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» son nom le nom de sa femme, celle-ci pourra également » demander qu'il soit interdit à son mari de le porter ». Trois cas sont prévus :

1o Le mari peut demander qu'il soit interdit à la femme de continuer à porter son nom. Le juge statue sur cette demande cognita causa: il interdira à la femme de continuer à porter le nom de son mari, si elle le déshonore par sa conduite. Et comme les faits qui compromettent l'honneur du mari peuvent survenir postérieurement à la séparation de corps, la loi dit que la demande du mari peut être formée même après la séparation de corps prononcée.

2° La femme peut demander l'autorisation de ne pas porter le nom de son mari. Ce nom peut en effet être déshonoré par le mari lui-même. Remarquons en passant que notre disposition paraît consacrer législativement l'usage, universellement suivi dans notre pays, en vertu duquel la femme porte le nom de son mari, puisqu'un jugement est nécessaire pour autoriser la femme à ne pas porter ce nom, quand elle est séparée de corps (').

3o Si le mari a ajouté à son nom celui de sa femme, comme cela est d'usage dans certaines parties de la France, la femme peut demander qu'il soit interdit à son mari de continuer à porter son nom. Le juge doit nécessairement faire droit à la demande de la femme; car ce n'est qu'en vertu d'une tolérance et non en vertu d'un droit que le mari est ainsi autorisé à porter le nom de sa femme. C'est du moins ce qui résulte des explications fournies par le rapporteur de la loi lors de la discussion au sénat (2). Ce qui n'apparaît pas bien clairement, malgré les explications du rapporteur, c'est l'utilité de la disposition. Si le mari n'a pas le droit de porter le nom de sa femme, s'il n'y a là qu'une simple tolérance, alors pourquoi faut-il un jugement pour lui défendre de le porter? Une simple sommation devrait suffire.

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(1) Cpr. Trib. Seine, 13 juil. 1893, La Loi, 1, 2, 3 oct. 1893. Les juges du fait sont souverains dans leurs décisions sur ce point. Cass., 3 janv. 1900, S., 1900. 1. 401.

(2) Journ. offic. du 21 janv. 1887, Déb. parl., p. 37, et Journ. offic. du 25, Déb. parl., p. 51.

La sanction des interdictions que le tribunal pourra prononcer en conformité du nouvel art. 311 al. 1 sera une sanc

tion pécuniaire.

Rappelons que, depuis la loi du 6 février 1893, la femme séparée de corps reprend l'exercice de sa capacité civile (infra, n. 321).

B. Effets de la séparation quant aux enfants.

318. On est à peu près d'accord en doctrine et en jurisprudence, pour décider qu'il y a lieu d'appliquer, en matière de séparation de corps, la disposition finale de l'art. 302, qui permet au tribunal, sur la demande de la famille ou du ministère public, de régler le sort des enfants dans le sens le plus conforme à leur intérêt, en les confiant soit à l'autre époux, soit même à une tierce personne. On applique aussi sans difficulté l'art. 303 qui permet à l'époux auquel la garde des enfants n'a pas été confiée, ou aux époux, si les enfants ont été confiés aux soins d'une tierce personne, de surveiller l'entretien et l'éducation desdits enfants, et les oblige d'y contribuer proportionnellement à leurs facultés (').

Mais supposons que l'intérêt des enfants soit hors de cause, ou bien que le ministère public et la famille n'aient pas requis le tribunal de statuer dans tel sens sur le sort des enfants. Le tribunal sera-t-il lié, dans cette hypothèse, par la disposisition de l'art. 302, 1partie? devra-t-il nécessairement confier les enfants à l'époux qui a obtenu la séparation de corps, par conséquent à la femme, si elle est demanderesse et qu'elle ait triomphé? C'est notre sentiment. Il est vrai que le père va subir ainsi une atteinte très grave dans son droit de puissance paternelle. Aux termes de l'art. 373, l'exercice de cette puissance n'appartient qu'à lui seul pendant toute la durée du mariage, et nous arrivons à le lui retirer en appliquant un texte écrit en vue du divorce, étendant ainsi à un cas autre que celui pour lequel elle a été édictée une disposition. exceptionnelle. Mais, nous l'avons déjà dit, il faut absolument faire des emprunts au divorce pour compléter la législation

(Cass., 16 juil. 1884, S., 90. 1. 317, D., 89. 1. 456.

relative à la séparation de corps; tout le monde en sent la nécessité, et telle paraît d'ailleurs avoir été la volonté soit du législateur de 1803, soit de celui de 1816, de 1884 et de 1886. Toute la question est de savoir à quelle limite il faut s'arrêter dans les emprunts. D'ailleurs ceux qui ne veulent appliquer que la 2o partie de l'art. 302, n'échappent pas eux-mêmes au reproche qu'ils adressent à leurs adversaires. En effet, dans sa seconde partie comme dans la première, l'art. 302 déroge aux règles sur la puissance paternelle, à l'art. 373 qui en accorde l'exercice exclusif au père durant le mariage. Il y déroge pour le plus grand intérêt des enfants, c'est vrai, mais enfin il y déroge; et cependant on étend cette disposition à la séparation de corps! Alors pourquoi pas la première aussi? La jurisprudence de la cour de cassation est dans notre sens (').

