. cit., n. 2601.

.) Aix, 7 juill. 1904, Gaz. Trib., 30 juill. 1904.

* Carpentier, op. cit., n. 2604; Frémont, Tr. prat. du divorce el de la séparafion de corps, n. 598.

--

Paris, 25 fév. 1903, D., 05. 2. 53, S., 03. 2. 113. — Dijon, 8 mars 1905, Gaz. trib., 17 juin 1905.

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- Liège, 1er fév. 1855, Pasicr., 55. 2. 598.

- Contra Vraye et Gode, 2o éd., n. 302; Huc, Comm. théor, et prat. du C. civ., II, n. 778; Coulon, IV, p. 382; Fuzier-Herman, C. civ. ann., sur l'art. 259, appendice n. 7.

(Amiens, 30 nov. 1887, S., 88. 2. 87.

»nal, encore que cette demande soit bien établie, peut ne pas » prononcer immédiatement le divorce. - Dans ce cas, il » maintient ou prescrit l'habitation séparée et les mesures provisoires pendant un délai qui ne peut excéder six mois. — Après le délai fixé par le tribunal, si les époux ne sont pas réconciliés, chacun d'eux peut faire citer l'autre à compa»raitre devant le tribunal dans le délai de la loi, pour enten»dre prononcer le jugement de divorce ».

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En comparant ce texte avec les anciens art. 259 et 260, on voit 1° que la faculté d'ajournement qui n'était primitivement accordée au juge que dans les demandes en divorce pour cause d'excès, sévices ou injures graves, est étendue aux demandes en divorce pour cause d'adultère. Le seul cas excepté, sans doute parce qu'aucun espoir de réconcialition ne parait possible, est donc celui où la demande en divorce est fondée sur une condamnation à une peine afflictive et infamante; 2o que le délai de l'ajournement de la sentence, qui était autrefois d'un an invariablement, n'est plus que de six mois au maximum, ce qui implique la faculté, pour le juge, de rester au-dessous de cette limite; 3° qu'à l'expiration du délai fixé, chacun des époux peut requérir la prononciation du divorce, tandis que, autrefois, le demandeur seul avait ce droit.

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149. Aux termes du nouvel art. 249: « Le jugement ou » l'arrêt qui prononce le divorce n'est pas susceptible d'acquiescement ». Avant la loi du 18 avril 1886, à laquelle nous devons le texte précité, la question était controversée. On dit, pour justifier la solution à laquelle le législateur s'est arrêté, que notre loi n'admet pas le divorce par consentement mutuel, et que ce principe serait violé si la partie perdante pouvait valablement rendre définitive par un acquiescement, c'est-à-dire par un acte émanant de sa libre volonté, la sentence judiciaire de divorce que la loi lui permet d'attaquer. A notre avis, c'est la solution contraire que le législateur aurait dû consacrer. Le défendeur peut acquiescer tacitement en négligeant d'interjeter appel; pourquoi lui interdire d'acquiescer expressément? Le principe que le divorce ne peut pas résulter de la volonté des parties est tout à fait hors de

cause; car, après l'acquiescement, le divorce n'en sera pas moins l'œuvre de la justice qui l'a prononcé. Le défendeur a tout simplement renoncé à l'exercice d'une voie de recours établie par la loi dans son intérêt et dont nul ne pouvait le forcer à se servir. Il s'est ainsi incliné respectueusement devant l'œuvre de la justice, plutôt qu'il ne l'a sanctionnée. La volonté n'est donc pour rien dans l'admission du divorce. L'art. 249 ne distinguant pas, on doit en conclure qu'il proscrit non seulement l'acquiescement exprès, mais aussi l'acquiescement tacite résultant de l'exécution du jugement (').

150. Le désistement de l'appel interjeté, que l'on considère d'ordinaire comme un acquiescement à la décision des premiers juges (2), est-il possible en matière de divorce? Le désistement n'aurait la valeur d'un acquiescement que s'il intervenait après l'expiration des délais d'appel; c'est dans cette hypothèse seulement qu'il devrait, d'après certains auteurs, être interdit (3); d'autres pensent que le désistement de l'appel, en matière de divorce, n'est jamais possible par application de l'art. 249, qui prohibe l'acquiescement (*); enfin il en est qui, d'accord avec la jurisprudence, admettent la possibilité du désistement de l'appel; la raison qu'ils invoquent ne manque pas de valeur; l'appelant aurait pu ne pas user de la voie de recours et laisser acquérir au jugement l'autorité de la chose irrévocablement jugée; pourquoi ne pourrait-il se désister d'un appel déjà formé et se replacer dans la même situation qu'il aurait eue s'il n'avait pas saisi la juridiction da second degré (3)? Lorsqu'on admet la possi

en ce sens.

