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la mère, si l'existence en est contestée, n'eût été constaté que par une décision judiciaire rendue au cours du mariage. Il ne s'agirait pas en effet d'une reconnaissance forcée faite pendant le mariage. Le jugement ne serait pas directement relatif à la filiation; il viendrait seulement déclarer que la reconnaissance de l'enfant a eu lieu avant la célébration du mariage (1). Nous déciderons de même que, si l'identité de l'enfant avec celui qui a fait l'objet d'une reconnaissance volontaire antérieure à la célébration du mariage est, à la suite d'une contestation, prouvée judiciairement, alors que les auteurs de la reconnaissance sont déjà mariés ensemble, l'enfant pourra réclamer le bénéfice de la légitimation. Car la preuve de l'identité, quand la filiation est déjà établie par un acte de reconnaissance, ne constitue pas une recherche de paternité ou de maternité.

3o Dans les cas exceptionnels indiqués supra, n. 708, où la filiation de l'enfant se trouve établie par les modes de preuve organisés pour la filiation légitime, la loi sera satisfaite, et le mariage contracté postérieurement pourra produire la légitimation de l'enfant.

4° Pourvu que la reconnaissance précède le mariage, il importe peu qu'elle soit volontaire ou forcée. Les termes de la loi paraissent, il est vrai, faire allusion à une reconnaissance volontaire; mais ici comme ailleurs lex statuit de eo quod plerumque fit. En raison, d'ailleurs, il n'y a pas de motifs pour distinguer entre la reconnaissance volontaire et la reconnaissance forcée. Enfin la reconnaissance forcée produit, comme on l'a vu, les mêmes effets que la reconnaissance volontaire (2). Nous disons les mêmes effets, pas

(') Aubry et Rau, VI, § 546, texte et note 12.

5.

Cass., 22 janv. 1839, S., 39. 1. Bordeaux, 11 mars 1853, D., 54. Paris, 21 nov. 1853, S., 56. 2. 719. Trib. Seine, 18 mai

Douai, 19 nov. 1845, D., 45. 4. 199, n. 34. 2. 260, S., 53. 2. 322. 1865, D., 66. 3. 24. Cass., 26 mars 1866, J. G., Suppl., vo cit., n. 190, S., 66. 1. 143. Cass., 30 nov. 1868, D., 69. 1. 21, S., 69. 1. 66. Bordeaux, 27 août 1877, D., 78. 2. 193, S., 79. 2. 103. - Cass. Belg., 6 juill. 1888, D., 89. 2. 236. (*) Il y a cependant un point singulièrement délicat on admet unanimement aujourd'hui que le jugement rendu sur une action en recherche de paternité ou de maternité n'est investi que d'une autorité simplement relative. Faut-il en conclure que, si les deux auteurs contractent ensuite mariage, l'enfant n'est légitimé que dans ses rapports avec les parties au procès ?

PERS. IV.

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davantage. On ne saurait donc admettre l'opinion, erronée en sens inverse, de quelques auteurs qui pensent que la reconnaissance forcée, survenue pendant le mariage, pourrait être utile au point de vue de la légitimation. Ces auteurs (') font valoir les considérations suivantes à l'appui de leur système. Les fraudes que le législateur a voulu prévenir sont, disent-ils, impossibles à commettre. Et, d'autre part, dès le moment de sa naissance, l'enfant a un droit acquis à faire constater sa filiation, confor.nément aux art. 340 et 341. S'il avait intenté son action avec succès, avant le mariage de ses auteurs, il aurait certainement été légitimé. Dès lors, il ne peut être privé de ce bénéfice, à raison de ce fait accidentel qu'il n'a recherché sa filiation que postérieurement à la célébration du mariage. Enfin, le jugement qui constate la paternité ou la maternité est purement déclaratif et, par suite, la filiation de l'enfant doit être tenue pour constante dès avant la célébration du mariage. — Une pareille argumentation est sans aucune base légale, et l'on peut la réfuter d'un mot. Tout d'abord, la collusion est parfaitement possible (Cpr. supra, n. 726). D'autre part, l'enfant reconnu, même judiciairement, n'a d'autre état que celui que la loi lui attribue; il ne peut donc se plaindre qu'on lui fasse l'application de l'art. 331. Enfin, comme la reconnaissance forcée, la reconnaissance volontaire est purement déclarative d'une filiation préexistante (2).

