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sance contenue dans un testament produise ses effets du vivant du testateur. Encore une fois, ce n'est pas une disposition testamentaire (').

Ce que nous venons de dire peut être répété pour la reconnaissance déposée dans une procuration notariée ayant un autre objet. Cet acte n'a pas le caractère d'une procuration en ce qui concerne l'aveu de paternité ou de maternité (*).

SECTION V

DANS QUELS CAS UNE RECONNAISSANCE D'ENFANT NATUREL EST

INEXISTANTE OU NULLE

657. I. La reconnaissance d'enfant naturel est inexistante, ou nulle de nullité radicale et absolue, suivant le langage de quelques-uns :

1° Lorsqu'elle émane d'un individu privé de raison;

2° Lorsqu'elle n'a pas été faite dans les formes prescrites par la loi, car la reconnaissance est un acte solennel. Telle serait la reconnaissance faite par acte sous seing privé ou verbalement. Toutefois la reconnaissance faite par la mère en la forme sous seing privé pourrait servir à l'enfant de commencement de preuve par écrit, à l'effet de prouver par témoins sa filiation maternelle (arg. art. 341) (®);

3o Lorsqu'elle a été reçue par un officier public qui n'a aucune compétence, à raison de ses fonctions, pour dresser acte de la reconnaissance, tel qu'un greffier ou un commissaire de police (*);

4° Lorsqu'elle a été faite par une personne qui n'avait pas le pouvoir de reconnaître un enfant naturel (supra, n. 640). L'inexistence d'une reconnaissance peut être invoquée en tout temps et par tout intéressé, soit en demandant, soit en

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(*) Aubry et Rau, VI, § 568 quater, p. 183; Massonié, op. cit., p. 170; Vigié, I, n. 564.

(3) Demolombe, V, n. 423.

(4) Aubry et Rau, VI, § 568 ter, texte el nole 4; Demolombe, V, n. 419; Laurent, IV, n. 61.

défendant. Elle ne peut être couverte par la ratification, car on ne confirme pas le néant.

658. II. La reconnaissance d'enfant naturel est simplement nulle ou annulable : 1o lorsqu'elle est entachée de violence, d'erreur ou de dol, ou lorsque, l'acte ayant été dressé par un officier public que ses fonctions désignent pour le recevoir, les conditions prescrites par la loi n'ont pas été observées; 2 lorsqu'elle est contraire à la vérité. Ces deux catégories de causes de nullité ne doivent pas être confondues, car les preuves à fournir à l'appui de la demande qui tend à l'annulation de la reconnaissance sont absolument différentes. (V. infra, n. 659 et 660).

659. A. La reconnaissance est annulable quand elle a été déterminée par le dol, l'erreur ou la violence. Pour être valable, elle doit être l'expression d'une volonté libre et consciente.

En ce qui concerne le dol, il ne peut évidemment être question d'appliquer en cette matière l'art. 1116 du C. civ. La reconnaissance est en effet un acte unilatéral, œuvre d'une volonté unique. Les tribunaux apprécieront en fait si les manœuvres dont l'auteur de la reconnaissance a été l'objet ont eu pour résultat de vicier sa volonté.

Les juges jouiront également d'un large pouvoir d'appréciation, lorsqu'il s'agira de rechercher si les violences dont se plaint l'homme ou la femme qui a reconnu un enfant naturel ont eu pour effet de lui enlever son libre arbitre. Les faits ont à cet égard une importance prépondérante. La simple menace de poursuites doit-elle être considérée comme un acte de violence de nature à vicier la reconnaissance? La négative est admise presque unanimement ('). La question ne peut d'ailleurs se poser qu'en ce qui concerne la reconnaissance de paternité, car, la loi permettant la recherche de la maternité, on ne peut dire que l'enfant a usé de violence, lorsque c'est sur la menace d'un procès que sa mère

