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payer, mais de rendre compte ; c'est-à-dire, de faire connaître ce qu'elles sont devenues; putà, si elles ont péri avec les bêtes, comme dans les maladies contagieuses, où la police oblige souvent d'enterrer les bêtes mortes, entières, et sans les dépouiller.]

Mais il faut observer, qu'en disant que le preneur n'est pas tenu des cas fortuits arrivés sans sa faute, il faut entendre qu'il n'en est pas tenu à lui seul et totalement, mais que ces cas fortuits font partie de la perte, qui doit être supportée en commun par lui et le bailleur, d'après le prix de l'estimation originaire, et celui de l'estimation qui doit être faite à l'expiration du cheptel, ainsi que nous

l'allons voir.

1810.

Si cependant l'accident était tel, que le cheptel eût péri totalement, la perte serait en entier pour le bailleur. Ibid. Cette disposition est de l'essence du cheptel, tellement qu'il n'est pas au pouvoir des parties d'y déroger. [Mais elle est 1811. stipulée, car il en résulte que, si, sur un cheptel de cent bêtes, il en périt quatre-vingt-dix, le preneur supporte la perte de quarante-cinq : s'il périt tout entier, il ne supporte rien. Voici, au surplus, la raison donnée par COQUILLE, dont on a suivi l'opinion, telle qu'elle se trouve dans son Commentaire sur l'art. 4 de la Coutume de Nivernois. Pour qu'il y ait cheptel, il faut qu'il y ait un fonds de bétail; dès qu'il n'y a plus de fonds, il n'y a plus de cheptel, plus de contrat. Il faut donc alors se référer à la règle ordinaire, d'après laquelle res domino perit. Or, dans le cheptel simple, le fonds de bétail appartient en entier au bailleur.

Mais quand le cheptel n'a pas péri en entier, ce qui reste, suffit pour soutenir le contrat : le bail dure donc jusqu'à ce qu'il soit résolu, soit par l'expiration du temps fixé, soit par la volonté des parties; et alors elles doivent se faire mutuellement raison de la perte.

Malgré cette raison de COQUILLE, je pense qu'il eût été plus juste et plus conforme à l'esprit général qui a dicté les règles relatives au cheptel, d'établir que le preneur ne supporterait une part dans la perte, qu'autant que la perte

totale n'excèderait pas une quote déterminée, par exemple, le tiers, le quart, même la moitié, etc.]

Quoique le bailleur soit toujours propriétaire, il doit néanmoins, si le preneur est fermier d'une autre personne,

notifier le cheptel au propriétaire de la ferme, qui, sans 1813. cette formalité, pourrait le faire saisir et vendre, en paie2102. ment de ses loyers. [C'est une conséquence de l'article 2-102,

n° 4, qui donne au locateur le droit d'être préféré, sur les objets qui garnissent sa maison ou sa ferme, même au propriétaire desdits objets, à moins qu'il ne soit prouvé qu'il avait connaissance que ces objets n'appartenaient pas à son locataire.]

Le fonds du cheptel appartenant au bailleur pour la propriété, et au preneur pour la jouissance, il est évident que l'un ne peut disposer d'aucune bête du troupeau, sans le consentement de l'autre. Il en est de même du croît, dont la propriété reste indivise jusqu'au moment du par1812. tage. [Il suit de là que les créanciers du bailleur ne peuvent

saisir le cheptel, ou au moins qu'ils ne peuvent le faire vendre, qu'à la charge de l'entretien du bail à cheptel, pendant le temps fixé par la loi ou par la convention.

Quid, s'il s'agissait de vieilles bêtes, ou autres, telles qu'il fût avantageux de les vendre, et que le bailleur s'y refusât? Je pense que le preneur pourrait, le bailleur dûment appelé, se faire autoriser par le juge à les vendre, et que le bailleur pourrait même être condamné aux dommages-intérêts, s'il y avait lieu; putà, si la bête était morte intereà, si l'on avait manqué une occasion avantageuse de s'en défaire, etc.

Anciennement, les articles 8 de la Coutume de Berri, et 16 de la Coutume de Nivernois, permettaient au bailleur de saisir et revendiquer le bétail vendu par le cheptelier. L'on peut voir dans POTHIER, articles 40 et 41, plusieurs questions et décisions à ce sujet. Je pense que, dans notre droit, la question est décidée d'une manière beaucoup plus simple par les articles 2279 et 2280, qui établissent, d'une manière générale, qu'en fait de meubles, la possession vaut titre, et qui ne font d'exception que pour la

