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Cette solution, qui tendait à prévaloir avant la loi de 1886 ('), ne saurait plus soulever de doute sérieux, depuis que cette loi est venue modifier la procédure du divorce. L'art. 249 s'occupe uniquement des sentences qui prononcent le divorce; d'autre part, ce texte ne figure pas dans la liste de ceux que l'art. 307 déclare communs à la matière du divorce et à celle de la séparation de corps (').

IV. Voies de recours contre les jugements ou arrêts en matière de divorce.

153. Les voies de recours contre les jugements ou arrêts en matière de divorce sont au nombre de quatre : deux ordinaires, l'opposition et l'appel; deux extraordinaires, le pourvoi en cassation et la requête civile.

A. Opposition.

154. On désigne sous le nom d'opposition une voie de recours spécialement ouverte par la loi contre les jugements par défaut, c'est-à-dire contre ceux qui ont été rendus sur les conclusions d'une seule des deux parties. Le code de procédure distingue deux sortes de jugement par défaut; le jugement par défaut faute de comparaitre ou contre partie, lorsque le défendeur n'a pas constitué avoué dans les délais de l'ajournement, et le jugement par défaut faute de conclure ou contre avoué, lorsque l'avoué constitué par l'une ou l'autre des deux parties n'a pas déposé de conclusions au nom de son client. Les jugements contradictoires sont ceux qui sont rendus sur les conclusions des deux parties. Les jugements par défaut en matière de divorce sont soumis par la loi à des règles particulières : l'une est spéciale au jugement par défaut faute de comparaitre, les autres sont communes aux deux sortes de défaut.

('} Cass., 11 mai 1853, S., 53. 1. 574, D., 53. 1. 158. — Nancy, 22 juill. 1876, S., 78. 2. 103, D., 78. 2. 170.

(*) Cass., 28 déc. 1891, S., 92. 1. 120. · Grenoble, 4 nov. 1902, D., 1903. 2. 215. Bordeaux, 20 janv. 1899, S., 99. 2. 144. - Douai, 22 avril 1891, S., 91. 2. 245. - V. infra, n. 306.

1o Règle spéciale au jugement par défaut faute de comparaître.

155. Aux termes de l'art. 247 al. 1 modifié par la loi du 10 avril 1886: « Lorsque l'assignation n'a pas été délivrée à » la partie défenderesse en personne et que cette partie fait » défaut (1), le tribunal peut, avant de prononcer le jugement » sur le fond, ordonner l'insertion dans les journaux d'un » avis destiné à faire connaître à cette partie la demande » dont elle a été l'objet » (2).

Remarquez que le tribunal ne doit pas ordonner la publication dans les journaux du texte de l'assignation, ce serait peut-être contraire à la disposition qui interdit la publicité des débats (art. 239 al. final), mais seulement l'insertion d'un avis invitant le défendeur à se rendre au greffe pour y prendre connaissance d'une demande formée contre lui, sansmême qu'il soit nécessaire de spécifier qu'il s'agit d'une demande en divorce. C'est précisément dans cette vue que l'on a modifié la rédaction primitive portant que le tribunal pouvait «< ordonner toute publicité par la voie des journaux qu'il désigne ».

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2o Règles communes aux deux sortes de jugement par défaut 3. 156.1° La loi veut que le défendeur acquière une connaissance certaine du jugement rendu contre lui. Pour atteindre ce but, le nouvel art. 247 al. 2 et 3 dispose: « Le jugement » ou l'arrêt qui prononce le divorce par défaut (*) est signi

(1) Il est donc certain que cette première disposition de l'art. 247 est applicable aux seuls jugements par défaut faute de comparaitre. Trib. Seine, 28 mars 1889, Le Droit, 25 avril 1889. La règle toutefois devrait être étendue à la procédure devant la cour d'appel, dans le cas où l'intéressé n'aurait pas constitué avoué.

