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que cette nécessité soit constatée par le juge, qui, au surplus, pourra appeler et entendre la femme, s'il le juge convenable. Mais dans l'article 1559, comme il n'y a pas nécessité, mais seulement utilité, le consentement de la femme est exigé.]

Dans le cas où l'immeuble dotal se trouve indivis avec des tiers, et qu'il est reconnu impartageable, la portion du prix revenant à la femme, est dotale ; et il en est fait emploi comme dessus. [Quid, si l'immeuble est adjugé au mari? La loi 78, § 4, ff. de Jure dotium, décide qu'à la dissolution du mariage, la femme est tenue de reprendre le tout, en indemnisant son mari de la portion de prix qu'il a été obligé de payer. Il me semble que cette décision ne devrait être admise, qu'autant que l'immeuble aurait été adjugé à la femme et au mari, ou à la femme dûment autorisée. Mais s'il l'a été au mari seul, en son nom personnel, pourquoi n'admettrait-on pas la disposition de l'art. 1408, et ne donnerait-on pas à la femme le choix, ou d'abandonner l'immeuble, en recevant le prix de la portion qui lui appartenait, ou de reprendre le tout, en remboursant au mari la portion de prix qu'il a payée? Mais, interim, qu'y aurait-t-il de dotal? Les Romains, qui obligeaient la femme de reprendre le tout, décidaient néanmoins qu'il n'y avait de dotal, que ce qui avait été donné primitivement en dot. (L. eádem.) Et cette décision doit être suivie, à plus forte raison, chez nous, si l'on admet la distinction portée dans l'article 1408.

Quid, si l'immeuble a été adjugé à la femme? Il n'y aura toujours de dotal que ce qui a été primitivement constitué. Nec obstat la première partie de l'art. 1408, portant que, si l'un des époux acquiert, pendant le mariage, portion d'un immeuble dont il était propriétaire par indivis au moment de la célébration, le tout est propre de communauté. La raison de différence est, que la qualité de propre de communauté est attachée de plein droit à tous les immeubles que les époux possèdent au moment de la célébration du mariage. La qualité de dotal, au contraire, ne peut leur être donnée que par la déclara

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tion expresse des parties. Cela posé, et d'après le principe que le propriétaire par indivis, auquel l'immeuble est adjugé en définitive, est censé avoir été, ab initio, propriétaire du total, il s'ensuit que la femme est censée avoir été propriétaire, au moment du mariage, de la totalité de l'immeuble dont il s'agit. Or, si cela eût été effectivement, cet immeuble, sous le régime de la communauté, eût été propre de plein droit, et sans stipulation. Mais, sous le régime dotal, peut-on dire que, dans la même hypothèse, le tout eût été dotal? Non, sans doute; car la femme aurait pu être propriétaire du total, et cependant n'en constituer qu'une partie en dot, et se réserver le surplus comme paraphernal. Donc, il n'y a pas de parité entre les deux espèces; et d'ailleurs le principe de l'inaliénabilité étant exorbitant du droit commun, ne doit pas être étendu.]

6o. Une partie des immeubles dotaux peut être aliénée, toujours avec les mêmes formalités, pour payer les grosses réparations nécessaires à la conservation du reste.

1558.

7o. Enfin, le mari peut, avec le consentement de la femme [Ici, il faut le consentement de la femme parce qu'il n'y a pas nécessité, comme nous l'avons déjà fait observer; il y a seulement utilité.], l'autorisation de justice, et d'après une estimation par experts nommés d'office par le Tribunal, échanger l'immeuble dotal contre un autre de même valeur, à un cinquième près au plus. Dans ce cas, l'immeuble reçu en échange est dotal; la soulte, s'il y en a, l'est également; et il en est fait emploi comme dessus. 1559. Ces différens cas exceptés, l'immeuble dotal ne peut, comme nous l'avons dit, être aliéné ni hypothéqué pendant le mariage, à quelque titre, et sous quelque prétexte que ce soit. [Ainsi l'hypothèque judiciaire résultant des jugemens de condamnation obtenus contre la femme pendant le mariage, ne frapperait pas l'immeuble dotal. Sic jugé à Limoges, le 18 juin 1808. (SIREY, 1812, 2o part., p. 168.) Mais cette hypothèque, quoiqu'acquise pendant le mariage, ne frapperait-elle pas au moins cet immeuble, à compter de la dissolution du mariage? On pourrait le soutenir. Nec obstat que l'hypothèque conventionnelle,

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établie pendant le mariage sur l'immeuble dotal, serait absolument nulle: car il y a cette différence, que l'hypothèque conventionnelle, ne pouvant frapper que les immeubles présens et expressément spécialisés, ne peut s'étendre à ceux qui étaient inaliénables au moment où elle a été établie; au lieu que l'hypothèque judiciaire pouvant frapper les immeubles présens et à venir du condamné, peut s'étendre à ceux qui étaient inaliénables à l'époque du jugement, mais qui sont devenus aliénables depuis, comme elle s'étend à ceux que le condamné ne possédait pas encore à cette 'époque, et dont il a fait depuis l'acquisition.

Quid, s'il s'agissait de condamnations obtenues pour dettes antérieures au mariage? Comme aux termes de l'art. 1558, l'immeuble dotal peut être aliéné pour payer ces sortes de dettes, je pense qu'il peut être, à plus forte raison, hypothéqué à ces mêmes dettes, si toutefois elles ont une date certaine, et sauf à suivre pour l'aliénation " si elle a lieu, les formes prescrites par ledit art. 1558, et ce que nous avons dit ci-dessus.