chose perdue ou volée, qui peut être revendiquée pendant trois ans ; et encore à la charge, par le propriétaire, de rendre au possesseur le prix qu'elle lui a coûté, s'il l'a achetée dans une foire, etc. Ainsi, d'abord, quand on regarderait le cheptel vendu par le cheptelier, sans le consentement du bailleur, comme une chose volée, il s'ensuivrait toujours que celui qui l'aurait acheté dans une foire, etc., ou d'un cheptelier qui ferait le commerce de bestiaux, pourrait le retenir jusqu'à ce qu'on lui remboursât le prix d'achat, et que, s'il l'avait revendu, il ne serait passible d'aucun recours. Il resterait donc à décider seulement quel serait le droit du propriétaire du cheptel, si le détenteur l'avait acheté de bonne foi, autrement que dans une foire, ou marché, etc., ou d'un marchand vendeur de choses pareilles. Je pense, ainsi qu'il sera dit ci-après, qu'il y a bien vol, dans ce cas, de la part du cheptelier, dans le sens moral attaché à ce mot, c'est-à-dire, dans le sens qu'il a disposé de la chose d'autrui, sans le consentement du propriétaire; mais non dans le sens de l'article 2279, dans lequel on doit entendre par voleur celui qui a appréhendé la chose sans ce même consentement. Il y a cette différence entre les deux cas, que dans le vol, tel qu'il est entendu dans l'article 2279, il n'y a rien à reprocher au propriétaire; tandis que, dans les autres cas, celui du cheptel, par exemple, il doit s'imputer d'avoir choisi un cheptelier infidèle, et d'avoir exposé par là les tiers à être trompés. Je pense donc que, dans aucun cas, le propriétaire ne pourrait revendiquer entre les mains d'un tiers, à moins qu'il ne prouvât que ce tiers connaissait la qualité du cheptelier, et la nature du droit qu'il avait sur les bestiaux vendus.

Mais, dans ce cas, le cheptelier serait-il coupable de l'abus de confiance qualifié par l'article 408 du Code Pénal? Jugé la négative en Cassation, le 5 octobre 1820. (SIREY, 1821, 1re partie, pag. 20.) Cette décision me paraît bien indulgente. Il me semble que le cheptel est bien remis, à la charge de le rendre, et d'en faire un usage déterminé.]

VII.

17

Quant à la tonte, il est naturel qu'elle se divise à chaque fois; c'est pour cette raison que le preneur est tenu de pré1814. venir le bailleur du moment où elle doit être faite. [Anciennement, cela n'était exigé que quand la tonte avait lieu avant l'époque ordinaire, putà, si elle était nécessaire pour la santé du bétail. (Coutume de Berri, article 6.) Les laines provenant de ces tontes extraordinaires, se nommaient écouailles. (Voyez des Lettres-Patentes du mois d'août 1739, rapportées par POTHIER, no 39.)]

Le cheptel se partage à la fin du bail, qui lui-même finit au temps fixé par la convention. [Quelquefois le cheptel contient la clause que le bailleur pourra demander le partage quand il le voudra. Mais même, quand cette clause existe, le partage ne peut être demandé tempore non opportuno. C'est l'opinion de COQUILLE, sur l'article 9 de la Coutume de Nivernois. Les époques les plus favorables pour le partage des cheptels, sont la Saint-Jean et la SaintMartin.] S'il n'y a rien de stipulé à ce sujet, la durée légale 1815. est de trois ans, sauf au bailleur à demander la résolution 1816. avant ce temps, si le preneur ne remplit pas ses obligations. [C'était le terme fixé par l'article 1er de la Coutume de Berri. Mais les parties peuvent intereà, partager le croît. Elles peuvent également, en donnant un terme au cheptel, convenir que le croît se partagera tous les ans, à des époques déterminées. Quand il y a eu aussi des partages partiels du croît, les bêtes échues à chacune des parties leur appartiennent en toute propriété; et chacune d'elles peut en disposer sans le consentement de l'autre.

Dans le cheptel, y a-t-il tacite réconduction? D'après le même article 1r de Berri, si, à l'expiration du terme légal ou conventionnel, il se passait quinze jours sans que le partage eût été demandé par l'une ou l'autre des parties, le cheptel continuait jusqu'à la Saint-Jean suivante. Probablement cet usage serait encore observé aujourd'hui.

Le partage qui a lieu à la fin du bail, se nommait, dans les Coutumes, exig; exiguer, faire le partage.] De quelque manière que le bail cesse, il est procédé à

une nouvelle estimation du cheptel. Si elle est inférieure à celle qui a été faite dans le principe, le bailleur prend tout ce qui existe; et la perte se partage entre lui et le preneur.

Si elle est égale, le bailleur prend également tout, et n'a rien à répéter.

Si elle est supérieure, le bailleur prélève des bêtes de chaque espèce, jusqu'à concurrence de la première estimation, et le surplus se partage.

1817.

Tout autre prélèvement est rigoureusement interdit au bailleur; et toute stipulation contraire est nulle. [C'est 1811. une conséquence de l'observation rapportée ci-dessus, dans la note 2 du bail à cheptel. ]

§ II.

Du Bail à cheptel avec le Colon partiaire du Bailleur.

Ce bail est soumis, en général, aux règles et clauses établies dans le paragraphe précédent, sauf les exceptions suivantes :

1o. On peut y stipuler, que le bailleur aura une partie des laitages; au plus, la moitié;

Qu'il aura une plus grande part que le preneur dans les autres profits;

1830.

Qu'il aura droit de prendre la part du colon dans la tonte, à un prix inférieur à la valeur ordinaire. [Pour 1828. quoi ces différences? C'est, d'abord, qu'on peut présumer que le prix du bail a été fixé en conséquence de ces différentes stipulations; et, en second lieu, que le bailleur contribue ici à la nourriture du cheptel, puisque cette nourriture est prise sur les produits de la métairie; ce qui diminue d'autant la part revenant au bailleur dans ces mêmes fruits. Cependant il y a encore plusieurs clauses prohibées dans ce contrat; ainsi l'on ne pourrait stipuler: 1°. Que le bailleur aurait plus de moitié dans les laitages;

2°. Que le colon serait tenu de la perte totale;

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