(1) S'il en était autrement, l'efficacité de l'art. 249 serait illusoire et la prohibition qu'il contient serait facile à éluder; les travaux préparatoires sont d'ailleurs La signification du jugement sans protestation ni réserve ne rend pas l'auteur de la signification irrecevable dans son appel. Caen, 19 févr. 1889, S., Nancy, 24 avril 1896. - Gaz. Trib., 2 oct. 1896. A fortiori la partie à laquelle le jugement a été signifié peut-elle interjeter appel. Nancy, 12 févr. 1903, D., 03. 2. 332, S., 03. 2. 189. — Cpr. cependant Chambéry, 19 juil. 1887, S., 90. 2. 217.

90. 2. 217.

(*) Cass., 22 mars 1897, S., 97. 1. 309; 11 janv. 1894, S., 95. 1. 81.

Lacoste, note sous Cass., 10 janv. 1894, précité.

Curet, Code du divorce, n. 238. Paris, 4 juin 1892, Le Droit, 4 août 1892; 18-27 nov. 1891, Guz. Trib., 14-15 déc. 1897.

Vraye et Gode, I, n. 350; Carpentier, op. cit., n. 22-39; Coulon el Favre sur

bilité du désistement, il est sans difficulté que ce désistement doit être formel et ne saurait résulter de l'extraction du rôle. Bien que la question puisse soulever quelque doute, le désistement doit être constaté par arrêt, si la partie à laquelle il a été signifié le demande; il importe, en effet, d'établir d'une façon certaine devant l'officier de l'état-civil que le jugement prononçant le divorce a acquis force de chose irrévocablement jugée (').

Lorsque l'appelant laisse défaut, la cour de cassation admet, en règle générale, qu'il doit être débouté par un arrêt de défaut, les moyens d'appel ne pouvant être suppléés par le juge. Cette règle reçoit exception dans les matières qui touchent à l'ordre public; la jurisprudence, considérant que l'ordre public s'oppose à l'acquiescement, en tire cette conséquence, qu'en matière de divorce, on doit examiner les conclusions du demandeur défaillant, lorsqu'il a interjeté appel d'une décision qui prononce le divorce (2).

151. Ce que l'art. 249 dit du jugement ou arrêt prononçant le divorce ne doit pas être étendu au jugement ou arrêt rejetant la demande en divorce. Ce jugement ou cet arrêt serait donc susceptible d'acquiescement, et, par voie de conséquence, l'époux demandeur qui aurait interjeté appel du jugement pourrait se désister de cet appel. Le législateur voit d'un œil favorable la renonciation à l'action en divorce ().

152. L'art. 249 n'est pas applicable à la séparation de

corps.

l'art. 249.

Paris, 27 janv. 1903, Le Droit, 16 avril 1903; 31 janv. 1900, Guz.

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2. 207, D., 95. 2. 495.

- Rouen, 30 janv. 1897, S., 97. 2. 239; 5 janv. 1895, S., 97.

- Contra Paris, 30 nov. 1893, D., 94. 2. 98.

(') Paris, 2 avr. 1886, Gaz. Trib., 3 avr. 1886; 9 juin 1885, Gaz. Pal., 85. 2. 285. (2) Cass., 23 oct. 1889, S., 90. 1. 61, D., 90. 1. 397 et le rapport de M. le conseiller Féraud-Giraud. Il en serait autrement si le jugement frappé d'appel avait rejeté la demande en divorce, l'acquiescement en effet est alors possible.

n. 151.

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V. infra,

(3) Cass., 29 janv. 1890, S., 93. 1. 181 s. Nancy, 17 janv. 1891, S., 91. 2. 112, D., 92. 2. 56. Le demandeur en divorce peut, la juridiction d'appel étant saisie, se désister tout à la fois de son appel et de l'instance introduite; en matière de divorce, le désistement de l'action n'a pas besoin d'être accepté. Nancy, 12 fév, 1903, D., 1903. 2. 332, S., 1903. 2. 189.

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