(*) C'est une faculté dont le tribunal est libre d'user ou de ne pas user. Nancy, 21 mai 1887, Le Droit, 22-23 août 1887. — Le tribunal a d'ailleurs toute liberté pour la désignation des journaux, la détermination du nombre des insertions et du délai dans lequel il convient d'y procéder.

(3) On a soutenu que les règles suivantes n'étaient applicables qu'au défaut faute de comparaitre, comme celle de l'art. 247, § 1, Carpentier, op. cit., n. 2910. D'après un arrêt de la cour d'Alger, la commission d'un huissier, prévue par l'art. 247, § 2, ne s'appliquerait qu'aux jugements par défaut contre partie, Alger, 12 mars 1900, Gaz. Pal., 1900. 1. 773.

(*) Il est certain que les règles de l'art. 247, § 2 et s. ne sont pas applicables aux jugement et arrêt qui repoussent la demande en divorce.

»fié par huissier commis (1). -Si cette signification n'a pas » été faite à personne, le président ordonne sur une simple requête la publication du jugement par extrait dans les journaux qu'il désigne » (2).

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157. 2o D'après les règles du droit commun, l'opposition est recevable pendant les huit jours qui suivent celui de la signification à avoué, lorsque le défaut est contre avoué, et jusqu'à l'exécution du jugement, au cas de défaut contre partie (C. pr., art. 157 et 158). Ces règles sont profondément modifiées en matière de divorce. Le nouvel art. 247 in fine dispose: «L'opposition est recevable dans le mois de la signification, si elle a été faite à personne (*), et dans le cas » contraire, dans les huit mois qui suivent le dernier acte de » publicité ». Ce délai de huit mois n'a pas été fixé arbitrairement; c'est le plus long délai que le code de procédure accorde pour les ajournements (C. pr., art. 73) (*).

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Le demandeur ne peut, pendant les délais d'opposition, faire transcrire le jugement. L'opposition faite après l'expiration des délais doit être rejetée par une fin de non-recevoir péremptoire qui peut être opposée en tout état de cause et que le juge pourrait suppléer même d'office (5).

On a fait observer que ce délai, qui se justifie tant bien que mal, lorsque, le domicile du défendeur étant inconnu, la signification a été adressée au procureur de la République, paraît démesurément long au cas où, le défendeur étant sur les lieux, la signification a été faite à son domicile, sans que

(Si la signification avait été faite à personne par un huissier non commis, elle produirait cependant effet. - V. supra, nole 1, pour la signification de ces juge

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ments par défaut contre avoué.

La publicité est ici obligatoire, mais le tribunal conserve le libre choix des journaux.

Le délai ne peut être augmenté à raison des distances. Bordeaux, 7 juillet 1899, Rec. Bordeaux, 1900. 1. 53.

(*) Les délais impartis, pour courir utilement, supposent une signification régulière et valable; une signification nulle ne ferait pas courir lesdits délais. Cass., 7 fév. 1893, S., 94. 1. 257, D., 94. 1. 227; la signification est nulle lorsqu'elle a été faite au parquet et qu'il était facile au demandeur de connaitre le domicile du défendeur. Cass., 7 fév. 1893, précité. Trib. Seine, 1er fév. 1896, Gaz. Trib.,

6 mai 1896.

3) Douai, 8 mai 1893, S., 94. 2. 6.

PERS. IV.

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l'huissier ait pu parler à sa personne. Le rapporteur de la loi a répondu qu'il se pouvait que la copie laissée à un concierge, à un domestique, fût détournée et ne parvint pas au destinataire, et qu'on ne pouvait prendre trop de précautions pour éviter une surprise, que d'ailleurs le demandeur ne reste pas enchaîné par le délai de huit mois, attendu qu'il peut «< poursuivre l'exécution du jugement obtenu par un commandement, par une saisie, par la liquidation de ses reprises, etc., et amener ainsi le défendeur à faire opposition ».