L'on voit, au surplus, par là que nous ne partageons pas l'opinion de ceux qui pensent que le fonds dotal ne peut être saisi après le mariage pour dettes valablement contractées pendant le mariage. Et effectivement c'était l'ancienne opinion. Voir ROUSSEAUD DE LA COMBE, verbo Doт, part. 2, sect. 3, no 6, et les auteurs cités par lui. Voyez cependant un arrêt de Riom, du 2 février 1810. (SIREY, 1814, 2o part. p. 99.)

La Cour de Cassation a été plus loin; elle a jugé, par son arrêt du 1er février 1819, rapporté au Bulletin, no 7, que le paiement des dettes contractées pendant le mariage par la femme dûment autorisée, ne pouvait, après le mariage, être poursuivi sur sa dot, même mobilière; et la même chose paraît avoir été jugée par la Cour de Paris, le 26 août 1820. (SIREY, 1821, 2o part., p. 84.)

La Cour de Cassation s'est appuyée sur ce que le Code, en conservant le régime dotal, a entendu conserver l'ancien droit, d'après lequel la femme ne pouvait, a-t-on dit, aliéner sa dot mobilière, même indirectement, en contractant

des obligations exécutoires sur ses meubles et deniers dotaux.

Nous avons vu avec plaisir la Cour de Cassation chercher dans l'ancien droit des moyens d'interpréter le nouveau, et dans nos notes très-étendues sur l'art. 747, nous avons témoigné notre regret de ce qu'elle s'était écartée de cette méthode, surtout dans un cas extrêmement favorable. Mais ici la jurisprudence alléguée par la Cour de Cassation, est-elle bien constante? Le contraire paraît résulter de ce que dit DE LA COMBE, loco citato, verbo Dor, part. 2, sect. 3, no 6, où, après avoir dit qu'on ne peut se pourvoir sur les biens dotaux pour dettes contractées par la femme pendant le mariage, il ajoute que l'on peut se venger sur ses paraphernaux, ou surseoir l'exécution jusqu'après la dissolution du mariage; ce qui est bien évidemment dire que les biens dotaux sont saisissables après le mariage, pour dettes contractées pendant le mariage; et il cite FABER et DESPEISSES à l'appui de cette opinion.

Enfin il me semble que cette doctrine constitue la femme, qui n'a point de paraphernaux, dans une incapacité absolue de contracter pendant le mariage; ce qui paraît contraire à l'esprit et à la lettre du Code. Je n'ai donc vu, dans les considérans de cet arrêt, aucun motif suffisant pour me déterminer à changer d'opinion sur cette question. Cependant la Cour de Cassation paraît regarder ce point de jurisprudence comme constant, ainsi que l'on peut en juger par les considérans d'un arrêt du 9 avril 1823, rapporté dans SIREY, 1823, 1oo part., pag. 331.

re

La nullité de l'hypothèque conventionnelle établie pendant le mariage, pourrait-elle être demandée par tous ceux qui auraient intérêt, tels que les créanciers chirographaires, ou hypothécaires postérieurs de la femme? Je pense qu'oui. L'inaliénabilité du fonds dotal est en quelque sorte d'ordre public, puisque la nullité des aliénations peut être demandée par les époux mêmes qui les ont consenties; et les acquéreurs sont, en général, bien plus favorisés dans le Code que les créanciers. Donc à fortiori, etc.

Ce que nous venons de dire des dettes civiles, doit s'ap

pliquer également aux obligations résultant des quasi-délits, ou des délits n'emportant pas mort civile. L'exécution n'en peut être poursuivie sur l'immeuble dotal, qu'après la dissolution du mariage. (ROUSSEAUD DE LA COMBE, loco citato.)]

En conséquence, toute aliénation qui en aurait été faite, peut être revoquée sur la demande, soit de la femme après la séparation de biens, soit d'elle ou de ses héritiers après la dissolution du mariage, soit même du mari pendant le mariage; sauf, dans tous les cas, les dommagesintérêts de l'acheteur contre le mari, s'il n'a pas déclaré, 1560.dans le contrat de vente, que le bien était dotal.

[Dans quel délai la demande en révocation de l'aliénation doit-elle être formée? Il faut distinguer : Pendant le mariage, et à l'égard du mari, je pense qu'il n'y a pas de prescription; tant que dure le mariage, cette nullité est d'ordre public, et ne peut se couvrir par aucun laps de temps. Mais après la dissolution, il faut appliquer l'article 1304, et décider en conséquence que l'action doit être intentée dans les dix ans, à compter de cette dissolution. Nec obstat que les actions révocatoires ne se prescrivent que par 30 ans. Il faut, en effet, bien distinguer l'action révocatoire, de l'action en nullité ou en rescision. La premiere suppose un acte entièrement valable dans son principe, et dont la révocation résulte d'un événement postérieur. La seconde au contraire suppose que l'acte a été infecté, ab initio, d'un vice quelconque qui est le fondement de l'action. Ainsi, dans l'art. 930, la donation était certainement valable dans son principe. Mais elle est révoquée par la survenance d'un enfant au donateur: ce n'est point une nullité; ce n'est point une rescision. L'article 1304 n'est donc point applicable. Mais ici, il s'agit d'une aliénation nulle dans son principe, puisqu'elle est faite contre la prohibition de la loi. Ce n'est donc qu'improprement que le rédacteur de l'art. 1560 s'est servi du mot révoqué. Annulé serait l'expression propre. L'action est donc une véritable action en nullité, qui ne doit durer que dix ans.]

[La révocation de l'aliénation peut avoir lieu sur la de

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