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seulement que sa prétendue mère est accouchée, mais encore qu'il est précisément l'enfant qu'elle a mis au monde ('). Ce raisonnement nous paraît inadmissible. Il aboutit à éluder la règle protectrice de l'art. 341. Du moment qué l'acte de reconnaissance sous seing privé ne rend pas vraisemblables, par hypothèse, l'identité en même temps que l'accouchement, preuve par témoins de la filiation ne peut être autorisée. Il en serait tout autrement si l'enfant avait été reconnu par un acte authentique. La reconnaissance ainsi faite prouvant complètement la filiation maternelle, il ne pourrait être alors question de rechercher la maternité, et l'art. 341 ne saurait être appliqué. L'enfant serait donc admis à prouver par témoins son identité avec celui qui a fait l'objet de la reconnaissance, sans qu'il lui soit besoin d'un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable cette identité.

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L'enfant peut-il tirer, au point de vue qui nous occupe, quelque parti de son acte de naissance, en supposant que nom de la femme qu'il réclame comme sa mère y soit indiqué? Nous rechercherons plus loin si cet acte peut lui servir à prouver directement, soit sa filiation, soit simplement le fait de l'accouchement de sa mère prétendue. Admettant pour le moment que cette question doive être résolue par la négative, nous avons à nous demander si l'acte de naissance ne peut pas tout au moins fournir à l'enfant un commencement de preuve suffisant pour livrer passage à la preuve testimoniale.

Que l'acte de naissance ne constitue pas un commencement de preuve de l'identité, cela n'est pas douteux et n'a pas besoin d'être démontré... Tout le monde est d'accord sur ce point (2).

(1) Demolombe, V, n. 507 et 509, Dalloz, J. G., vo cit., n. 629; Aubry et Rau, VI, § 570, texte et note 25.

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(2) V. notamment Demolombe, V, n. 508; Aubry et Rau, VI, § 570, texte el note 24; Laurent, IV, n. 117, 118; Huc, III, n. 89; Planiol, I, n. 1514. Cass., 28 mai 1810, J. G., vo Paternité, n. 624, S., 10. 1. 193. Paris, 7 juil. 1838, D., 45. 2. 105, S., 45. 2. 194, en note. Bordeaux, 19 fév. 1846, D., 48. 2. 84, S., 46.

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Poitiers, 7 mars

Cass., 19 nov. 1856,

2. 294. Toulouse, 13 juil. 1846, D., 48. 2. 83, S., 48. 2. 116. 1855, D., 56. 1. 412, S., 57. 1. 97, sous Cass., 19 nov. 1856. D., 56. 1. 412, S., 57. 1. 97. - Paris, 30 avril 1859, D., 60. 2. 178, S., 60. 2. 625. Cass., 13 avril 1864, D., 64. 1. 249, S., 64. 1. 209. Toulouse, 2 mai 1866, D.,

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Mais l'acte de naissance peut certainement servir de commencement de preuve par écrit, pour le fait de l'accouchement, s'il a été dressé avec le concours de la mère, par exemple sur la déclaration d'un mandataire de celle-ci, muni d'une procuration sous signature privée. Dans cette hypothèse, en effet, il satisfait tout à la fois aux conditions prescrites par l'art. 1347 et à celles qui sont indiquées par l'art. 324. Ceux qui admettent la définition que nous avons donnée du commencement de preuve par écrit doivent même, semble-t-il, décider logiquement que l'acte de naissance, contenant l'indication du nom de la mère, pourra fournir à l'enfant un commencement de preuve par écrit de l'accouchement, s'il satisfait aux conditions de l'art. 324. Il est d'ailleurs bien entendu, conformément à ce que nous avons dit plus haut, que l'enfant devra produire en outre un commencement de preuve par écrit de son identité (1). Mais, dans toute autre hypothèse, et alors même que l'acte aurait été dressé sur la déclaration de l'une des personnes indiquées en l'art. 56, il ne pourrait valoir comme commencement de preuve par écrit du fait de l'accouchement (2) (Cpr. infra, n. 669).

66. 2.83.

Rouen, 7 juil. 1871, D., 73. 5. 269, S., 73. 2. 142. Douai, 29 janv. 1879, D., 80. 2. 213, S., 79. 2. 195. - Toulouse, 2 fév. 1884, D., 85. 2. 227, S., 85. 2.56. Grenoble, 14 janv. 1889, D., 90. 2. 193. Grenoble, 26 juin 1895, D., 96. 1. 139. - Cass., 17 juill. 1900, D., 1900. 1. 558.

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(') Richefort, II, n. 335, p. 393; Marcadé, art. 341, n. 3. Cpr. Caen, 19 janv. 1867, S., 68. 2. 86. - Contra: Duvergier sur Toullier, I, n. 865, note a; Ducaurroy, Bonnieret Roustain, I, n. 500; Massé et Vergé sur Zachariæ, 1, § 170, note 3; Demante, II, n. 70 bis; Laurent, IV, n. 117.

