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2o Lorsque l'action en contestation de légitimité est exércée contre l'enfant, il n'est pas nécessaire, s'il est mineur, de lui faire donner un tuteur ad hoc.

3o Le jugement qui est rendu à la suite d'une action en désaveu jouit d'une autorité absolue. Rien au contraire ne nous permet de reconnaître une pareille autorité à la sentence qui intervient sur une action en contestation de légitimité ('). 4° Nous avons vu que les personnes auxquelles la loi donne la faculté de désavouer l'enfant peuvent renoncer à ce droit expressément ou même tacitement. Il n'en est pas de même en ce qui concerne l'action en contestation de légitimité. Les textes faisant défaut, il faut en revenir au principe général qui place l'état des personnes au-dessus des volontés particulières (2). D'ailleurs, les raisons pour lesquelles le législateur a dérogé à cette règle, en matière de désaveu, ne se retrouvent pas ici. Dans les différents cas où il y a lieù au désaveu, l'enfant est déjà entré dans la famille légitime par l'autorité de la loi; la renonciation au désaveu n'a pour but et pour résultat que de l'y maintenir, de ratifier par conséquent le bénéfice que le législateur lui a conféré. Au contraire, l'action en contestation de légitimité tend à interdire l'entrée de la famille à un enfant qui veut s'y introduire, car elle s'applique à un enfant qui ne peut pas invoquer la présomption pater is est... La renonciation à cette action aurait

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n. 91; Ducaurroy, Bonnier et Roustain, I, n. 440; Demolombe, V, n. 88; Héan, p. 90; Aubry et Rau, VI, § 545 bis, note 49; Laurent, III, n. 461; Huc, III, n. 18. Contra Allemand, op. cit., n. 730 et 753. Agen, 28 mai 1821, J. G., Paternité, n. 153, S., 22. 2. 318. Cass., 19 nov. 1822, J. G., ibid. (') Duranton, III, n. 101, 102, justifie cette solution en disant qu'en celle matière il n'existe pas de légitime contradicteur. On invoque généralement la règle de l'art. 1351. Demolombe, V, n. 184; Aubry et Rau, VI, § 545 bis, texte el note 52; Laurent, III, n. 463. Angers, 11 avril 1821, J. G., v° cit., n. 153, S., 22. 2. 177. - Cass., 28 juin 1824, J. G., vi Chose jugée, n. 276. Cpr. Héan, p. 80. (3) Toullier, I, n. 835; Laurent, III, n. 462. Bourges, 15 mars 1809, J. G., vo cit., n. 461. Orléans, 6 mars 1841, J. G., vo cit., p. 387. - Contra: Angers, 11 avril 1821, J. G., vo cit., n. 153, S., 22. 2. 177. G., vo cit., n. 334. - Limoges, 5 janv. 1842, S., 42. 2. 484. - Cass., 28 nov. 1849, D., 50. 1. 113 et la note, S., 50. 1. 81 et la note. Douai, 19 janv. 1858, D., 58. 2.138. Allemand, op. cit., n. 752, 753; Héan, p. 75; Aubry et Rau, VI, § 545, p. 39 et § 545 bis, p. 62 (Cpr. cependant § 545 bis, p. 63); Arntz, I, n. 529. — Cpr. Duranton, III, n. 75 el 102,

Montpellier, 4 fév. 1824, J.

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donc pour conséquence, si elle était possible, de modifier la composition de la famille légitime, de donner à l'enfant un père qui n'est pas le sien d'après la présomption légale. On ne peut donc renoncer au droit de contester la légitimité de l'enfant, mais, bien entendu, il est toujours permis de faire une convention ayant pour objet les droits pécuniaires attachés à l'état, et, par suite, l'action en contestation de légitimité pourra être éteinte elle-même par voie de conséquence, si la convention ou renonciation dont il s'agit a fait disparaitre l'intérêt pécuniaire auquel elle se rattache (').

SECTION II

DE L'ACTION EN RÉCLAMATIOn d'état et de l'action en CONTESTATION D'ÉTAT

§ I. De l'action en réclamation d'état.

