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a été accepté par l'adversaire (C. pr., art. 402). Quant à la discontinuation des poursuites pendant trois ans, elle a simplement pour effet d'entraîner la péremption de l'instance dans les termes du droit commun. Par suite, les héritiers ne sont, pour cette cause, déchus du droit de continuer l'instance, qu'autant que la péremption a été demandée et prononcée (C. pr., art. 399). Il est plus sûr en effet de considérer l'art. 330 comme consacrant les principes du droit commun en matière de procédure que d'y voir un texte exceptionnel. Cette règle d'interprétation est méconnue par les partisans du système adverse. Ils donnent à l'art. 330 le sens le plus rigoureux qu'il est susceptible de recevoir, alors que rien n'indique que telle ait été l'intention du législateur. Ils fondent la fin de non-recevoir édictée par la loi sur un désistement du droit exprès ou présumé. Pour le décider ainsi, il faudrait, nous semble-t-il, que le texte fût bien formel. Or il se prête au contraire fort bien à l'explication que nous en avons donnée ('). D'ailleurs, on peut faire remarquer que s'il était vrai que le désistement tacite résultant de la disconti nuation des poursuites pendant trois ans n'eût pas besoin d'être accepté pour produire l'extinction du droit de l'enfant. il faudrait, pour les mêmes motifs, en dire autant du désistement exprès; l'art. 330 n'exige pas en effet qu'il soit accepté par l'adversaire de l'enfant. Or, c'est là une opinion difficilement soutenable.

II. Lorsque l'enfant est décédé après sa vingt-sixième année, ses héritiers ne peuvent pas continuer l'instance, si leur auteur s'est désisté formellement ou s'il a laissé passer trois années sans poursuites à compter du dernier acte de la procédure. Mais en sera-t-il de même dans le cas où l'enfant serait décédé avant l'âge de vingt-six ans, et où l'un des deux événements visés par l'art. 330 se serait produit? La solution de cette question dépend du parti que l'on prend dans la controverse que nous venons d'exposer.

(') Duranton, III, n. 157; Marcadé, sur l'art. 330, n. 5; Demolombe, V, n. 292; Demante, II. n. 55 bis, I; Aubry et Rau, VI, § 544 bis, texte et note 8; Planiol, 1, n. 1409. D'après Zachariæ et Massé et Vergé, loc. cit., la péremption n'aurait lieu que conformément aux règles du C. pr. civ. (art. 399 et 400), mais elle éteindrait

le droit lui-même.

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a. Si l'on admet, comme nous l'avons proposé, que l'art. 330 n'a fait que consacrer les principes du droit commun relativement au désistement et à la péremption d'instance, il faut décider, sans hésitation, que les art. 329 et 330 doivent être combinés. Si donc l'enfant est mort avant d'avoir accompli sa vingt-sixième année, son désistement ou la péremption de l'instance n'empêchera pas ses héritiers d'exercer l'action en réclamation d'état; car c'est seulement l'instance qui disparaît par l'effet du désistement ou de la péremption et, par suite, la situation est la même après le désistement ou la péremption que si l'instance n'avait jamais été engagée. Nous revenons donc purement et simplement à l'hypothèse réglée par l'art. 329, et ce sont les dispositions de ce texte qui doivent recevoir leur application (').— Il est d'ailleurs bien entendu que, si l'enfant s'est formellement désisté de son droit, et non pas seulement de l'instance, ses héritiers ne peuvent exercer l'action en réclamation d'état. La renonciation faite par l'enfant était sans doute nulle à son égard, du moins en ce qui touche son état lui-même, envisagé indépendamment de ses conséquences pécuniaires. Mais elle est opposable aux héritiers de l'enfant, qui sont appelés seulement à recueillir les droits pécuniaires de celui-ci, et entre les mains desquels l'action en réclamation d'état a un caractère exclusivement pécuniaire. L'enfant a pu se désister valablement des droits pécuniaires attachés à son état; la renonciation qu'il a faite est donc valable quant à ses héritiers (2).

b. Si l'on assigne pour fondement à la fin de non-recevoir organisée par l'art. 330 une renonciation de la part de l'enfant au droit lui-même de réclamer son état, il faut décider que les héritiers de l'enfant ne peuvent pas exercer l'action en réclamation d'état, alors même que celui-ci serait mort avant l'âge de vingt-six ans. Les art. 329 et 330, disent les partisans de ce système, prévoient deux hypothèses entièrement distinctes et ne peuvent en aucun cas être combinés. Ou l'enfant n'a jamais réclamé son état; c'est alors la dispo

(') Duranton, loc. cit.; Marcadé, sur l'art. 330, n. 6; Demolombe, V, n. 291; Demante, II, n. 55 bis, II; Aubry et Rau, VI, § 544 bis, texte et note 9.

