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temps créanciers personnels de l'individu, au lieu que les créanciers de l'associé ne sont pas créanciers de la société. Sic jugé en Cassation, le 18 octobre 1814. (SIREY, 1815, 1re partie, page 78.) Voir aussi un arrêt de Paris, du 10 décembre 1814. (Ibid., 2e partie, page 79.)]

La bonne foi qui doit régner principalement dans ce contrat, exige que chaque associé ait, pour les affaires de la société, le même soin que pour les siennes propres. En conséquence, s'il se trouve créancier d'une personne qui soit en même temps débitrice de la société, et que les deux créances soient exigibles, les sommes qu'il peut recevoir, sont imputées proportionnément sur lesdites créances, quand même il aurait, dans sa quittance, fait l'imputation en entier sur sa créance particulière [De même, si l'un des associés a vendu avantageusement sa part dans les marchandises de la société, il est censé avoir vendu pour le compte de la société entière.]: mais s'il l'avait faite en entier sur la créance de la société, l'imputation aurait lieu, conformément à la quittance. [Il ne peut revenir contre 1848. son propre fait. D'ailleurs, il lui est bien défendu de s'avantager aux dépens de la société; mais il ne lui est pas défendu d'avantager la société à son préjudice.]

[Il ne faut pas, cependant, qu'il résulte de préjudice pour le débiteur. En effet, aux termes de l'art. 1253 du Code, lorsqu'une personne a plusieurs dettes, et qu'elle fait un paiement insuffisant pour les acquitter toutes, elle a le droit de déclarer quelle est la dette qu'elle entend acquitter. Si donc, dans l'espèce, le débiteur a fait l'imputation, il semblerait qu'elle dût être exécutée. Néanmoins je pense qu'il faudrait distinguer: Si le débiteur a fait l'im putation sur la dette qu'il avait le plus d'intérêt d'acquitter, par exemple, sur une dette qui emportait la contrainte par corps, il n'y a point de doute que l'imputation ne doive valoir; car, dans le même cas, elle aurait lieu de droit, et sans stipulation. (Code Civil, art. 1256.) D'ail leurs l'art. 1848 est fait pour le cas où l'imputation a été dirigée par l'associé. Or, dans l'espèce proposée, ce n'est pas l'associé, mais bien la loi elle-même qui dirige l'imVII.

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putation. Mais si, toutes choses égales, le débiteur a imputé le paiement sur la créance particulière de l'associé, on présumera facilement de la connivence, et l'imputation aura lieu proportionnément sur les deux créances. D'ailleurs, le débiteur ne peut se plaindre dans ce cas, puisque nous avons supposé qu'il n'avait pas d'intérêt à acquitter une dette plutôt que l'autre. ]

Par la même raison, s'il a reçu un à-compte d'un débiteur de la société, qui soit depuis devenu insolvable, il est censé avoir reçu pour le compte de la société entière; il est, en conséquence, tenu de rapporter le tout à la masse, quand même ce qu'il a reçu n'excèderait pas sa part personnelle dans la créance, et qu'il aurait donné quittance 1849. spécialement pour sa part.

Enfin, tout associé doit indemniser la société des dommages qu'il lui a causés par sa faute [Quand y a-t-il faute de la part de l'associé? C'est quand il n'a pas, pour les affaires de la société, le même soin que pour les siennes propres. On ne peut exiger davantage de lui. S'il n'est pas exact dans ses propres affaires, tant pis pour les associés, qui doivent s'imputer de l'avoir choisi. (§ 9, Instit., de Societate.)], sans pouvoir opposer en compensation les profits que son industrie [Pourvu que ce soit le genre d'industrie qui était l'objet de la société; car autrement il pourrait compenser.] aurait procurés à la société dans d'au1850. tres affaires [En effet, il devait à la société tout le produit de son industrie; en le lui donnant, il n'a fait que payer sa dette.]; et, s'il a pris quelque somme sur le fonds commun pour son profit particulier, non-seulement il doit tenir compte du capital, mais encore il doit les intérêts, de plein droit et sans demande, du jour qu'il a tiré les fonds de la caisse commune, sans préjudice de plus amples 1846. dommages-intérêts, s'il y a lieu. [Si le défaut de ces sommes a empêché la société de faire des affaires avantageuses, elle doit en être indemnisée.

Nota. On a jugé, avec raison, à Grenoble, le 28 août 1811 (SIREY, 1813, première partie, page 386), que l'associé qui ne justifie point de l'emploi d'une somme appar

tenant à la société, était censé l'avoir employée à son profit particulier.]

[Jusqu'à quand doit-il les intérêts? SAVARY, Parère 50, pense qu'il les doit, non-seulement jusqu'à la dissolution, mais encore jusqu'à la liquidation de la société ; il est censé en avoir profité jusque là. D'ailleurs, il est possible que, si ces sommes fussent restées dans la caisse commune, elles eussent servi à payer des dettes de la société, qui ont porté intérêt jusqu'à la liquidation.]

CHAPITRE IV.

De la Dissolution de la Société.

