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TITRE VII.

De la Transaction.

La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une con- -2044. testation à naître.

[Pour qu'il y ait transaction, est-il nécessaire qu'il y ait des sacrifices réciproques? La loi 38, Cod. de Transactionibus, décide formellement l'affirmative. Transactio, nullo dato, vel retento, vel promisso, minimè procedit. Mais DOMAT observe avec raison , que cela ne doit pas être entendu à la lettre, qu'il peut y avoir transaction, quoique l'une des parties ne fasse aucun sacrifice. Mais alors, en quoi la transaction diffère-t-elle du désistement dont il est question dans les articles 402 et suivans du Code de Procédure? Le désistement emporte renonciation à la procédure seulement, mais non au droit d'intenter une seconde fois l'action sur de nouveaux erremens. La transaction emporte abandon de l'action même.]

Un contrat, non solennel: Il doit cependant être rédigé par écrit [Pourquoi cela, si l'objet n'excède pas cent cin- Ibid. quante francs? Je n'en vois d'autre raison, si ce n'est que la transaction étant un moyen de terminer le procès, on n'a pas voulu qu'elle pût donner lieu à un procès, sur la question de savoir s'il y avait eu, ou non, transaction. ], mais pour la preuve seulement, et non comme solennité de rigueur. [C'est-à-dire que, si la transaction verbale est avouée, elle devra être exécutée. Secùs, comme nous l'avons vu, dans la donation, où l'écriture est de solennité. ] Il est synallagmatique parfait, et commutatif; cependant il participe aussi de la nature du contrat aléatoire, puisqu'il

est vrai de dire que, dans tout procès, il y a chance incertaine pour le gain ou la perte. C'est même pour cette raison qu'il ne peut jamais être rescindé pour cause de 2052. lésion.

Les parties, capables: La transaction supposant toujours le désistement d'une prétention quelconque, et, le plus souvent, des sacrifices mutuels, il est clair que, pour pouvoir transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. [ Ainsi, le mineur émancipé, pourrait transiger sur les revenus de ses biens; mais non sur ses capitaux mobiliers. La femme séparée pourrait transiger sur son mobilier; la femme mariée sous le régime dotal, le pourrait également sur son mobilier paraphernal.

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Pourrait-on transiger sur des alimens? Anciennement on le pouvait à l'égard des alimens échus, mais non à l'égard des alimens à échoir, si ce n'est avec l'autorité du juge. (L. 8, Cod. de Transact.) Je pense qu'il en doit être de même dans le droit actuel, d'après l'art. 581 du Code de Procédure, qui déclare insaisissables les sommes données ou léguées pour alimens. Or, le principe qui a fait établir cette insaisissabilité, doit faire également décider que l'on ne peut transiger sur ces mêmes objets. En effet, si l'on juge que les créanciers ne peuvent les saisir, c'est que l'on juge qu'ils ne sont pas disponibles dans la main du débiteur, car, aux termes des articles 2092 et 2093, tous les biens du débiteur sont le gage de ses créanciers; or, si le débiteur ne peut en disposer, ils ne sont pas susceptibles d'être l'objet d'une transaction, sauf peut-être le cas où elle serait homologuée par le tribunal en connaissance de cause; cela paraît résulter également des motifs d'un arrêt de Cassation du 21 juin 1815. (SIREY, 1815, ire part., p. 408.)] Nous avons vu au Titre de la Minorité, etc., les conditions nécessaires pour la validité de la transaction faite par le tuteur, soit au nom du mineur avec un tiers, soit avec le mineur lui-même devenu majeur. Par la même raison, les Communes et les établissemens publics ne peuvent transiger qu'avec l'autorisation expresse du Gouver2045. nement. [Voyez deux arrêtés, l'un du 7 messidor an 9,

art. 15, Bulletin, no 712,
et l'autre du 21 frimaire an 12,"
Bulletin, no 3449.) Mais observez que, dans ce cas, le Gou-
vernement n'intervient que comme tuteur, ou défenseur né
de ces établissemens, et non comme autorité administrative.
En conséquence, on ne peut en conclure que les difficultés
qui pourraient survenir relativement à l'effet de la transac
tion, doivent être jugées administrativement. Elles doi-
vent être portées devant les Tribunaux. (Décret du 21 jan-
vier 1812, rapporté dans SIREY, 1812, 2o partie, page
450.)]

Au surplus, la transaction n'a d'effet qu'entre les parties contractantes, tellement que, s'il y a plusieurs principaux intéressés dans la même affaire, la transaction faite par l'un d'eux ne lie point les autres, et ne peut être opposée par eux. [La transaction, en général, est censée faite intuitu 2051. persona. C'est un principe qui trouvera fréquemment son application. Cependant la transaction faite avec le débiteur principal, profite à la caution (art. 2036); mais c'est qu'autrement elle ne profiterait pas même au débiteur principal, à cause du recours que la caution exercerait contre lui.