(*) Cpr. Laurent, III, n. 467.

sition de l'art. 329 qui est applicable. Ou l'enfant est décédé, à quelqu'âge que ce soit, après avoir engagé l'instance; il faut alors s'en tenir uniquement à l'art. 330, qui dispose, en termes généraux et sans distinction, que les héritiers ne pourront suivre l'action intentée par leur auteur, si celui-ci s'est désisté formellement ou a laissé passer trois années sans poursuites à compter du dernier acte de la procédure (').

587. Il va de soi que, dans l'opinion qui permet aux descendants de l'enfant d'exercer, de leur propre chef, l'action en réclamation d'état, pour faire valoir les droits que la loi leur a conférés personnellement, à raison de leur naissance, il ne saurait être question de leur appliquer les art. 329 et 330. Car c'est leur propre état qu'ils réclament et non pas celui de l'enfant. Peu importerait du reste qu'ils fussent ou non les héritiers de l'enfant, du moment qu'ils n'agissent pas en cette dernière qualité et qu'ils ne se prévalent pas de droits ayant appartenu à leur auteur (2).

588. Voilà dans quels cas les héritiers peuvent exercer l'action en réclamation d'état. Entre leurs mains, avons-nous dit, l'action change de caractère; fondée sur un intérêt exclusivement pécuniaire, elle ne peut être intentée qu'autant qu'ils ont des droits pécuniaires à réclamer. Il en résulte des conséquences inverses de celles que nous avons exposées en parlant de l'enfant. La renonciation faite par les héritiers à leurs droits pécuniaires fera disparaître l'intérêt qu'ils avaient à agir et entraînera par voie de conséquence l'extinction de l'action elle-même. Ils peuvent valablement transiger et compromettre. L'action n'étant pas exclusivement attachée à leur personne, dans le sens de l'art. 1166, leurs créanciers personnels peuvent l'exercer du chef de leurs débiteurs (3). Mais

(1) Dalloz, J. G., vo cit., n. 356, et Suppl., n. 161; Delvincourt, I, p. 90, note 13; Ducaurroy, Bonnier et Rouslain, I, n. 469; Allemand, II, n. 823; Zachariæ, el Massé et Vergé sur Zachariæ, 1, § 160, note 16; Laurent, III, n. 466; Arntz, I, n. 565 et 566; Vigié, I, n. 544.

(*) Marcadé, sur l'art. 330, n. 3. V. cependant les arrêts cités p. 521, note 1. Dans les diverses espèces auxquelles se réfèrent ces arrêts, les descendants de l'enfant agissaient comme représentants de celui-ci, par conséquent en vertu d'un droit propre. L'art. 329 leur fut néanmoins déclaré applicable.

(3) Duranton, III, n. 154; Demolombe, V, n. 300, 301 (cpr. cep. n. 306); Laurent, III, n. 469, 470; Vigié, I, n. 545.

ces solutions devraient être écartées, en tant qu'il s'agirait d'une action en réclamation d'état intentée par les descendants de l'enfant en leur nom personnel, si l'on admet qu'ils puissent l'exercer. A ces divers points de vue, il faudrait les traiter comme l'enfant lui-même (') (V. p. 519, note 6).

No 3. Du délai imparti par la loi pour l'exercice de l'action en réclamation d'état.

589. Ce délai varie suivant que l'action appartient à l'enfant ou à ses héritiers.

590. « L'action en réclamation d'état est imprescriptible à » l'égard de l'enfant », dit l'art. 328. L'état des personnes n'est pas chose dans le commerce; par conséquent il n'est pas susceptible de s'acquérir ou de se perdre par la prescription (art. 2226) (*).