Du reste l'atteinte à la puissance paternelle ne serait pas aussi grave qu'on pourrait le supposer. En effet, l'art. 386, qui édicte la déchéance de la jouissance légale contre le père ou la mère aux torts desquels le divorce aurait été prononcé, comporte une interprétation restrictive et ne doit pas être étendu à la séparation (2). Si le père contre lequel la séparation a été prononcée conserve la jouissance légale sur les biens de ses enfants mineurs, on doit aussi maintenir à son profit l'administration légale (3). Cette différence entre le divorce et la séparation, qui trouve un appui dans le texte de l'art. 386 est, au point de vue rationnel, assez difficile à justifier.

D'ailleurs les décisions que les tribunaux rendent en ce qui concerne le sort des enfants ne sont pas nécessairement définitives. Les ayant droit peuvent en demander la modification lorsque de nouveaux faits surviennent. Il faut toujours s'adresser au tribunal qui a rendu la décision à modifier (*).

-

(1) Cass., 6 août 1883, D., 85. 1. 206; 24 juil. 1878, S., 79. 1. 424, D., 85. 1. 206. Douai, 16 janv. 1899, Rec. Douai, 99. 111.

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La loi du 5 décembre 1901, qui édicte une sanction pénale, contre ceux qui cherchent à entraver les décisions de justice sur la garde des enfants, est applicable en matière de séparation de corps (').

319. Les décisions de la justice, relatives à la garde des enfants, ne sauraient survivre à la dissolution du mariage par la mort de l'un des époux; car ces décisions ont pour but de régler le conflit qui peut s'élever entre les deux époux sur cet objet. L'époux survivant aura donc sur ses enfants les droits résultant de la puissance paternelle et de la tutelle, alors même que la garde des enfants aurait été confiée par la justice à l'époux prédécédé ou même à un étranger, et sauf à provoquer s'il y a lieu contre l'époux survivant la déchéance de la puissance paternelle ou la destitution de la tutelle (2). Mais les décisions de la justice relatives à la garde des enfants survivraient à la conversion du jugement de séparation de corps en jugement de divorce. En effet, par la conversion, le jugement de séparation de corps devient jugement de divorce (infra, n. 350). Il faut donc appliquer toutes les dispositions du jugement de séparation de corps qui ne sont pas incompatibles avec la nouvelle situation créée aux époux par le divorce. De ce nombre sont les décisions relatives à la garde des enfants (3).

C. Effets de la séparation de corps en ce qui concerne les biens des époux.

320. « La séparation de corps emporte toujours séparation » de biens», dit le nouvel art. 311 al. 2. Cet effet se produit de plein droit, ipso jure, comme conséquence nécessaire de la séparation de corps. Deux époux peuvent être séparés de biens sans être séparés de corps; mais ils ne peuvent pas, en sens inverse, être séparés de corps sans être séparés de biens. En effet, la société de biens, qui peut exister entre deux époux en vertu de leurs conventions matrimoniales, est une consé

() V. supra, n. 270.

(*) Cass., 13 août 1884, S., 85. 1. 80. - Poitiers, 21 juil. 1890, D., 91. 2. 73 et la note de M. de Loynes.

(Cpr. la note précitée de M. de Loynes.

quence de la société des personnes; cette dernière cessant par la séparation de corps, l'autre doit cesser aussi.

Par suite de la séparation de biens que produit virtuellement la séparation de corps, la femme est remise à la tête de son patrimoine, lorsque l'administration en appartenait au mari, comme il arrive sous la plupart des régimes nuptiaux. La femme aura donc désormais le droit d'administrer ses biens et par suite de toucher ses revenus.

Ce résultat se produit même lorsque la séparation de corps a été prononcée au profit du mari: ce qui est injuste, car dans ce cas la séparation de corps pourra avoir pour résultat d'infliger une perte pécuniaire à l'époux innocent et de pro.curer un bénéfice au coupable, qui est la femme. On s'explique ainsi que la séparation de corps soit rarement demandée par les maris (supra, n. 303).

La séparation de biens résultant accessoirement de la séparation de corps remonte quant à ses effets entre les époux au jour de la demande. Arg. art. 252 al. fin. ('),

:

321. Sous l'empire du code civil, la capacité de la femme séparée de corps et de biens était la même que celle de la femme séparée de biens seulement. La femme séparée de corps pouvait donc faire sans autorisation tous les actes concernant l'administration de son patrimoine (art. 1449); pour les autres actes juridiques, elle demeurait soumise au droit commun, c'est-à-dire à la nécessité de l'autorisation dont elle avait besoin la femme était alors obligée de recourir à la justice, ce qui entraînait des retards souvent très préjudiciables et dans tous les cas de grands frais la moindre autorisation judiciaire coûte une centaine de francs. Chose plus grave! Il se trouvait des maris pour lesquels l'autorisation devenait un instrument de spéculation: ils se faisaient payer leur autorisation. La femme avait souvent intérêt, soit au point de vue de la célérité, soit même au point de vue de l'économie, à en passer par les exigences de son mari.

Le législateur de 1893 a fait cesser cet état de choses, en

(1) V. Traité du contrat de mariage, Baudry-Lacantinerie, Le Courtois et Surville, II, n. 979.

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