(1) Merlin, Rép., v° Filiation, n. 11, 14, 15; Duranlon, III, n. 220; Toullier et Duvergier sur Toullier, II, n. 963; Demolombe, V, n. 432; Aubry el Rau, VI, § 568, note 13; Laurent, IV, n. 65; Massonié, op. cit., p. 23; et les arrêts cités dans la J. G., vo cit., n. 569, 570.

a été amenée à le reconnaître. Certains auteurs ont bien dit que la reconnaissance arrachée au prétendu père par la menace de poursuites n'a pas le caractère de liberté et de spontanéité voulu par la loi ('). Mais il est évident qu'une pareille menace ne peut faire une impression sérieuse sur l'esprit de celui auquel elle est adressée, puisqu'il suffisait à celui-ci d'invoquer une fin de non-recevoir fondée sur l'art. 340. On peut concevoir deux sortes d'erreur de nature à vicier la reconnaissance d'enfant naturel. L'erreur peut porter sur la personne même de l'enfant reconnu; ainsi j'ai voulu reconnaître telle personne déterminée, et j'ai donné à cette personne, dans l'acte de reconnaissance, une dénomination qui se rapporte à une autre (2). L'erreur peut porter seulement sur la filiation de l'individu objet de la reconnaissance. J'ai bien reconnu la personne que j'avais en vue, mais ma reconnaissance a été déterminée par la croyance erronée que j'avais qu'elle était issue de moi. Il est aisé de voir que cette dernière hypothèse se confond avec celle qui est prévue par l'art. 339; pour démontrer l'erreur que j'invoque pour faire annuler la reconnaissance, il faudra en effet que je prouve que l'enfant reconnu m'est étranger, en d'autres termes, que la reconnaissance est contraire à la vérité. Ce sont donc les règles de l'art. 339 qu'il conviendra d'appliquer (3). Quant à l'erreur sur la personne même, on a voulu y voir une cause d'inexistence de la reconnaissance, par analogie de ce qui est admis en matière de convention (*). Mais cette assimilation est inadmissible. Si l'erreur in corpore entraîne l'inexistence du contrat, cela tient à ce qu'il ne s'est pas produit l'accord de volontés nécessaire pour la formation de celui-ci. Dans notre hypothèse, il y a eu une volonté émise; cette volonté unique suffit pour l'existence de la reconnaissance; mais elle est viciée par l'erreur (5).

(') Ducaurroy, Bonnier et Roustain, I, n. 483; Loiseau, op. cit., p. 506; Richefort, II, n. 251.

(2) V. un exemple dans l'arrêt de la cour d'Aix, 22 déc. 1852, D., 54. 2. 121, S., 54. 2.321.

(3) V. cependant Massonié, op. cit., p. 22 et 124.

(*) Massonié, op. cit., p. 123; Huc, III, n. 101.

(5) Cpr. Laurent, IV, n. 63.

La reconnaissance est encore simplement annulable, lorsqu'elle a été reçue par un officier public compétent pour cette sorte d'acte, mais en violation des conditions légales. Par exemple, le notaire rédacteur de l'acte n'a pas observé les règles de formes prescrites par la loi du 25 ventôse an XI, ou bien encore il a reçu la reconnaissance en dehors de son ressort. On admet généralement que, dans ce cas, l'acte n'est pas inexistant, mais qu'il est seulement susceptible d'être annulé (').

A ces diverses causes de nullité certains auteurs en ajoutent une autre qui est fondée sur l'incapacité de l'auteur de la reconnaissance. Il en est ainsi lorsque celle-ci émane soit d'un mineur, soit d'une femme mariée non autorisée par son mari (2). La solution opposée est, nous l'avons vu, généralement admise.

659 bis. Qui peut se prévaloir, soit en demandant, soit en défendant, de la nullité de la reconnaissance?