Mais, si l'action en réclamation d'état est imprescriptible à l'égard de l'enfant, il n'en est pas de même des intérêts pécuniaires qui peuvent s'y rattacher. Ainsi un homme meurt, et son fils recueille sa succession; trente-cinq ans après se présente un individu, qui prétend être fils légitime du défunt, frère par conséquent de l'enfant qui à recueilli sa succession, et qui réclame à ce titre la moitié de cette succession par l'action en pétition d'hérédité. La prétention du réclamant sera admise, si elle est fondée, en tant qu'elle a pour objet d'établir sa filiation et, par suite, son état d'enfant légitime; mais elle sera repoussée en ce qui concerne les biens de la succession. Car si l'action en réclamation d'état est imprescriptible, il n'en est pas de même de l'action en pétition d'hérédité et des autres droits pécuniaires qui sont la conséquence de l'état. Arg. art. 2262. Mais l'enfant pourra se prévaloir de la filiation. qu'il a fait constater, pour réclamer les droits non encore atteints par la prescription, par exemple pour se faire attribuer en tout ou en partie la succession laissée par un frère de son père (3).

(1) Marcadé, sur l'art. 330, n. 3 ; Ducaurroy, Bonnier et Roustain, I, n. 470. Codes civils portugais, art. 111; espagnol, art. 118; néerlandais, art. 324; italien, art. 177.

!) Toullier, II, n. 909; Duranton, III, n. 149, 150; Marcadé, sur l'art. 330, n. 1 ;

PERS. IV.

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Il faut appliquer les mêmes principes à la réclamation d'état formée par les descendants de l'enfant, en leur nom personnel et de leur propre chef et non comme héritiers de leur ascendant, si, du moins, l'on admet que cette action leur appartient. L'action sera également imprescriptible à leur égard, et ils pourront l'intenter à quelqu'époque que ce soit, sans avoir besoin de justifier d'un intérêt pécuniaire né et actuel (').

591. Au contraire, lorsque l'action appartient aux héritiers de l'enfant, agissant en cette qualité, elle est soumise à la prescription. Entre leurs mains, elle revêt, en effet, un caractère pécuniaire. Les héritiers ne peuvent l'exercer que quand ils y sont intéressés pécuniairement, et à raison de leur intérêt pécuniaire. Ils ne peuvent réclamer l'état pour lui-même. Par conséquent, la distinction que nous avons établie plus haut entre l'état et ses conséquences pécuniaires n'a pas de raison d'être en ce qui les concerne. La prescription s'accomplira dans les termes du droit commun. Elle se fera par trente ans. Et le délai commencera à courir du jour où a pris naissance le droit qui fait l'objet de l'action (2).

No 4. Règles de compétence.

592. L'action dont nous nous occupons est soumise à des règles toutes spéciales au point de vue de la compétence. L'interprétation des textes est, en cette matière, extrêmement délicate, et elle a donné lieu à de très graves controverses. Voici les dispositions contenues dans les art. 326 et

327.

Allemand, II, n. 819; Zachariæ, I, § 160, nole 21; Demolombe, V, n. 281; Demanle, II, n. 54 bis, I; Aubry et Rau, VI, § 544 bis, texte et note 13; Planiol, I, n. 1401. Cpr. Richefort, I, n. 155 s.

(1) Marcadé, Ducaurroy, Bonnier et Roustain, loc. cit.

(*) Richefort, I, n. 166; Proudhon, II, p. 123, 124; Toullier, II, n. 910, 913; Marcadé, sur l'art. 330, n. 2; Duranton, III, n. 154; Allemand, II, n. 280; Ducaurroy, Bonnier et Roustain, I, n. 470; Zachariæ, et Massé et Vergé sur Zachariæ, I, § 160, note 21; Demolombe, V, n. 299; Demante, II, n. 55 bis, III; Héan, p. 211: Aubry et Rau, VI, § 544 bis, texte et note 14; Laurent, III, n. 469; Vigié, I, n. 545; Planiol, I, n. 1410. Les héritiers doivent agir dans les quatre ans à compter de la mort de l'enfant, d'après l'art. 112 du code civil portugais, el dans les cinq ans, d'après l'art. 118 du code civil espagnol.

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