La société se dissout :

1o. Comme nous l'avons dit, par l'expiration du temps pour lequel elle a été contractée; elle peut cependant être 1865. prorogée du commun consentement des associés, exprimé dans les mêmes formes que le contrat primitif [Je ne crois 1866. pas que, de ces mots dans les mêmes formes, il faille conclure que, si l'acte primitif est notarié, l'acte de prorogation doive l'être également. Mais cela veut dire que si, par exemple, l'objet de la société est de valeur de plus de cent cinquante francs, comme il a fallu un acte écrit dans le principe (Code Civil, art. 1834), il en faudra un pareil pour la prorogation.];

2o. Par la consommation de la négociation qui en a été l'objet ;

3o. Par l'extinction de la chose formant, à elle seule, le fonds commun. [Par exemple, nous sommes en société 1865. pour la cargaison d'un vaisseau : la cargaison périt; la société est dissoute.] Quant à celles qui composent la mise de fonds de chaque associé, il faut distinguer : Si c'est la jouissance qui a été mise en commun, et que la propriété soit restée dans la main de l'associé [Par conséquent cette disposition n'est pas applicable aux quatre cas prévus par l'art. 1851, alinéa premier, dans lesquels, quoiquè la jouis

sance seulement ait été mise dans la société, la société est cependant devenue propriétaire. Dans ces cas, la perte de ces choses ne dissout pas la société.], la société est dissoute par la perte de la chose, à quelque époque qu'elle arrive [Entre le cas où la jouissance seulement a été mise dans la société, et celui où l'apport est de la propriété, il y a cette différence, que la mise de la jouissance est la mise des fruits qui naîtront de l'objet dont la jouissance est apportée. Il y a donc, en quelque sorte, autant d'apports différens, qu'il y a de perceptions de fruits. D'après cela, lorsque la jouissance vient à cesser pour la société, de quelque manière que cela arrive, il est vrai de dire que l'associé qui a promis d'apporter la jouissance, ne réalise pas son apport; et que, conséquemment, la société doit cesser. Mais lorsque l'apport est de la propriété, l'apport s'est réalisé en entier, du moment que la propriété a été apportée. La société est devenue, de ce moment, propriétaire irrévocable de l'objet. S'il vient à périr, c'est pour le compte de la société, et cela ne doit pas empêcher qu'elle ne continue à l'égard des autres objets, qui en constituent également le fonds commun. Mais quid, si la jouissance de plusieurs choses a été mise dans la société, et que quelques-unes seulement viennent à périr? Je pense qu'il faut appliquer par analogie l'art. 1656, et voir si la chose, ou les choses péries, sont telles, qu'il soit probable que la société n'eût pas eu lieu, si la perte en eût été prévue. Dans le cas de l'affirmative, la société sera dissoute; secùs dans le cas contraire.]; mais si c'est la propriété qui a été mise en commun, la société n'est dissoute [ou plutôt elle est censée n'avoir jamais eu lieu] qu'autant que la perte est arrivée avant que la mise 1867. ait été effectuée. [En effet, nous avons vu ci-dessus que, quand c'est la propriété qui a été apportée, la chose est aux risques de la société. Si donc elle périt, c'est pour la société, et non pour l'associé qui l'a apportée; et la société continue, ayant pour fonds commun les choses apportées par les autres associés. Mais si la chose périt avant que la propriété en ait été apportée à la société, alors elle périt pour son propriétaire; et comme il se trouve par là

hors d'état d'apporter à la société ce qu'il a promis, il en résulte que la société est dissoute, ou plutôt qu'elle ne peut avoir lieu pour ce qui le concerne, ni, par conséquent, pour les autres associés : car, comme nous l'allons voir tout-à-l'heure, la retraite de l'un des associés dissout la société à l'égard de tous.

Mais il reste une difficulté pour concilier l'art. 1867, d'où est tirée la disposition dont il s'agit, avec les principes du droit actuel. En effet, le commencement de cet article, comparé avec la fin, suppose évidemment que la promesse de livrer une chose n'en transfère pas la propriété; ce qui est formellement contraire à ce qui a été dit au Titre des Obligations, et à l'art. 1138 du Code. Je ne vois qu'un moyen de concilier cette contradiction apparente; le voici : quand l'art. 1158 décide que la promesse de livrer transfère la propriété, il suppose clairement que celui qui a promis, était propriétaire de la chose promise. Il ne peut donc s'appliquer à aucun autre cas. Or, qui empêche de supposer qu'il s'agit, dans l'art. 1867, du cas où la chose promise n'appartenait pas, au moment du contrat, à l'associé qui. s'est engagé à la livrer? Ainsi Pierre et Paul savent qu'il doit arriver à Bordeaux et à Marseille deux cargaisons d'un débit avantageux : Pierre s'engage d'acheter celle de Bordeaux, Paul celle de Marseille; et ils s'obligent mutuellement à les mettre en commun, pour en partager les bénéfices. La cargaison de Bordeaux périt par fortune de mer, avant que Pierre ait pu l'acheter. Dans ce cas, Pierre se trouvant dans l'impossibilité d'effectuer sa mise, la so ciété est dissoute, et il n'a aucun droit à prétendre sur la cargaison de Marseille.

Si, au contraire, ils eussent été propriétaires, au moment du contrat, chacun de la cargaison promise, alors, par l'effet de la seule promesse, la propriété en eût été transférée à la société : la perte de la cargaison de Bordeaux eût donc été pour la société, et Pierre n'en eût pas moins eu le droit de réclamer la moitié des bénéfices de la cargaison de Marseille. ]

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