Si l'on admet que la reconnaissance est nulle, lorsqu'elle émane d'une personne frappée d'une incapacité légale, la solution n'est pas douteuse. La nullité n'ayant été établie que dans l'intérêt de l'incapable, celui-ci sera seul admis à l'invoquer. La reconnaissance est entachée d'une nullité simplement relative (3).

La question est plus délicate, lorsqu'il s'agit d'une reconnaissance obtenue par dol, entachée d'erreur, ou arrachée par la violence. Il semble qu'il faille également décider que, seul, l'auteur de la reconnaissance ou ses héritiers peuvent en faire prononcer l'annulation par la justice (arg. art. 1117) ('). II parait, en effet, naturel de considérer la nullité comme existant en faveur seulement de celui dont la volonté a été viciée. Par suite, la nullité serait susceptible de se couvrir par la confirmation ou la ratification. Elle se couvrirait également par la prescription. Mais la prescription de dix ans ne serait pas ici

(1) Aubry et Rau, VI, § 568 ter, note 4 el p. 178; Demolombe, V, n. 433; Laurent, IV, n. 65; Massonié, op. cit., p. 128.

(2) Laurent, IV, n. 67.

(3) Laurent, loc. cit.

() Aubry et Rau, VI, § 568 ter, texte et note 23; Laurent, IV, n. 67 s.; Arntz, 1, n. 598; Vigié, I, n. 573; Huc, III, n. 100 (sauf pour l'erreur).

applicable ('). Car l'art. 1304, qui l'édicte, ne vise que les actions en nullité des conventions. Or, la reconnaissance d'enfant naturel n'est pas une convention. La prescription ne pourrait donc s'accomplir que par le délai de trente ans (art. 2262).— La solution dont nous venons de déduire les conséquences est généralement repoussée. Beaucoup d'auteurs et la jurisprudence décident, en sens contraire, que la nullité résultant du dol ou de la violence peut être invoquée par toute personne y ayant intérêt (2). Il n'y a pas lieu, dit-on, de faire intervenir ici les règles qui régissent les conventions. Il faut se référer uniquement à l'art. 339. Or ce texte est conçu en termes absolument généraux. Il permet à tout intéressé quelconque... d'attaquer la reconnaissance, sans distinguer entre les causes qui en entraînent la nullité. On en conclut que l'annulation pourra être provoquée par l'enfant qui a été reconnu ou par un ascendant de l'auteur de la reconnaissance. D'ailleurs, les partisans de ce système s'accordent avec ceux du premier pour décider que la nullité fondée sur les vices du consentement est susceptible de se couvrir par la prescription, qui s'accomplira ici par trente ans, conformément au droit commun. Il nous semble qu'en raisonnant comme ils le font, ceux qui combattent notre manière de voir commettent la confusion que nous avons signalée (supra, n. 658). Lorsque la reconnaissance est entachée de dol, d'erreur ou de violence, c'est le vice du consentement qui sert de fondement à l'action en nullité. Pour réussir dans cette action, il suffit de démontrer que la volonté de l'auteur de la reconnaissance a été viciée. Le demandeur n'a pas à prouver que la filiation attribuée à l'enfant reconnu est contraire à la vérité. L'art. 339 prévoit une tout autre hypothèse. Il permet de contester la reconnaissance, c'est-à-dire de faire la preuve que la reconnaissance a donné à l'enfant une filiation qui ne lui appartient pas en réalité; cette preuve est

(1) Contra Loiseau, p. 523; Héan, p. 406; Huc, loc. cit.

(2) Loiseau, op. cit., p. 514 s.; Duranton, III, n. 258 s.; Massé et Vergé sur Zachariæ, I, § 167, note 8; Demolombe, V, n. 439; Massonié, p. 132 s.; Baret, op. cit., p. 80-81. Lyon, 13 mars 1856, D., 56. 2. 232, S., 56. 2. 586 (molifs). Paris, 19 juil. 1864, J. G., Suppl., vo cit., n. 239, S., 65. 2. 14.

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