575. On donne le nom d'action en réclamation d'état à l'action par laquelle un enfant légitime, qui n'est pas en possession de son état, c'est-à-dire de sa qualité d'enfant légitime, réclame cet état. Cette action est soumise à des règles toutes spéciales aux points de vue de la compétence, des délais dans lesquels elle doit être intentée, et des personnes auxquelles elle appartient. Aussi est-il important de déterminer le domaine de notre action, c'est-à-dire de préciser les cas dans lesquels l'action exercée par l'enfant est une action en réclamation d'état.

No 1. Caractère et domaine de l'action en réclamation d'état.

576. Nous avons vu que l'enfant doit prouver, en cas de contestation, l'existence des éléments dont la réunion constitue son état d'enfant légitime. Il joue donc nécessairement le rôle de demandeur dans l'action en réclamation d'état. L'enfant est demandeur, alors même qu'il ne ferait que répondre à une action dirigée contre lui. Il est demandeur,

(1) Cass., 13 avril 1820, J. G., vo cit., n. 183, S., 21. 1. 8. · Orléans, 6 mars 1841, supra. Cass., 29 mars 1852, S., 52. 1. 385, D., 54. 1. 32.

par cela seul qu'il réclame son état contre des adversaires qui le lui contestent. Reus in excipiendo fit actor (').

577. Pour que la prétention de l'enfant présente les caractères d'une réclamation d'état, il faut qu'il ne soit pas en possession de son état. On réclame ce qu'on ne possède pas, mais non pas ce que l'on possède. Lorsque l'enfant possède son état, il peut sans doute y avoir une contestation relative à cet état, mais la prétention qu'il peut élever n'est pas une réclamation d'état, et il n'y a pas lieu d'appliquer les règles qui gouvernent celle-ci. Or l'enfant peut posséder son état en droit ou en fait.

I. L'enfant possède son état en droit, s'il a un acte de naissance régulier inscrit sur les registres de l'état civil, qui constate sa filiation maternelle. Dans ce cas, la seule question qui puisse se poser est relative à son identité; les adversaires de l'enfant peuvent nier que le titre invoqué par lui lui appartienne; l'enfant devra alors prouver que ce titre est le sien. Il fera d'ailleurs cette preuve par tout mode quelconque, et sa prétention ne constituera pas une action en réclamation d'état. L'action exercée par lui tendra bien à réclamer les avantages attachés à la qualité d'enfant légitime, mais on ne peut pas dire qu'il réclame son état, puisque cet état est prouvé par un titre.

Cette manière de voir est cependant contestée. On a dit qu'il fallait voir une réclamation d'état dans la demande de l'enfant (*). Mais en dehors de toute autre considération, les conséquences d'une pareille doctrine suffiraient à en démontrer l'inexactitude. L'action en réclamation d'état, nous le verrons, ne peut être exercée par les héritiers de l'enfant, lorsque celui-ci est mort après l'âge de vingt-six ans sans l'avoir intentée. Si l'opinion que nous combattons devait être admise, il faudrait décider que les héritiers de l'enfant, mort sans avoir agi après l'âge de vingt-six ans, ne pourraient même pas prouver par le titre la filiation de celui-ci, pour peu que l'identité fût contestée. Il suffirait donc à leurs

1) Laurent, III, n. 478.

(3) Aubry et Rau, VI, § 543, texte et nole 10. Cpr. supra, n. 458.

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adversaires de nier l'identité pour réduire à néant l'acte de naissance. A quoi servirait celui-ci (')?

Si l'enfant a un titre, mais que celui-ci contienne des irrégularités, l'action par laquelle cet enfant en demande la rectification est-elle une réclamation d'état? Il faut distinguer. Il y a une réclamation d'état de la part de l'enfant si les irrégularités sont telles qu'elles rendent la maternité incertaine. Il en est autrement dans le cas contraire. Le titre, tout irrégulier qu'il soit, n'en prouve pas moins la filiation de l'enfant. L'enfant possède en droit son état. Il ne peut être pour lui question de le réclamer (2). La distinction que nous venons de faire paraît cependant repoussée par la jurisprudence, qui qualifie de réclamation d'état l'action intentée par l'enfant. La jurisprudence est d'ailleurs assez incertaine sur le point de savoir dans quelle mesure les règles de la réclamation d'état sont applicables à une pareille action. S'il a été jugé que l'action est irrecevable après l'expiration des délais fixés par l'art. 329, et que l'enfant ne peut pas se servir, en cette matière, de la procédure spéciale aux demandes en rectification des actes de l'état civil, il a été décidé en sens contraire que les dispositions des art. 323 et 323 C. c. ne doivent pas recevoir leur application (3).

