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Mais comme ne dote qui ne veut, elle n'est censée doter qu'autant qu'elle l'a expressément déclaré. Secùs, dans l'article 1439, parce que la femme, commune en biens, est censée doter avec son mari, quand il dote en effets de la communauté. Mais dans l'article 1544, l'on doit supposer que le père et la mère sont aussi, de leur côté, mariés sous le régime dotal, sous lequel le mari ne peut obliger la femme, en aucune manière, sans son consentement. Autrement, et s'ils étaient mariés sous le régime de la communauté, ce seraient les art. 1438 et 1439 qu'il faudrait leur appliquer; et ce, quand même la fille se marierait sous le régime dotal. ]

- Dans tous les cas, la dot constituée pendant la vie des père et mère, par eux, ou par l'un d'eux seulement, doit être prise sur les biens du ou des constituans, quand même leur fille aurait des biens particuliers dont ils jouiraient ; à moins qu'il n'y ait stipulation contraire. [ Et en effet, quand une 1546. personne déclare qu'elle constitue une dot, on doit entendre qu'elle constitue avec ses propres biens. On ne peut pas dire que l'on constitue une dot à quelqu'un, quand on ne fait que lui rendre ce qui lui appartient. Si cependant le contraire est exprimé formellement, alors plus valet quod actum, quàm quod scriptum intelligitur. L'on doit penser que les parties n'ont pas entendu la valeur du mot constituer. D'ailleurs on peut dire que, même dans ce cas, les constituans dotent aussi de suo; car ils font remise de la jouissance qui leur appartient.] Mais si l'un d'eux est prédécédé, et que le survivant constitue la dot pour biens paternels et maternels, sans spécifier la portion pour laquelle il entend y contribuer, la dot doit se prendre, d'abord sur ce qui revient à l'époux doté dans les biens du conjoint prédécédé, et le surplus seulement sur les biens du constituant. [ Remarquez qu'il y a ici la 1545. stipulation contraire exigée par l'article 1546. Le constituant n'a pas dit seulement qu'il dotait ou constituait une dot; car alors la dot serait prise sur ses biens seuls; mais il a dit qu'il constituait une dot pour biens paternels et maternels: il a donc déclaré expressément qu'il entendait que

les biens déjà recueillis par le futur époux fissent partie de la constitution de dot. Ainsi point de doute à cet égard. Mais il restait une seconde question à résoudre, c'était celle de savoir pour quelle part ces biens devaient contribuer à la dot. Cette question était décidée diversement dans le droit Romain. La Novelle 21 de l'empereur Léon portait que, dans le silence de la convention, ces biens devaient contribuer pour moitié. La loi 7, Cod. de Dotis promiss., statuait, au contraire, que la dot devait être prise, d'abord sur les biens du constituant, et seulement, en cas d'insuffisance sur les biens de la personne dotée. Le Code Civil n'a adopté aucune de ces deux opinions; mais se fondant, avec raison, sur la maxime nemo liberalis, nisi liberatus, il a pris l'inverse de la loi du Code Justinien, en décidant que la dot doit être prise d'abord sur les biens de la personne dotée; et le surplus seulement sur les biens du constituant. ]

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En général, ceux qui consistuent une dot, sont tenus à la 1547. garantie des objets constitués, et aux intérêts, à compter du jour du mariage, même quand il y aurait terme pour le paiement [et ce, de plein droit et sans demande, propter 1440.favorem dotis ], à moins que le contraire ne soit formel1548.lement stipulé. [Et même, dans ce cas, à l'expiration du terme les intérêts courent de plein droit. Il faudrait encore excepter le cas où le constituant aurait gardé la femme chez lui, et l'aurait nourrie et entretenue, de manière qu'elle n'eût rien coûté au mari. Car celui-ci ne pouvant réclamer ces intérêts que parce qu'ils doivent lui servir à soutenir les charges du mariage, il n'a pas droit de les demander tant qu'il n'a aucune charge à soutenir. (L. 69, §3, ff. de Jure dotium.) Quid, si, dans ce cas les intérêts avaient été expressément stipulés ? Il faut distinguer: Si, en consentant les intérêts, le constituant s'était en même temps engagé à garder et entretenir la femme, alors cet entretien serait censé faire partie de la constitution 'dotale, et le mari pourrait, en outre, exiger les intérêts intégralement. Dans le cas contraire, il y aurait lieu à compensation jusqu'à due concurrence. ]

