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certain temps, si les époux ne se sont pas réconciliés et que tout espoir de réconciliation paraisse perdu, la séparation doit pouvoir être convertie en divorce.

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L'art. 310 dit à ce sujet : « Lorsque la séparation de corps » aura duré trois ans, le jugement pourra être converti en jugement de divorce sur la demande formée par l'un des >>> ероих. - Cette nouvelle demande sera introduite par assignation, à huit jours francs, en vertu d'une ordonnance >> rendue par le président. Elle sera débattue en chambre

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» du conseil. L'ordonnance nommera un juge rapporteur, » ordonnera la communication au ministère public et fixera » le jour de la comparution. - Le jugement sera rendu en » audience publique. - Sont abrogés les art. 223, 275 à 294, 297, 305, 308 et 309 du code civil ».

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A ce texte sorti des mains du législateur de 1884, le législateur de 1886 a ajouté un alinéa ainsi conçu : « La cause en appel sera débattue et jugée en chambre du conseil, sur » rapport, le ministère public entendu. L'arrêt sera rendu en audience publique

329. Une séparation de corps a été prononcée; elle a duré trois ans, sans qu'il y ait eu réconciliation entre les époux. L'article dont nous venons de reproduire le texte autorise l'un des époux, celui contre lequel la séparation a été prononcée aussi bien que celui qui l'a obtenue, à demander la conversion du jugement de séparation de corps en jugement de divorce. Le point de départ du délai d'épreuve de trois années ne doit pas être fixé au jour de la prononciation du jugement, mais bien au moment où cette décision devient définitive (1); cette solution, conforme aux principes généraux sur l'effet des jugements, trouve un appui très sérieux dans l'art. 4 de la loi du 27 juillet 1884 et dans l'art. 6 de la loi du 18 avril 1886, qui n'a fait qu'en reproduire les termes; ces textes, contenant des dispositions transitoires relatives aux séparations antérieurement prononcées, renvoient à l'art. 310

Douai, 22 avril 1891,

(Cass., 28 nov. 1887, S., 90. 1. 113, D., 89. 1. 433. S., 91. 2. 245, D., 91. 2. 278; Carpentier, op. cit., n. 4259; Coulon, III, p. 501. Contra Bourges, 3 nov. 1890, S., 91. 2. 245, D., 91. 2. 277.

et exigent en même temps l'expiration d'un délai de trois ans, à compter du jugement devenu définitif (').

En conséquence, si l'on suppose un jugement rendu par défaut, le délai courra du jour où il ne sera plus susceptible ni d'opposition, ni d'appel (2); si le jugement est contradictoire, le délai court après l'expiration des délais d'appel. Si un acquiescement intervient, lorsque l'opposition ou l'appel sont encore recevables, le délai de trois ans commence à courir du jour de l'acquiescement. Si l'on est en présence d'un arrêt rendu par défaut, le délai court (3) à compter du moment où l'opposition n'est plus recevable; si l'arrêt est contradictoire, depuis la loi du 6 février 1893, il faut que le pourvoi en cassation ne soit plus possible pour que le délai de trois ans commence à courir (*).

Les trois années doivent être révolues au moment de la demande; il ne suffirait pas qu'elles le fussent au moment où le tribunal statue (5). D'ailleurs, le délai de trois ans n'est susceptible ni d'interruption, ni de suspension.

330. Point n'est besoin, pour le jugement d'une semblable cause, d'obliger les plaideurs à subir les complications et les lenteurs de la procédure du divorce. Aussi l'art. 310 établit-il une procédure simplifiée, qui réclame quelques observations.

La capacité requise pour former la demande en conversion est la même que celle exigée pour la demande en divorce (*).

(') Art. 6 de la loi de 1886 : «..... Peuvent être convertis en jugement de divorce, comme il est dit en l'art. 310 du code civil, tous jugements de séparation de corps antérieurs à la promulgation de la présente loi, devenus définitifs depuis trois

ans ».

(2) Paris, 12 août 1885, S., 87. 2. 135, D., 86. 2. 207. Il conviendra de tenir compte des difficultés que soulève l'art. 156 (Pr. civ.) dans l'hypothèse d'un jugement par défaut contre partie.

