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le bailleur aurait été laissé, celui-ci eût éprouvé quelque préjudice; pulà, s'il avait perdu la possession annale, et, par suite, le droit d'intenter la complainte. (Art. 1768.) Si, cependant, il était prouvé que le bailleur n'avait aucun moyen fondé pour faire cesser le trouble, le preneur ne serait pas responsable. Dans ce cas, le défaut de dénonciation n'a causé aucun préjudice au bailleur. (Argument tiré de l'art. 1640.)]

Si le trouble provient d'une action judiciaire dirigée contre le preneur, et ayant pour but de le priver de tout ou partie de sa jouissance, il a le choix, ou d'appeler le bailleur en garantie, ou d'obtenir d'être mis hors de cause 1727.en le nommant. [C'est une espèce de garantie formelle (Cod. de Procéd., art. 182), qui est distincte de la garantie simple, dans laquelle le garanti ne peut demander à être mis hors de cause, comme dans le cautionnement. (Ibid., art. 183.) Il a même cela de plus que le garanti formellement, que, pour être mis hors de cause, il n'a pas besoin d'y mettre son bailleur. Il lui suffit de le nommer. C'est à l'autre partie à l'appeler.]

Le second effet de l'obligation de faire jouir, est de garantir le preneur des vices de la chose qui peuvent empêcher sa jouissance. Le bailleur est tenu de cette garantie, 1721. quand même il n'aurait pas connu les vices lors du bail;

[et quand même ils seraient survenus depuis le bail. La
chose louée est toujours aux risques du bailleur. Il suffit
donc, comme nous l'avons dit, que la jouissance cesse,
ou soit diminuée, sans le fait du preneur, pour qu'il y
ait lieu à la garantie. C'est d'après ce principe que la loi
25, § 2, ff. Locati, décide que, si, pendant le bail, un
S
voisin, en faisant des constructions, a obscurci notable-
ment les jours de la maison louée, le locataire peut de-
mander une diminution de loyer, ou même la résiliation
du bail. Il peut arriver, en effet, que ce soit une personne
qui ait loué cette maison pour l'exercice d'un art ou d'une
profession qui exige un beau jour, etc.] En effet, le prix
du loyer n'est dû que pour la jouissance, puisque cette
jouissance seule est l'objet du contrat. Si donc cette jouis-

sance n'a pas lieu pour quelque cause que ce soit, sauf le fait du preneur, le contrat n'a plus d'objet, et conséquemment le loyer n'est pas dû; [et c'est en quoi le bail diffère de l'usufruit. Dans l'usufruit, ce n'est

pas tant

le fait de la jouissance que le droit de jouir, qui est l'objet du contrat. Le contrat est donc parfait et consommé en un seul instant, celui où intervient le consentement réciproque des parties de ce moment, l'usufruitier est saisi de la totalité de son droit et du démembrement de propriété qui y est inhérent; par conséquent il doit, dès lors, le prix total de son acquisition; et tous les accidens qui pourraient survenir depuis le contrat, et diminuer, et même anéantir sa jouissance, sont à ses risques. Dans le bail, au contraire, il n'y a aucune portion de propriété de transmise, c'est en quelque sorte une vente de la jouissance successive de l'objet, et de chaque partie de cette même jouissance. Les fruits civils, et de ce nombre sont les loyers, s'acquièrent jour par jour, dit l'article 586; donc, le loyer de chaque jour est le prix de la jouissance de chaque jour; donc, chaque jour que cette jouissance, n'a pas lieu, ou est diminuée, pour quelque cause que ce soit, autre que par le fait du preneur, le loyer n'est pas dû, ou doit être réduit. C'est un principe essentiel à retenir, pour la solution de la plus grande partie des difficultés qui peuvent s'élever sur ce point. Il résulte de là que, si une partie du prix a été payée d'avance, et que la jouissance vienne à cesser sans le fait et la faute du preneur, avant l'expiration d'un temps de jouissance suffisant pour compenser le paiement fait d'avance, la répétition a lieu proportionnellement. (L. 19, § 6, ff. Locati.)]

C'est par suite de ce principe, que, si la chose louée est, pendant la durée du bail, détruite en totalité, même par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit, et le preneur est déchargé, pour l'avenir, de l'obligation de payer le loyer. Si elle n'est détruite qu'en partie, le juge estime, suivant les circonstances, si la résiliation doit avoir lieu, ou si le preneur doit se contenter d'une diminution dans le prix. Dans l'un ou l'autre cas, il ne

par cas

1722. lui est dû aucun autre dédommagement; [ à raison de la cessation ou de la diminution de jouissance, si toutefois, comme il est dit dans le texte, la perte est arrivée fortuit, survenu depuis le commencement du bail. Secùs, si c'est par le fait du bailleur, ou par l'effet de vices existans lors du contrat. Dans ces cas, le bailleur peut être tenu des dommages-intérêts, comme nous allons voir dans la note suivante. ] Si cependant le vice de la chose existait au moment du bail, et qu'il en soit résulté quelque perte 1721. pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.