De pareils actes n'auraient pas pour résultat de rendre l'opposition irrecevable, mais ils pourraient, s'ils avaient été accomplis en présence du défendeur, être assimilés à la signification à personne, de façon à réduire à un mois, à partir de ces actes, le délai de l'opposition (').

Les jugements par défaut faute de comparaitre tombent-ils en péremption au bout de six mois, s'ils n'ont pas été exécutés ? La solution négative paraitrait préférable : du moment, en effet, où la loi a fixé un délai pour l'opposition, quelle que soit la nature du défaut, la règle de l'art. 156 C. pr. civ. n'est plus applicable (2).

Les dispositions de l'art. 247 in fine doivent être étendues au défaut en cause d'appel.

158. D'après le code civil, maintenu sur ce point par la loi du 27 juillet 1884, la voie de l'opposition n'était admise en matière de divorce que contre les arrêts (art. 265), jamais contre les jugements (arg. art. 263). Cette singularité, que la loi nouvelle fait disparaitre, recevait une explication historique. A l'époque de la confection du code civil, on était encore sous l'empire de l'ordonnance de 1667 qui n'admettait l'opposition qu'en cause d'appel.

(1) Cass., 7 fév. 1893, précité et la note de M. Labbé.

(2) Carpentier, op. cit., n. 2938. V. cep. contra Trib. Seine, 1er fév. 1894, Gaz. Trib., 9 fév. 1894; 3 janv. 1901, Le Droit, 12 mai 1901; il suffit, d'après cette décision, que le jugement par défaut prononçant le divorce ait été publié et transcrit.

B. Appel.

159. « L'appel est recevable pour les jugements contradic» toires dans les délais fixés par les articles 443 et suivants » du code de procédure civile. - S'il s'agit d'un jugement par défaut, le délai ne commence à courir qu'à partir du jour » où l'opposition n'est plus recevable » (nouvel art. 248 al. 1 et 2). C'est de tous points le droit commun (').

Mais voici une dérogation le délai de l'appel, et non pas seulement l'appel interjeté, est suspensif de l'exécution du jugement, au moins en ce qui concerne la transcription de ce jugement sur les registres de l'état civil (arg. du nouvel art. 252 al. 1). Autrement, il aurait pu arriver que le demandeur, qui a obtenu gain de cause en première instance, fît transcrire le jugement sur les registres de l'état civil et contractât un nouveau mariage, puis que, sur l'appel interjeté à la dernière heure par le défendeur, le jugement prononçant le divorce fût réformé, et alors on aurait eu le spectacle d'un même individu engagé dans les liens d'un double mariage, sans qu'il fût possible de le poursuivre comme bigame.

«En cas d'appel, la cause s'instruit à l'audience ordinaire » et comme affaire urgente » (2) (nouvel art. 248 al. 3).

D'après le décret réglementaire du 30 mars 1808, les instances en divorce paraissaient devoir être jugées sur l'appel en audience solennelle. Il fut modifié sur ce point par un décret du 30 avril 1885 qui décida que les causes du divorce seraient portées en appel à l'audience ordinaire. Le texte précité (art. 248 al. 3) confirme cette disposition.

C. Pourvoi en cassation.

160. « Le délai pour se pourvoir en cassation court du jour » de la signification à partie, pour les arrêts contradictoires;

Les demandes nouvelles sont interdites, mais non les moyens nouveaux. La femme ne peut, en formant appel du jugement définitif, demander un supplément de provision ad litem pour les frais de première instance; elle ne peut réclamer la provision ad litem que pour l'instance d'appel. Paris, 26 juill. 1886, Gaz. Pal., 6 mars 1886. - Liège, 21 déc. 1888, Gaz. Pal., 3 fév. 1889. — Contra Grenoble, 15 fév. 1885, Gaz. Pal., 86. 1. 475.

(*) Ces expressions ne doivent pas être prises dans le sens d'« affaires sommaires »; à la vérité, l'épithète urgente n'a aucune portée pratique.

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