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nal, dans l'ordonnance qui clôt l'essai de conciliation (nouvel art. 238 al. 2, et supra, n. 185).

Bien que l'art 878 C. pr. ne parle que de la femme demanderesse en séparation de corps, il est certainement applicable aussi à la femme défenderesse.

311. Les règles relatives à la garde provisoire des enfants pendant la durée de l'instance en séparation de corps, aux mesures conservatoires et au sort des actes passés par le mari en fraude des droits de la femme, sont les mêmes qu'en matière de divorce. Arg. art. 307, cbn. 242 et 243.

312, L'instance en séparation de corps une fois engagée conformément aux règles que nous venons de tracer, la cause sera instruite dans les formes établies pour les autres demandes, le ministère public entendu (C. pr., art. 879, et C. civ., art. 239 al. 1 cbn. 307), par conséquent en audience publique, sauf au tribunal à ordonner le huis clos« si la discus>>sion publique devait entraîner ou scandale ou des inconvé»nients graves » (C. pr., art. 87). La reproduction des débats par la voie de la presse est interdite (art. 239 al. final cbn. 307). Le tout comme au cas de divorce.

Mais lorsque le droit du demandeur est bien établi, le tribunal ne peut pas, comme le permet le nouvel art. 246 pour le cas de divorce, suspendre le jugement pendant un délai de six mois. Arg. art. 307 (').

313. Les jugements sur les demandes en séparation de corps sont toujours susceptibles d'appel. L'appel doit être jugé en audience ordinaire (ordonnance du 16 mai 1835), Le délai de l'appel n'est pas suspensif de l'exécution comme en matière de divorce (supra, n. 159), mais seulement l'appel interjeté, conformément aux règles du droit com

mun.

Les règles spéciales au divorce en matière de jugement par défaut et d'opposition ne doivent pas être étendues à la séparation de corps; l'opposition demeure ici soumise aux règles ordinaires; notamment l'opposition au jugement par

(1) Rennes, 21 fév. 1826, S., 28. 2. 167, D., 28. 2. 30. Demolombe, IV, n. 486; Carpentier, op. cit., n. 2595.

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défaut faute de comparaitre est recevable jusqu'à l'exécution (').

En ce qui concerne le pourvoi en cassation, c'était autrefois une question de savoir s'il produisait un effet suspensif comme en matière de divorce. La jurisprudence s'était fixée dans le sens de la négative. La loi du 6 février 1893 résout la question en sens contraire. Le nouvel art. 248 in fine porte « Le pourvoi est suspensif en matière de divorce et en » matière de séparation de corps ». H' a d'ailleurs été expliqué par le rapporteur de la loi au sénat que l'art. 248 tout entier est applicable à la séparation de corps, et non pas seulement l'alinéa final.

Autrement on ne s'expliquerait guère que le nouveau législateur eût inséré l'art. 248 tout entier dans la loi sur la séparation de corps. Toutefois il est regrettable que la pensée du législateur n'ait pas été exprimée plus clairement. La commission du sénat proposait de rédiger ainsi l'alinéa final de l'art. 248 « Toutes les dispositions qui précèdent sont applicables à la séparation de corps ». C'était aussi net que possible. Alors pourquoi n'a-t-on pas donné suite à la proposition de la commission? Ecoutons le rapporteur : « Il a semblé à la commission qu'en vous faisant connaître cette interprétation [l'interprétation consistant à déclarer l'art. 248 tout entier applicable à la séparation de corps] pour laquelle elle s'était mise d'accord avec le commissaire du gouvernement, elle créerait un élément suffisant pour bien dégager la pensée du législateur... Ainsi le texte complet de l'art. 248 est, dans la pensée des rédacteurs de la chambre des députés et du sénat, applicable en matière de divorce et de séparation de corps ». Il est regrettable qu'on soit obligé d'aller chercher le sens d'un texte dans les explications données par le rapporteur de la loi, quand il était si simple de s'exprimer clairement.

314. Enfin, aux termes de l'art. 880 C. pr. : « Extrait du » jugement qui prononcera la séparation sera inséré aux >> tableaux exposés tant dans l'auditoire des tribunaux que

() Trib. Pontoise, 8 mai 1895, La Loi, 29 mai 1895.

» dans les chambres d'avoués et notaires, ainsi qu'il est dit » art. 872 ». Cpr. C. co., art. 66.

Le jugement de séparation de corps n'est pas soumis à la formalité de la transcription sur les registres de l'état civil. Il eut été préférable d'assimiler sur ce point la séparation au divorce.

V. Effets de la séparation de corps.

315. Le code civil était à peu près muet sur les effets de la séparation de corps. Il se bornait à dire que « La sépa»ration de corps emportera toujours séparation de biens » (ancien art. 311). Les lois de 1884 et de 1886 laissèrent les choses en l'état. La loi du 6 février 1893, intitulée Loi portant modification au régime de la séparation de corps, est

venue combler dans une certaine mesure ces lacunes. Sur un point elle consacre la solution admise par la jurisprudence, en disposant que « La femme séparée de corps cesse » d'avoir pour domicile légal le domicile de son mari »> (art. 1, nouvel art. 108, al. 2) ('). En outre, elle règle l'influence de la séparation de corps sur le nom des époux (art. 3, nouvel art. 311 al. 2). Ces diverses dispositions produisent un effet rétroactif. En effet l'art. 5 de la loi porte : « La présente loi s'applique aux séparations de corps pro»> noncées ou demandées avant sa promulgation ». Ce n'est pas une exception au principe de l'art. 2. Car, ainsi que nous l'avons expliqué, en commentant ce texte, les lois relatives à la capacité des personnes saisissent les individus aussitôt qu'elles deviennent obligatoires.