(*) Caen, 28 déc. 1891, S., 92. 1. 120, D., 92. 1. 114.

(*) Depuis cette loi, en effet, le pourvoi est suspensif; Carpentier, op. cit., n. 4272.

(5) Cass., 28 nov. 1887, précité. La demande doit être considérée, à ce point de vue, comme formée le jour où le demandeur présente la requête. - Douai, 22 avril 1891, précité.

(6) V. supra, n. 95 et s.

-

Paris, 31 janv. 1888, Le Droit, 10 fév. 1888. Trib. Seine, 1er et 6 janv. 1888, Le Droit, 7 janv. 1888. Cpr. un arrêt de la Cour de Paris sur le rôle du Conseil judiciaire, lorsque le prodigue ou le faible d'esprit

L'action peut, du reste, être introduite, ainsi qu'il a été dit, par l'un quelconque des deux époux.

331. Le tribunal compétent est celui du domicile de l'époux contre lequel la demande est formée (art. 59 § 1, pr. civ.) sans distinction entre le mari et la femme ('). Il se pourra donc que ce soit un tribunal autre que celui qui a prononcé la séparation de corps (2).

332. La procédure débute par la présentation d'une requête au président du tribunal, pour obtenir l'autorisation d'assigner; la requête ne doit pas nécessairement être présentée par le demandeur en personne, la disposition de l'art. 234 n'ayant pas été reproduite par l'art. 310 (3). Il n'est pas nécessaire que la requête contienne une articulation de faits; il suffit qu'elle fasse mention du jugement de séparation de corps (*).

333. Le président, en réponse à la requête, autorise l'assignation et, en même temps, nomme un juge rapporteur, ordonne la communication au ministère public et fixe le jour de la comparution (").

334. L'assignation obéit à toutes les règles des ajournements ordinaires et la procédure se poursuit par le ministère des avoués, aussi bien pour le demandeur que pour le défendeur (6).

veulent engager l'instance en conversion. - Paris, 25 mars 1890, S., 90. 2. 107, D., 90. 2. 257.

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Depuis la loi de 1893, la femme a, en effet, un domicile distinct. Par exception, on assignerait devant le tribunal du demandeur si le défendeur avait transporté son domicile à l'étranger ou si le défendeur était sans domicile ni résidence connus.

On avait proposé, dans la rédaction des lois de 1884 et de 1886, de donner compétence au tribunal qui avait prononcé la séparation; la proposition a été repoussée; aussi, est-il difficile de comprendre que cette solution ait pu être consacrée par quelques décisions. - Trib. Seine, 20 mai 1885, Le Droit, 7 juin 1885. — Trib. Blois, 20 août 1884, Gaz. Trib., 7 sept. 1884.

Cass., 12 déc. 1887, Gaz. Trib., 13 déc. 1887. 2. 17, D., 85. 2. 17.

1886, p. 223.

Carpentier, op. cit., n.

4281.

Nancy, 13 déc. 1884, S., 85.

Cf. Massigli, Rev. crit.,

(Trib. Versailles, 17 août 1884, Le Droit, 30 août 1884.

C'est là, on peut dire, l'objet le plus utile de l'ordonnance, puisque l'autorisation d'assigner ne saurait être refusée et que, d'autre part, le président n'a aucun rôle conciliateur.

(*) Carpentier, op. cit., n. 4290, Trib. Seine, 5 mai 1885, Gaz. Pal., 85. 1. 511.

335. La publicité de l'audience paraissant avoir ici plus d'inconvénients que d'avantages, la loi décide que l'affaire sera débattue et jugée en la chambre du conseil, statuant comme juridiction contentieuse, après audition des avoués et des avocats dans leurs conclusions et plaidoiries, le tribunal devant nécessairement être assisté du greffier ('). Le ministère public doit être entendu et, en outre, la demande ne peut être régulièrement jugée que sur rapport (2). Le jugement seul doit être rendu en audience publique.

336. Les juges, pour apprécier la demande en conversion, peuvent recourir à des apurements, tels qu'une enquête, lorsque, par exemple, il s'agira de rechercher s'il y a eu ou non réconciliation, ou d'établir l'existence de faits postérieurs à la séparation et intéressants à connaître pour apprécier le mérite de la demande (3).