Quid, à l'égard de la transaction faite avec l'un des débiteurs solidaires, profite-t-elle aux autres co-débiteurs? Je pense qu'elle ne leur profite qu'autant que cela est nécessaire pour qu'elle ait son effet à l'égard du débiteur qui a transigé, c'est-à-dire seulement pour la part qu'il a dans la dette solidaire. (L. 1, Cod. hoc. tit.) Nec obstat l'article 1285; car la transaction n'est pas une remise: elle a lieu, le plus ordinairement, au moyen de sacrifices mutuels; et quand même elle aurait été faite, nullo dato vel retento, il suffit que ce soit un véritable pacte in personam, fait intuitu personæ, pour qu'elle ne puisse pas profiter aux autres co-débiteurs, au delà de la part de celui qui a transigé. En un mot, le débiteur qui a transigé, est censé avoir payé sa part; c'est donc le cas d'appliquer l'art. 1210.

Il en est de même, à plus forte raison, si elle a été faite avec l'un des héritiers du débiteur, elle ne nuit, ni ne profite aux autres co-héritiers. Quid, si l'obligation est indiVII.

2.2

visible? Le créancier pourra toujours demander la chose entière aux autres co-héritiers, en offrant de leur faire raison de la part de celui avec lequel il a transigé. (Argument tiré de l'article 1224).

Quid, à l'égard de la transaction faite par le débiteur avec un des créanciers solidaires? Elle ne vaut que pour la part de ce créancier. (Argument tiré de l'article 1198.)]

Terminent une contestation née, ou etc. : Ainsi , pour qu'il puisse y avoir transaction valable, il faut qu'il y ait contestation, ou matière à contestation. De là il résulte :

un

1o. Que, s'il ne pouvait pas y avoir, dans le droit, de contestation, quoiqu'il en existât une par le fait, comme si, par exemple, il était constaté par titres, que l'une des parties n'avait aucun droit à l'objet sur lequel on a transigé, la transaction serait nulle, si ces titres étaient inconnus aux parties ou à l'une d'elles [si c'est toutefois celle dont ces titres favorisent les prétentions], au moment où elles ont traité. [Si, par exemple, un débiteur transige avec l'héritier de son créancier sur une dette qui lui était remise " par testament qu'il ignorait : si un légataire transige sur un legs dont la rédaction était obscure dans un premier testa— ment, mais était éclaircie dans un second qui était également ignoré; et cela, quand même les deux parties auraient été de bonne foi. Pour qu'il y ait transaction, il faut qu'il y ait res dubia, ou au moins que les parties, en connaissance de cause, l'aient crue telle. (L. 1, ff. hoc. tit.) Dès qu'il n'y a plus de doute, le contrat n'a plus d'objet ; il est donc nul. Mais cependant cette disposition n'a lieu, qu'autant que la transaction est relative seulement à cet objet. Car si elle était générale, et sur toutes les affaires que les parties peuvent avoir ensemble [(L. 29, Cod. hoc. tit.) Ainsi, un prétendant à une succession, qui a transigé sur tous les droits qu'il pouvait y avoir, est censé avoir transigé sur tous les objets qui la composent, soit qu'il les ait connus ou non. Dans une transaction, tout est corrélatif. On peut supposer que les conditions de la transaction n'ont été acceptées par l'une ou l'autre des parties, que parce qu'elles ont espéré être quittes de toute discus

sion, prévue ou imprévue. ], la découverte postérieure de titres inconnus ne serait une cause de rescision, qu'autant qu'ils auraient été retenus par le fait de l'une des parties [Dans ce cas, il y a dol personnel, et nous allons 2057. voir, tout à l'heure, que la transaction peut être rescindée pour dol. D'ailleurs, ceci est un moyen de requête civile. Donc, à fortiori, etc. ];

2°. Que la transaction est également nulle, si, au moment où elle a eu lieu, le procès était terminé par un jugement passé en force de chose jugée, dont les parties, ou au moins celle qui a gagné, n'avait pas connaissance. [ Le 2056. Code dit ou l'une d'elles. Sans doute, si c'est le perdant seul qui avait connaissance du jugement, il est in dolo, et la transaction est nulle; mais si c'est le gagnant, l'on peut croire qu'il a transigé pour l'acquit de sa conscience, ou donandi animo. D'ailleurs, volenti non fit injuria.] Mais si le jugement, quoique ignoré, était susceptible d'appel, la transaction est valable [Par conséquent, s'il n'était Ibid. pas susceptible d'appel, la transaction serait nulle, quand même les parties, ou l'une d'elles, soutiendraient qu'il y avait lieu à cassation. Et en effet, qui jugerait la contestation? La demande en nullité de la transaction doit, d'après les règles de la procédure, être portée d'abord au tribunal de première instance: il faudrait donc que ce tribunal examinât, si un arrêt, par exemple, est, ou non, susceptible d'être cassé; ce qui est contre toutes les règles de la hiérarchie judiciaire. ];

3o. Enfin, qu'il y a-lieu à rescision contre une transaction, quand elle est faite en exécution d'un titre nul, à moins que les parties n'aient expressément traité sur la nullité. [C'est la conséquence des principes établis dans le 2054.. premier alinéa de l'art. 1338.] Quant à celle qui a été faite sur des pièces qui depuis ont été reconnues fausses, elle est entièrement nulle [c'est-à-dire même quant aux chefs 2055. auxquels les pièces fausses ne sont pas relatives. On a voulu abroger, à cet égard, la disposition de la loi 42, Cod. hoc tit., qui n'annulait la transaction que sur les chefs relatifs à la pièce fausse. La disposition du Code civil est plus

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