Il reste encore bien des lacunes. Comme sous l'empire de la législation antérieure, il faudra les combler par des emprunts faits à la législation du divorce, d'après la méthode indiquée au n. 297.

Les effets de la séparation de corps concernent la personne des époux, leurs enfants et leurs biens; en outre elle entraîne certaines déchéances. Nous allons parcourir ce programme.

On sait que d'après le nouvel art. 108, § 3, « toute signification faite à la femme séparée, en matière de question d'état, devra également être adressée au mari, à peine de nullité ».

A. Effets de la séparation de corps en ce qui concerne la personne des époux.

316. Ces effets, à défaut de textes, sont suffisamment indiqués par l'expression séparation de corps. Le mariage est l'union de deux âmes et des corps qu'elles animent. Quand l'action en séparation de corps est tentée, l'union des âmes n'existe plus, et les époux viennent demander à la justice l'autorisation de faire cesser l'union des corps. Tels sont en effet le but et le résultat de notre institution: rompre le lien des corps (divortium a toro et mensa), faire cesser la vie commune devenue insupportable, et par conséquent délivrer les époux des obligations respectives que leur impose l'art. 214 obligation pour la femme d'habiter avec son mari, obligation pour celui-ci de recevoir sa femme. D'où le droit pour la femme d'avoir une résidence et même un domicile distincts de celui du mari.

Mais c'est tout! Le lien du mariage n'est pas brisé.

Le devoir de fidélité continue donc de subsister. Et toutefois, s'il conserve sa sanction pénale à l'égard de la femme, il la perd à l'égard du mari; car, d'après nos lois, l'adultère du mari n'est punissable qu'autant qu'il a tenu sa concubine dans la maison conjugale, condition d'une réalisation désormais impossible, puisqu'il n'y a plus de maison conjugale.

Le devoir de secours survit aussi à la séparation de corps; l'un des époux pourra donc être condamné à payer une pension alimentaire à l'autre, si celui-ci se trouve sans ressources; la jurisprudence, qui est constante sur ce point, applique d'ailleurs pour la détermination du chiffre de la pension les règles tracées par les art. 208 et 212, en proportionnant les aliments à la fortune de celui qui les doit, non moins qu'aux besoins de celui qui les réclame ('), sans que la contribution de l'époux débiteur soit limitée au tiers de ses revenus (2).

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(1) Cass., 2 avril 1901, D., 01. 1. 264; 27 janv. 1890, S., 90. 1. 216, D., 90. 1. 447. - Toulouse, 30 déc. 1891, La Loi, 23 juin 1892. Pour assurer le service de la pension, à défaut d'immeubles situés en France et soumis à l'hypothèque légale, on peut décider qu'une hypothèque sera constituée sur les immeubles du mari situés à l'étranger. Cass., 3 janv. 1900, S., 1900. 1. 401.

(2) Amiens, 9 mai 1888, Journ. Amiens, 1888, n. 133.

Le droit aux aliments existe même au profit de l'époux contre lequel la séparation a été prononcée, puisqu'il dérive d'une obligation inhérente au mariage (').

L'art. 241 (civ.) n'est pas applicable à la femme qui, après la séparation de corps prononcée, aurait obtenu une pension; la femme séparée a désormais toute liberté de changer son domicile ou sa résidence.

La pension accordée à l'épouse séparée par application de l'art. 212 s'éteint au décès de l'époux débiteur et ne passe pas à ses héritiers (2).

On sait que les tribunaux peuvent, même en cas de séparation de corps, donner pour fondement à la pension alimentaire l'art. 301 C. civ. et qu'il est intéressant, dans le silence de la décision judiciaire, de savoir si le juge a voulu faire application de l'art. 301 ou de l'art. 212 (*).

Quant au devoir d'assistance, il y a quelque doute; mais comme en définitive l'assistance, qui consiste dans des soins personnels, semble impliquer la cohabitation des époux, il faut admettre que ce devoir cesse après la séparation de

corps.

317. La séparation de corps exerce-t-elle quelque influence sur le nom des époux? On lit à ce sujet dans le nouvel art. 311 al. 1 (loi du 6 février 1893) : « Le jugement qui prononce » la séparation de corps ou un jugement postérieur peut inter» dire à la femme de porter le nom de son mari, ou l'autori» ser à ne pas le porter. Dans le cas où le mari aurait joint à

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Aix, 18 janv. 1841, P., 42. 1. 705.

- Trib.

() Toulouse, 30 déc. 1895, précité. · Seine, 19 mars 1892, Le Droit, 17 avril 1892. (2) Paris, 4 mai 1888, La Loi, 10 juin 1888. 3. V. supra, n. 293. Cfr. Planiol, op. cit., III, n. 732: cet auteur soutient que l'art. 301 ne peut s'appliquer en cas de séparation; l'époux qui obtient la séparation ne subit pas de préjudice, puisque le devoir de secours continue à subsister entre les époux. L'objection n'est pas, semble-t-il, décisive; les actes illicites commis par l'époux coupable ne sont-ils pas suffisants pour servir de fondement à une demande d'indemnité ? L'époux innocent ne pourrait-il pas, sans invoquer l'art. 212, se baser uniquement sur l'art. 1382, ou, ce qui revient au même, sur l'art. 301, qui n'est en réalité qu'une application de l'art. 1382? L'avantage pour l'époux innocent est évident : il conserve sa pension même après le décès de l'époux coupable; la pension est maintenue sans difficulté lors de la conversion en divorce du jugement de séparation. On ne sait pas pour quel motif on enlèverait à l'époux innocent le droit d'invoquer un texte pour lui plus favorable que l'art. 212.

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