(2) Richefort, II, n. 330; Duranton, III, n. 237; Marcadé; Ducaurroy, Bonnier et Roustain; Massé et Vergé sur Zachariæ; Demante et Laurent, loc. cit.; Duvergier sur Toullier, I, n. 865, note a, et n. 946, note b; Demolombe, V, n. 504; Aubry et Rau, VI, § 570, texte et notes 21 et 22; Arnlz, I, n. 611. Cpr. Grenoble, 5 avril 1843 et 24 janv. 1844, D., 45. 2. 104, S., 45. 2. 340. Paris, 29 avril 1844, J. G., vo cit., n. 627. - Pau, 29 juil. 1844, D., 45 2. 104, S., 45. 2. 193. Nancy, 9 fév. 1850, S., 51. 1. 225 (sous Cass., 3 fév. 1851). Metz, 21 juin 1853, D., 56. 2. 193, S., 56. 2. 449. Pau, 28 juin 1855, D., 56. 2. 258, S., 55. 2. 673.

Paris,

17 juil. 1858, S., 58. 2. 534. Caen, 1er mars 1860, D., 61. 2. 12, S., 61. 2. 185. Paris, 13 juil. 1863, sous Cass., 13 avril 1864, D., 64. 1. 249, S., 64. 1. 209. Douai, 14 déc. 1864, S., 65. 2. 167. — Grenoble, 26 déc. 1867, D., 68. 2. 112, S., 68. 2. 313. Poitiers, 8 juin 1880, D., 81. 2. 78. - V. cep. Bordeaux, 19 fév. 1846, D., 48. 2. 84, S., 46. 2. 494.

On voit, en somme, que l'enfant sera rårement en mesure de satisfaire aux exigences de la loi relativement au commencement de preuve par écrit, et que rarement, par suite, il devra être admis à la preuve testimoniale de sa filiation maternelle. A force de vouloir protéger le droit de la mère, le législateur n'a-t-il pas sacrifié celui de l'enfant ?

669. Lorsque l'enfant produit un commencement de preuve rendant vraisemblable sa prétention, il est admis à prouver la filiation qu'il réclame. Or, la filiation comprend deux éléments: l'accouchement de la mère prétendue et l'identité de l'enfant. Le réclamant doit fournir la preuve de ces deux faits. Il peut les prouver en même temps et dans la même enquête. Mais il semble, puisque la loi ne le lui interdit pas, qu'il ait la faculté de démontrer d'abord l'accouchement et d'établir ensuite son identité. Quand il sera admis à prouver l'accouchement, il est raisonnable d'exiger de lui qu'il indique au juge les moyens dont il se servira pour établir son identité. L'article 341 parait, en effet, comme nous l'avons noté, mettre en première ligne la preuve de l'identité. D'ailleurs, il ne faut pas admettre l'enfant à prouver le déshonneur d'une femme, si cela ne doit lui être d'aucune utilité (').

Comment le réclamant fera-t-il la preuve que la loi met à sa charge? Les textes laissent aux juges un pouvoir souverain d'appréciation (2). Les faits que l'enfant doit prouver par témoins doivent être assez significatifs pour emporter la conviction du tribunal. On pourra consulter à cet égard un arrèt de la cour de Grenoble du 26 juin 1895, D., 96. 2. 139. Dans l'espèce, le réclamant démontrait que la femme par lui désignée comme étant sa mère l'avait fait dépɔser dans un hos

(') Devilleneuve, Note, S., 50. 1. 705; Dalloz, J. G., Suppl., vo Paternité, n. 263; Demolombe, V, n. 501; Aubry et Rau, VI, § 570, p. 203 el note 16; Laurent, IV, n. 112; Huc, III, n. 89.

(*) L'enfant peut il déférer à sa prétendue mère le serment décisoire ? Il nous parait que la solution négative doit être admise; il s'agit d'une question d'état sur laquelle il n'est pas permis de transiger. Or la délation de serment équivaut à une transaction. - Pau, 24 juin 1857, D., 57. 2. 154. Richefort, II, n. 338; Bonnier, Des preuves, I, n. 410; Laurent, IV, n. 6. Cpr. Demolombe, V, n. 512. - Contra Rennes, 16 déc. 1836, J. G., vo cit., n. 631, S., 37. 2. 96.

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pice, aussitôt après sa naissance, qu'ensuite elle l'avait repris à l'instigation du directeur de cet hospice qui savait qu'elle était sa mère, qu'elle l'avait, à dater de ce moment, traité comme son enfant, et le père de cette femme comme son petitfils, qu'elle avait hautement avoué sa maternité, qu'elle avait voulu, à une certaine époque, la reconnaître par acte authentique, et qu'une circonstance fortuite l'en avait seule empêchée, enfin que, dans le public, on considérait le réclamant comme étant l'enfant de cette femme. Comme on le voit par cet exemple, la possession d'état, qui n'est point par ellemême un mode de preuve de la maternité naturelle, peut cependant servir à l'enfant à démontrer sa filiation maternelle, lorsque sa prétention s'appuie sur un commencement de preuve par écrit.