A défaut d'un texte spécial, l'enquête doit être poursuivie dans la forme ordinaire (+).

337. Le jugement peut être contradictoire ou par défaut; dans cette dernière hypothèse, l'opposition est soumise aux règles qui gouvernent les jugements par défaut en matière de divorce (art. 247 civ.); les motifs qui ont fait édicter ces règles s'appliquent à toute décision qui prononce le divorce, qu'il s'agisse d'une instance en conversion ou d'une demande principale (3).

338. Les demandes en conversion sont toujours susceptibles d'appel; depuis la loi du 18 avril 1886, il n'existe plus aucun doute sur la procédure à suivre devant la cour; elle est la même qu'en première instance; les débats ont lieu en chambre du conseil, en audience ordinaire et non solennelle,

(1) Paris, 11 fév. 1886, S., 86. 2. 180. La signature du greffier avec mention expresse de son assistance donne une preuve suffisante de sa présence à l'audience de la chambre du conseil. Cass., 3 mai 1886, S., 86. 1. 408, D., 86. 1. 352. (2) Cass., 17 août 1889, S., 90. 1. 70, D., 90. 1. 278.

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(3) Paris, 17 janv. 1889, Le Droit, 7 fév. 1889, Gaz. Trib., 8 mars 1889. — Dijon,

25 juin 1885, Gaz. Pal., 85. 2. 285.

(*) Lyon, 21 mai 1886, Gaz. Pal., 28 août 1886.

Contra Paris, 17 janv. 1889, précité.

Carpentier, op. cit., n. 4306.

(5) Carpentier, op. cit., n. 4320. — Contra Depeiges, De la proc. du div. et de

la sépar. de corps, n. 130.

le ministère public entendu et sur rapport (1). La cour d'appel pourrait, comme en toute autre matière, user ici, le cas échéant, du droit d'évocation (2).

339. Le recours en cassation n'offre rien de spécial, si ce n'est que ce pourvoi produit, comme s'il s'agissait d'une instance principale en divorce, un effet suspensif.

340. Peut-on introduire, en matière de conversion, une demande reconventionnelle par voie de simples conclusions? Il n'y a aucune raison de ne pas appliquer ici la règle édictée par l'art. 239 (civ.) qui ne fait aucune distinction (3), à la condition qu'il s'agisse d'une demande reconventionnelle en conversion opposée à une demande en conversion et non d'une demande directe en divorce opposée à une demande en conversion ou inversement (*).

341. La demande en conversion peut, comme les autres demandes en divorce ou en séparation de corps, être repoussée par différentes fins de non-recevoir, telles que la réconciliation, la mort de l'un des époux (3), l'exception de la chose jugée (*).

342. Le jugement ou l'arrêt qui prononce le divorce par conversion doit être publié de la même manière qu'un jugement de divorce (arg. art. 250) et transcrit sur les registres de l'état civil (arg. art. 251).

343. Avant de préciser le rôle du juge dans l'instance en conversion il n'est pas inutile de rechercher quelles sont les diverses solutions possibles en cette matière, ce qui permettra mieux d'apprécier celle à laquelle le législateur s'est arrêté.

(La formalité du rapport est substantielle; son inobservation serait une cause de nullité. Cass., 17 août 1889, précité. Cpr. sur le point de savoir si la preuve de l'observation de cette formalité résulte suffisamment de l'arrêt, Cass., 21 avril 1896, Le Droit, 23 sept. 1896. Le rapport peut être fait par le président, Cass., 19 déc. 1900, D., 01. 1. 48.

Nancy, 5 déc. 1884, Gaz. Pal., 85. 1. 44.

Il n'y a, du reste, aucun motif pour établir une distinction, Trib. Seine, 8 mai 1889, Le Droit, 1er oct. 1889.

(*) La demande reconventionnelle pourrait se produire pour la première fois en appel. Arg. art. 248. Aix, 22 avril 1885, S., 86. 2. 179. () V. supra, n. 232. () V. infra, n. 359.

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