1

[Quand même il n'aurait pas connu le vice. Il faut donc distinguer: Si le préjudice essuyé par le preneur résulte d'un cas fortuit, survenu depuis le commencement du bail, il ne peut réclamer d'autre dédommagement que la résiliation du bail, ou une diminution dans le prix du loyer. Mais s'il a essuyé quelque dommage, par suite de vices existans lors du bail; putà, s'il y avait dans les pâturages, des herbes vénéneuses qui ont empoisonné ses troupeaux, le bailleur est tenu de l'indemniser, soit que le bailleur ait connu le vice, soit qu'il ne l'ait pas connu, et sauf la distinction portée dans les articles 1150 et

1151.

Remarquez qu'en général, aux termes de l'article 10 du Titre III, de la loi du 24 août 1790, no 4, les questions relatives aux indemnités prétendues par les fermiers, pour non jouissance, sont de la compétence des juges de paix, quel que soit le montant de la somme demandée, pourvu toutefois que le fond du droit ne soit pas contesté, c'est-à-dire pourvu que les parties soient d'accord sur leurs titres respectifs. Car si, par exemple, le défendeur prétend que le demandeur n'est pas son fermier, ou que le cas de la non jouissance a été prévu par le bail, et mis à la charge du fermier, l'affaire ne sera de la compétence du juge de paix, qu'autant que le montant de la demande n'excèdera pas 100 francs.

Mais de quelle nature est l'exception d'incompétence tirée de ce que le fond du droit est contesté? Est-ce une incompétence ratione materiæ, qui puisse être proposée

en tout état de cause; ou, est-ce une simple exception qui doive être proposée in limine litis? Je pense que, puisque le juge de paix est compétent pour connaître de l'affaire, même lorsque le fond du droit est contesté, si la valeur de la demande n'excède pas 100 francs, et que, d'un autre côté, les parties sont maîtresses de proroger la juridiction du juge, de quantitate ad quantitatem, comme l'a fort bien démontré le judicieux auteur du Traité de la Compétence des juges de paix, chap. 7, cette prorogation doit être présumée, dès que les parties ont commencé à défendre sur le fond. L'exception doit donc, d'après cela, être proposée in limine litis.]

§ III.

Des Obligations du Preneur.

Le preneur est tenu de deux obligations principales: La première, d'user de la chose louée, en bon père de famille ;

Et la seconde, de payer le prix convenu par le bail. 1728.

De l'Obligation d'user en bon père de famille.

:

Quand nous disons que le preneur est tenu d'user de la chose louée, en bon père de famille, il ne faut pas entendre pour cela qu'il soit assujéti à user par luimême il peut en effet sous-louer, et même céder en totalité son bail à un autre, quand cette faculté ne lui a pas été interdite [ sauf toutefois le cas de l'article 1765. 1717. Mais remarquez que la prohibition de céder n'emporte pas celle de sous-louer. Sic jugé, et avec raison, à Angers, le 27 mars 1811. (SIREY, 1818, 2o partie, page 234.)], mais toujours à la charge par lui de rester garant des faits du cessionnaire ou sous-locataire. Quand 1735. l'interdiction de céder ou de sous-louer existe, elle est de rigueur. [C'est d'après cette disposition que la Cour de Colmar a jugé, le 26 août 1816, que le bail était résilié par le fait seul de la sous-location (SIREY, 1819, 2° partie, page 27), mais bien entendu, dans l'intérêt du loca

teur seulement. Dans l'ancien droit, cette clause était, le plus souvent, regardée comme comminatoire. Peut-être faudrait-il excepter de la disposition de l'article 1717, le cas prévu dans le n° 1er de l'article 2102; c'est celui où lé preneur est en faillite, et où la chose est sous-louée au profit de la masse des créanciers.]

Cette interdiction peut avoir lieu pour tout ou partie 1717.de la chose louée.

L'obligation principale d'user en bon père de famille en contient trois autres :

La première, est celle de ne faire servir la chose qu'aux usages convenus dans le bail, ou, à défaut de convention; 1728. à ceux qui doivent être présumés d'après les circonstances 1766.ou à ceux auxquels elle est naturellement destinée. [ S'il

n'existe ni convention, ni présomption contraire, les parties sont censées être convenues tacitement que la chose sera employée à l'usage auquel elle a été employée jusqu'à présent. ]

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[Quant aux circonstances, une maison a été constamment louée pour faire une auberge. Le propriétaire la donne à bail à un serrurier, dont il connaît la profession. A moins que le bail ne contienne une clause contraire on présumera qu'il a consenti à ce qu'elle cessât d'être auberge, et qu'elle devînt atelier de serrurerie. Par la même raison, si le locataire change de profession pendant la durée du bail, il ne pourra toujours réclamer que l'usage déterminé par la profession qu'il exerçait au moment du bail. Sic jugé, et avec raison, à Paris, le 5 décembre 1814. (SIREY, 1815, 2o partie, page 84.)]

La seconde, c'est d'apporter à la conservation de la chose, le même soin qu'un bon père de famille a de la sienne propre.

Faute

gations,

par le

preneur de se conformer à ces deux oblinon-seulement il est tenu des dommages1729. intérêts du bailleur, mais encore le bail peut, suivant 1766. les circonstances, être résilié.

Il faut observer, en général, que, toutes les fois que

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