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créancier par l'action de in rem verso, et jusqu'à concurrence de ce dont elle aurait profité de l'obligation, sans pouvoir lui opposer les créances qu'elle aurait ellemême à exercer pour d'autres objets contre l'associé qui a contracté avec lui. Cette distinction est fondée sur ce que le créancier qui contracte avec un associé traitant au nom et pour le compte de la société, a entendu avoir la société pour obligée. A la vérité, l'associé n'avait pas de pouvoir suffisant; mais l'emploi qu'il a fait, pour le compte de la société, de la chose qui faisait l'objet de l'obligation, a donné au créancier les mêmes droits que s'il avait traité avec un mandataire de la société. D'ailleurs, l'associé a été, dans ce cas, le gérant d'affaires de la société. Or, nous voyons par l'article 1575, que le maître doit remplir les engagemens que le gérant a contractés en son nom, si toutefois l'affaire a été bien administrée. Il y a ici bonne. administration, puisque l'on suppose que la chose qui faisait l'objet de l'obligation, a été employée dans l'intérêt de la société. Enfin, la rédaction de l'article 1864 favorise elle-même cette interprétation; car il y est dit que la stipulation que l'obligation est contractée pour le compte de la société, lie les autres associés, lorsque la chose a tourné au profit de la société. Or, envers qui les lie-t-elle? Ce n'est pas envers l'associé qui a contracté : les associés sont liés entre eux par le contrat de société même et sans avoir besoin d'aucune stipulation ultérieure. Ce ne peut donc être qu'envers le créancier; donc le créancier a contre eux l'action directe, et non pas seulement du chef de l'associé avec lequel il a contracté.

Observez, 1o que, dans tous les cas où la société est tenue, chacun des associés n'est obligé que pour sa part, conformément aux dispositions de l'article 1863;

Et 2o que ces divers principes ne s'appliquent pas aux sociétés de commerce. Dans ces sortes de sociétés, quand elles sont en nom collectif, il suffit qu'un seul des associés ait signé un engagement sous la raison sociale, pour qu'il oblige, même solidairement, tous les autres associés en nom collectif, à moins cependant que l'acte de société,

contenant la clause qu'un ou plusieurs des associés sont seuls autorisés à signer, n'ait été affiché, conformément aux articles 42 et 43 du Code de Commerce; auquel cas, l'associé ou les associés autorisés à signer, ont seuls le droit d'obliger tous les autres.]

Dans tous les cas où la société est tenue, s'il ne s'agit point d'affaire de commerce, il n'y a pas de solidarité entre les associés, et chacun d'eux n'est tenu que pour sa 1862. part. [Quand même ils auraient tous contracté l'obligation, à moins que la solidarité n'ait été stipulée. (Art. 1202.)] Mais aussi, ils sont tenus, chacun pour une part égale, envers le créancier, quand même la part de l'un d'eux dans la société serait moindre, à moins que l'acte n'ait spécialement restreint son obligation au prorata de sa 863. part dans la société. [Entre eux, ils sont, dans tous les cas, tenus dans les proportions déterminées par l'acte de société. La raison de différence est, que le créancier est censé ignorer les dispositions de l'acte, tant qu'il n'est pas prouvé qu'on lui en a donné connaissance. Il faut donc, dans ce cas, recourir aux principes généraux des obligations, d'après lesquels, dans une obligation divisible, contractée par plusieurs personnes sans solidarité, chacune d'elles est obligée pour une part égale. La même raison ne peut s'appliquer aux associés entre eux.

Mais le créancier pourrait-il, s'il le voulait, demander à chaque associé sa part, telle qu'elle est fixée dans l'acte de société? Je le penserais, d'autant plus que l'article 1863 paraît, d'après sa rédaction, avoir été fait uniquement dans l'intérêt du créancier, et pour ôter à l'associé qui, aux temes de l'acte de société, ne devrait qu'une part moindre dans la dette, le droit de pouvoir, à raison de ce, opposer aucune exception au créancier. Celui-ci peut donc renoncer au bénéfice de cet article, et déclarer qu'il a eu connaissance de l'acte de société, et qu'il a contracté dans les termes de cet acte.]

CHAPITRE III.

Des Droits et des Obligations des Associés.

Les dispositions contenues dans ce chapitre sont relatives,

1o. A l'apport de chacun des associés;

2o. Aux choses qui composent le fonds commun.

SECTION PREMIÈRE.

Des Obligations respectives des Associés, relativement à leur apport.

Chaque associé est débiteur, envers la société, de tout ce qu'il a promis d'y apporter. En conséquence, d'après 1845. le nouveau principe adopté dans l'art. 1138, quand l'apport est de la propriété d'un corps certain, la société en est propriétaire; la chose est à ses risques du moment de la convention [Par conséquent, avant qu'elle ait été livrée. La société est propriétaire, de ce même moment; donc, etc. On oppose à ce principe l'article 1867. (Voyez ci-après, la note 6o de la dissolution de la société.)], et elle a droit aux fruits, à compter de l'époque à laquelle la livraison a dû en être faite. [L'article 1846 ne parle 1846. que des intérêts; mais il est clair qu'il en doit être de même, à plus forte raison, des fruits. D'ailleurs, l'associé est censé vendeur à l'égard de la société (art. 1845); or, dans la vente, les fruits appartiennent à l'acheteur, du moment du contrat. (Art. 1652.) Enfin, dès que la société cst propriétaire de ce moment, elle a droit aux fruits.]