736. DEUXIÈME CONDITION. Il faut que le père et la mère de l'enfant contractent mariage ensemble. Bien entendu, le mariage doit être valable ou tout au moins putatif. Cpr. Baudry-Lacantinerie et Houques-Fourcade, Des personnes, III, n. 1914 et 1915.

736 bis. Dans l'ancien droit les effets civils étaient refusés aux mariages in extremis (3). Il en résultait que de semblables unions ne pouvaient produire la légitimation des enfants nés

(1) Duranton, III, n. 130; Demante, II, n. 57 bis, VII. — Cpr. Planiol, I, n. 1560. (2) Loiseau, op. cit., p. 303 s.; Delvincourt, I, p. 91, note 2; Zachariæ, el Massé et Vergé sur Zachariæ, I, § 163, texte et note 7; Marcadé, sur l'art. 331, n. 1; Demolombe, V, n. 362 et 363; Aubry et Rau, VI, § 546, texte et note 14; Laurent, IV, n. 171 et 172; Huc, III, n. 67.

() Pothier, Contr. de mar., n. 429 s.

antérieurement. Le projet du code civil maintenait ce principe (1). On craignait sans doute que l'espoir de légitimer, au dernier moment de la vie, des enfants issus du concubinage ne favorisât le dérèglement des mœurs. Sur les observations de Berlier (2), cette mesure fut reconnue impuissante et l'article du projet qui la reproduisait fut supprimé. La légitimation résultera donc même d'un mariage contracté à l'extrémité de la vie (3).

737. Aucune autre condition n'est requise pour la légitimation. Ainsi il n'y a pas de délai fixé pour la conclusion du mariage qui doit opérer la légitimation, sans doute parce qu'il n'est jamais trop tard pour réparer une faute. Il n'est pas non plus nécessaire, nous l'avons vu, que le mariage ait été possible entre les auteurs de l'enfant lors de sa conception: ce qui permet de légitimer l'enfant né d'une fille âgée de moins de quinze ans (art. 144) et celui conçu par une veuve dans les dix mois qui suivent la dissolution de son mariage (art. 228). Enfin l'existence d'un mariage intermédiaire contracté par l'un des auteurs de l'enfant ne ferait pas obstacle à la légitimation (*). « Personne ne doute, dit Pothier, que le mariage a la force de légitimer les enfants nés du commerce charnel que les parties ont eu auparavant ensemble, quoique l'une d'elles, depuis ce commerce, en ait contracté un avec une autre personne, après la dissolution duquel elles. se sont mariées ensemble » (5).

738. Quand les deux conditions prescrites par la loi se trouvent remplies, la légitimation se produit de plein droit, ipso jure, vi et potestate legis, sans qu'il soit nécessaire que les parents aient manifesté la volonté de l'opérer, et, bien

(') Locré, VI, p. 29.

(2) V. la discussion au conseil d'Etat, séance du 24 brumaire an X, dans Locré, VI, p. 98 s.

(3) Demolombe, V, n. 358; Aubry et Rau, VI, § 546, texte et note 5; Laurent, IV, n. 166; Planiol, I, n. 1556.

(') Pothier, Contr. de mar., n. 421. Lyon (motifs), 17 mars 1863, J. G., Suppl., vo cit., n. 199, S., 63. 2. 205.

() Malgré l'affirmation de Pothier, la question a été cependant discutée dans l'ancien droit et la raison de douler nous est indiquée par Pothier lui-même, loc. cit. V. Furgole, Testam., ch. Vl, sect. II, n. 183; Merlin, Rép., v° Légitimation, sect. II, § 2, n. 11.

plus, alors même qu'ils auraient manifesté une volonté contraire. Le mot pourront (art. 331) fait allusion, non à la faculté qu'auraient les parents, lorsqu'ils se marient, de légitimer ou de ne pas légitimer les enfants par eux reconnus, mais bien à la faculté qui leur appartient de se marier ou de ne pas se marier, ce qui les rend, il est vrai, indirectement les arbitres du sort de leurs enfants (').

739. Le consentement de l'enfant légitimé n'est pas non plus nécessaire. Bien plus, l'enfant ne pourrait pas, en exprimant une volonté contraire, empêcher sa légitimation de se produire; l'état des personnes ne saurait dépendre de leur volonté (2).