II. Il n'y a pas lieu non plus à la réclamation d'état, si l'enfant possède en fait son état, c'est-à-dire si, à défaut de titre, il a la possession d'état. L'enfant possède l'état qu'on lui conteste; il n'a donc pas à le réclamer (*).

Nous supposons, bien entendu, que cette possession d'état

(1) Cpr. Duranton, III, n. 152; Allemand, II, n. 820; Demolombe, V, n. 237; Laurent, III, n. 481. – Caen, 8 mars 1866, J. G., Suppl., vo Paternité, n. 108, S., 66. 2. 348.

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(*) Allemand, loc. cit.; Toullier, II, n. 912; Aubry et Rau, VI, § 543. nole 9; Demolombe, V, n. 236 et 238; Laurent, III, n. 480. - Cass., 31 déc. 1834, J. G., vo cit., n. 145, S., 35. 1. 545. Paris, 11 janvier 1864, S., 64. 2. 5. — Cass., 23 juin 1869, D., 71. 1. 327, S., 69. 1. 445.

(3) V. sur ces divers points, Paris, 10 déc. 1852 et Cass., 9 janv. 1854, D., 54. 1. 185, S., 54. 1. 689. - Cass., 30 déc. 1868, D., 69. 1. 185, S., 69. 1. 249, et la note. Cass., 1er fév. 1876, D., 76. 1. 323, S., 76. 1. 373. Trib. Cambrai, 30 avril 1903, D., 05. 2. 180.

(Laurent, III, n. 479. - Pau, 9 mai 1829, J. G., v° cit., n. 252, S.,

- Cass., 23 juin 1869, supra.

30.1.217.

n'est pas contredite par un titre, car autrement elle serait inopérante et l'enfant serait réduit à faire la preuve par témoins de sa filiation maternelle; il devrait intenter une action en réclamation d'état (').

La prétention de l'enfant ne constitue pas davantage une réclamation d'état, lorsqu'il s'agit seulement pour lui de démontrer sa légitimité, à savoir le mariage de sa mère et sa conception ou sa naissance en mariage.

578. L'action en réclamation d'état a, en résumé, pour but de prouver la filiation maternelle, les autres éléments de l'état d'enfant légitime étant supposés constants. Son domaine comprend tous les cas dans lesquels l'enfant doit recourir à la preuve testimoniale pour établir sa filiation maternelle. La prétention de l'enfant présente donc les caractères d'une réclamation d'état dans les hypothèses suivantes :

1° Quand l'enfant n'a ni titre ni possession d'état;

2o Quand son titre le désigne comme né de père et mère inconnus, peu importe qu'il ait ou non la possession de l'état qu'il réclame;

3° Quand son titre lui attribue un état autre que celui qu'il réclame et que d'ailleurs il n'a pas une possession conforme à ce titre;

4o Lorsque, n'ayant pas de titre, il possède un état autre que celui qu'il prétend avoir (2).

Mais, s'il a tout à la fois la possession de droit et la possession de fait, son état est irrévocablement fixé; il n'y a lieu ni à la contestation de cet état de la part de ses adversaires, ni à la réclamation d'un autre état de sa part (art. 322).

No 2. Par qui et contre qui l'action en réclamation d'état peut-elle être intentée ?

579. En ce qui concerne les personnes qui peuvent jouer au procès le rôle de défendeurs, nous ne trouvons dans la loi aucune indication. C'est donc le droit commun qui doit rece

Laurent, III, p. 478. Cass., 10 messidor an XII, J. G., vo cit., n. 365, S.. 4. 1. 366.

(*) Laurent, III, n. 464.

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