Nous avons dit quand l'apport est de la propriété : car, s'il ne consiste que dans la jouissance de la chose, il est évident que l'associé reste toujours propriétaire, et que, conséquemment, la chose est à ses risques. [Ce qui rend 1851. la position des associés bien différente. Supposons, en effet, deux paysans qui, ayant chacun une vache, con

viennent de les mettre en commun. S'ils ont mis les vaches mêmes en société, du moment de la convention chaque associé est devenu propriétaire, pour moitié, de chacune des deux vaches; et, si l'une d'elles vient à périr, la société continue pour l'autre vache, qui continue elle-même d'appartenir aux deux associés. Mais s'ils n'ont mis en société que les produits de leurs vaches, alors chacune d'elles continue d'appartenir à son propriétaire; et si l'une périt, non-seulement celui à qui elle appartient, n'a rien à prétendre dans la propriété de l'autre; mais encore la société est dissoute de droit, puisque le propriétaire de la vache périe ne peut plus y rien mettre. (Cod. Civ., article 1867.) (Voyez ci-après, la note 4o de la dissolution de la société. Observez, au surplus, que, malgré que la chose soit aux risques de l'associé, la société, comme usufruitière, n'en est pas moins tenue de toutes les dépenses d'entretien.]

Il faut cependant excepter les cas suivans, où, quoique l'apport ne consiste que dans la jouissance, la chose est néanmoins aux risques de la société :

1o. S'il s'agit de choses fongibles. [Nous avons vu au 2 vol., page 298, qu'une chose fongible est celle dont on ne peut se servir sans la perdre et la consommer, ou au moins sans en changer la substance, comme du blé, du vin, etc. L'argent monnayé est aussi une chose fongible, ainsi que nous l'avons également fait observer. Or, comme le droit de perdre ou de consommer, etc., est le caractère distinctif de la propriété, il en résulte qu'à l'égard des choses fongibles, la jouissance et la propriété se confondent, tellement que le droit d'usufruit sur ces sortes de choses, en confère la propriété, sauf restitution. (Code Civil, art. 587.) Lors donc que la chose dont la jouissance a été mise dans la société, est fongible, il est clair que la société ne pouvant s'en servir sans la consommer, et ne pouvant la consommer sans en être propriétaire, la propriété en a été transférée à la société, par cela seul qu'on lui en a donné la jouissance. La chose doit donc périr pour elle. Mais, dira-t-on, il n'y a donc point de différence

entre ce cas et celui où la propriété même aurait été mise dans la société? Je réponds qu'il y en a une très-grande. Lorsque c'est la jouissance qui a été mise en commun, la société a bien le droit de disposer de la chose comme propriétaire; mais lors de la dissolution, l'associé a droit d'en prélever la valeur, ou pareille quantité de choses d'égales nature et qualité. Si c'est, au contraire, la propriété qui a été mise en commun, il n'a aucun prélèvement à exercer.] Il en est de même s'il s'agit simplement de choses qui se détériorent en les gardant. [Dès que ces choses se détériorent en les gardant, on ne peut présumer que les associés aient eu l'intention de les garder, mais bien plutôt celle de donner à la société le droit d'en disposer à titre de propriétaire, sauf prélèvement, comme ci-dessus, lors de la dissolution. Mais, dans ce cas, si la chose existe, détériorée par le temps seulement, l'associé sera-t-il tenu de la prendre dans cet état? Il me semble que le mot risque est général, et comprend non-seulement la perte, mais encore la détérioration. Tout doit donc être pour le compte de la société.]

2o. Si les choses, quoique non fongibles, sont destinées à être vendues [L'associé est censé, dans ce cas, avoir mis dans la société, non la chose elle-même, mais la somme qui en proviendra, et pour la jouissance seulement.], ou ont été mises dans la société sur une estimation [L'associé est censé également, dans ce cas, avoir mis dans la société la jouissance du montant de l'estimation.], portée dans un inventaire; [fait avec tous les associés. Mais je pense qu'il est question ici d'inventaire, enuntiativè seulement, et qu'il suffirait que l'estimation ait été faite contradictoirement avec tous les associés, ou approuvée par eux, pour que l'on dût appliquer la disposition de l'article, quand même elle n'aurait pas été faite dans un inventaire.] Mais dans ce dernier cas, l'associé ne peut, même quand la chose existerait, répéter que le montant de l'estimation. 1851. [Dès que les risques ont été pour la société, elle ne doit pas tenir compte des bénéfices. Mais y aurait-il lieu à la rescision pour lésion dans l'estimation? D'abord, il n'y

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