SECTION III

DE LA CONTESTATION ET DE L'ANNULATION DE LA LÉGITIMATION

740. La légitimation dont l'enfant a été l'objet peut être contestée, pour des motifs divers. On peut prétendre que l'enfant n'a pas pu être légitimé, parce que les conditions de fond et de forme prescrites par la loi n'ont pas été remplies. On peut demander à démontrer que l'enfant est issu d'un commerce incestueux ou adultérin, ou qu'il n'a pas été reconnu avant la célébration du mariage, ou que la reconnaissance faite antérieurement au mariage est nulle ou mensongère, ou enfin que le mariage lui-même, étant entaché de nullité, n'a pu procurer à l'enfant le bénéfice de la légitima

(1) Telle était la règle admise dans l'ancien droit. Pothier, op. cit., n. 422. En ce sens tous les auteurs, à l'exception de Richefort, II, n. 195, 195 bis et 196. — Adde Bordeaux, 11 mars 1853, D., 54. 2. 260, S., 53. 2. 322. Trib. Seine, 18 mai 1865, D., 66. 3. 24. - Bordeaux, 27 août 1877, D., 78. 2. 193, S., 79. 2. 103. Cass. Belg., 6 juil. 1888, D., 89. 2. 236.

(2) Si, dans la législation romaine, le consentement de l'enfant était nécessaire, cela tenait à ce que, l'enfant tombant sous la puissance de son père par l'effet de la légitimation, il perdait l'état de sui juris pour devenir alieni juris. D'ailleurs le consentement de l'enfant était présumé par cela seul qu'il ne manifestait pas une volonté contraire : ce qui permettait de légitimer les infantes, les fous et les absents. La règle aujourd'hui suivie était adoptée sans difficulté dans les pays de coutumes, mais la question était controversée pour ceux de droit écrit, où la puissance paternelle était organisée d'après les principes du droit romain. - V. Pothier, op. cit., n. 423, et Merlin, Rép., vo Légitimation, sect. II, § 2, n. 14.

tion. Dans ces diverses hypothèses, c'est à ceux qui critiquent l'état de l'enfant, à fournir la preuve de leur prétention (').

741. Qui peut contester la légitimation ou en demander l'annulation? La loi ayant gardé le silence, il faut se référer sur ce point aux règles du droit commun. Ce qui nous conduit aux conclusions suivantes :

1° Si la demande est fondée exclusivement sur la nullité du mariage, seront seuls recevables à agir ceux auxquels appartient le droit de provoquer l'annulation du mariage.

2o Les règles posées par l'art. 331 ayant le caractère de règles d'ordre public, toute personne intéressée sera admise à demander l'annulation de la légitimation, en démontrant que la filiation révélée par la reconnaissance dont l'enfant a été l'objet antérieurement au mariage est une filiation incestueuse ou adultérine (2), ou que l'enfant n'a pas été, comme le veut la loi, reconnu avant la célébration du mariage de ses père et mère, ou dans l'acte de célébration (3).

3o Il faut de même décider, par arg. de l'art. 339, que toute personne peut, sur le fondement d'un intérêt pécuniaire ou même simplement moral (supra, n. 660), attaquer la sincérité de la reconnaissance et contester par suite la légitimation. A cette dernière solution l'on a fait parfois l'objection suivante, en ce qui concerne la reconnaissance faite par le mari : Aux termes de l'art. 333, les enfants légitimés par le mariage ont les mêmes droits que s'ils étaient nés de ce mariage; ils sont donc soumis aux mêmes règles que les enfants légitimes au point de vue de leur filiation. Or, la filiation paternelle légitime ne peut être attaquée que par l'action en désaveu. Il faut appliquer la même règle aux enfants légitimés et décider que la reconnaissance du père, en la supposant valable en la forme, ne pourra être contestée pour défaut de sincérité que par ceux auxquels la loi a confié l'exercice du désaveu. Cette

(1) Cpr. C. civ. portugais, art. 119, § 1.

(*) Cpr. solution donnée, supra, n. 519, au sujet des enfants simplement conçus au moment où le mariage est contracté.

(3) V. sur ce point Metz, 11 janv. 1870, D., 73. 1. 124, S., 70. 2. 140. - Cass., 20 avril 1885, D., 86. 1. 23, S., 86. 1. 313 et Orléans, 14 avril 1886, D., 87. 2. 95, S., 86. 2. 191.

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