En est-il de même de l'acte de naissance? Il est très généralement admis, que, en dehors de certains cas exceptionnels que nous indiquerons, il ne constitue pas une preuve de la filiation (V. infra, n. 708). Mais ne peut-il pas, comme la possession d'état, fournir une preuve de l'accouchement ? Si l'enfant a de ce fait un commencement de preuve par écrit, nous pensons que les juges peuvent tenir tel compte que de raison des indications contenues dans l'acte de naissance. L'enfant, ayant un commencement de preuve par écrit de l'accouchement de sa mère prétendue et aussi de son identité avec l'enfant qu'elle a mis au monde, est autorisé à prouver sa filiation par témoins. Il doit être également admis à tirer parti de son acte de naissance, où le tribunal peut puiser des renseignements tels quels, de nature à déterminer sa conviction (1). Mais nous ne pensons pas qu'il faille aller plus loin, et nous croyons qu'il convient de repousser la solution consacrée par une jurisprudence que l'on peut aujourd'hui considérer comme constante. La jurisprudence décide que l'acte de naissance, impuissant à prouver la filiation naturelle, fait au contraire preuve complète de l'accouchement, lorsque, du moins, l'acte a été dressé sur la déclaration des personnes

(1) Valette sur Proudhon, II, p. 13), note a, I; Massé et Vergé sur Zachariæ, I, § 170, note 3; Demolombe, V, n. 505.

désignées par l'article 56 C. civ. Les art. 56 et 57 C. civ., ditelle, ne font aucune différence entre les enfants légitimes et les enfants naturels. Les actes de l'état civil, régulièrement dressés, fournissent une preuve légale des faits qui y sont relatés. Si donc la mère a été déclarée par les personnes désignées en l'art. 56, la maternité de la femme dont l'accouchement est constaté dans l'acte doit être tenue pour démontrée. Au surplus, ajoutent certains arrêts, cette solution résulte encore de l'art. 341, qui impose seulement à l'enfant l'obligation de prouver son identité, et renvoie, par conséquent, pour la preuve de l'accouchement, aux règles posées dans le titre des actes de l'état civil. Il suffira donc à l'enfant qui réclame sa filiation maternelle de prouver son identité avec celui dont la femme qu'il prétend être sa mère est accouchée. Mais il ne sera reçu à faire cette preuve que si sa prétention est rendue vraisemblable par un commencement de preuve par écrit (arg. art. 341) (1).

A. Jurisprudence aujourd'hui · V. Paris, 7 juill. 1838, D., 45. 2. 105, S., 45. 2. 193, en note.

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Paris, 23 juill. 1863, sous Metz, 10 août 1864, D., 64. 2.

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(1) Toullier, II, n. 948; Planiol, I, n. 1510 et s. constante. Paris, 30 avril 1859, D., 60. 2. 178, S., 60. 2. 625. Cass., 13 avril 1864, D., 64. 1. 249, S., 64. 1. 209. — 225, S., 64. 2. 246. - Toulouse (motifs), 2 mai 1866, D., 66. 2. 83. Paris, 4 fév. 1867, S., 67. 2. 97. Cass., Cass., 23 nov. 1868, D., 69. 1. 26, S., 69. 1. 5. 1er déc. 1869, D., 70. 1. 97, S., 70. 1. 101. Rouen, 7 juill. 1871, S., 73. 2. 142. Douai, 29 janv. 1879, D., 80. 2. 213, S., 79. 2. 195. Dijon, 7 mai 1879, D., 80. 2. 213, S., 79. 2. 195. - Toulouse, 2 fév. 1884, D., 85. 2. 227, S., 85. 2. 56. Limoges (motifs), 6 déc. 1886, D., 88. 2. 93, S., 87. 2. 29. Grenoble, 14 janv. 1889, D., 90. 2. 193. Cass., 22 oct. 1902, D., 02. 1. 539. — Cpr. Limoges, 23 nov. 1892, D., 94. 2. 318. - B. La solution consacrée par les arrêts ci-dessus est indiquée à titre subsidiaire dans un arrêt de la cour de cassation du 1er juin 1853, D., 53. 1. 177, S., 53. 1. 481. Dans le même arrêt, on trouve un système plus radical encore, qui a été autrefois en faveur dans la jurisprudence et qui a même été adopté par certaines décisions assez récentes. La cour de cassation et les cours d'appel ont jugé pendant longtemps que, la matérnité étant prouvée par l'acte de naissance, la filiation est complètement établie, si les indications de l'acte de naissance sont confirmées par un aveu tacite ou exprès de la mère, ou si l'identité de l'enfant est démontrée par une possession conforme à l'acte de naissance (Héan, p. 451). Cela revenait à mettre les enfants naturels à peu près sur la même ligne que les enfants légitimes au point de vue de la preuve de leur filiation. L'acte de naissance équivalait, dans ce système très favorable aux enfants naturels, à un acte de reconnaissance, lorsque l'identité était constante. Cette solution était évidemment contraire à l'art. 334. Elle donnait, dans une très large mesure, satisfaction aux partisans du système d'après lequel la possession d'état est un mode de preuve de la maternité illégitime. Cela explique qu'elle ait été

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