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[Est même tenue de la garantie la femme qui s'est dotée de suo; et alors elle est tenue de la garantie sur ses paraphernaux. ( L. 1, Cod. de Jure dotium.) Mais pourrait-elle, en cas d'éviction de l'immeuble constitué primitivement en dot, en donner un autre en remplacement? Oui, sans doute, avec le consentement de son mari. (Art. 1595, au 3°.) Mais alors l'objet donné en remplacement serait dotal, dans le sens qu'il devrait être rendu à la femme en nature ou en valeur, lors de la dissolution du mariage; mais il ne serait pas dotal, quant à l'inaliénabilité. Mais pourrait-il être aliéné par le mari seul, ou le consentement de la femme serait-il nécessaire ? Je pense que le mari pourrait aliéner seul : je me fonde sur ce que l'action en garantie est une action mobilière, puisqu'elle tend à obtenir des dommages-intérêts qui sont toujours quid mobile. La remise de l'immeuble devrait donc, dans ce cas, être regardée comme une véritable dation ou paiement. Or, l'effet de ce contrat est de transférer au créancier la propriété de l'objet donné en paiement. Cette opinion pourrait d'ailleurs, par analogie, être appuyée sur l'art. 1553.

La garantie a lieu dans tous les cas, soit qu'il y ait estimation, ou non, transport, ou non, de propriété. C'est une dérogation aux lois Romaines. La loi 1, Cod. de Jure dotium, n'accordait l'action en garantie que dans trois cas: le premier, lorsque l'objet avait été livré en vertu d'une promesse précédente; et alors le mari agissait par l'action ex stipulatu, s'il y avait eu stipulation; ou, dans le cas contraire par l'action dite condictio certi: le second, si la chose avait été estimée dans le dessein d'en transférer la

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propriété ; et dans ce cas c'était l'action ex empto le troisième, enfin, lorsqu'il y avait dol de la part du constituant, le préteur donnait l'action de dolo. Hors cès trois cas, la garantie n'avait pas lieu. Ce n'était pas que les Romains regardassent la constitution de dot comme une libéralité qui ne devait pas assujétir le donateur à la garantie ( la loi 25, § 1. ff. de His quæ in fraudem creditorum, prouve le contraire); mais c'est parce qu'il n'existait aucune formule d'action à donner au mari. Chez nous

ces subtilités ne sont pas admises, le Code n'a fait aucune distinction, parce qu'en effet la constitution de dot peut être regardée comme une libéralité à l'égard de la femme, mais non pas à l'égard du mari, puisqu'elle lui est donnée ad sustinenda onera matrimonii. De cette distinction, et des principes posés dans la loi précitée, de His quæ in fraudem creditorum, on peut conclure

1o. Que, tant que le mariage dure, l'action en garantie peut être exercée;

2o. Que, si l'éviction n'a lieu qu'après le mariage, et après que la dot a été restituée à la femme, elle ne peut exercer la garantie, parce qu'à son égard c'est une donation. Peut-être, néanmoins, pourrait-on excepter le cas où les biens laissés par le mari seraient insuffisans pour la nourriture, l'entretien, et l'éducation des enfans communs ; parce qu'alors la femme peut dire qu'elle a, comme son mari, les charges du mariage à soutenir, et que, par conséquent, elle ne possède pas la chose à titre purement gratuit;

3°. Que, si l'action en garantie a été exercée par le mari, et que la dot ait été restituée à la femme après la dissolution du mariage, elle doit indemniser le constituant, quatenùs locupletior facta est, et sauf l'exception dont il vient d'être parlé.

Quid, si la dot consiste en créances? Les constituans sont tenus à la garantie portée par l'article 1695.

La garantie des intérêts n'a lieu qu'à compter du jour du mariage, seulement. Si donc un fonds a été livré dotis causa, et que le mariage ne se soit fait que quelque temps après, les fruits perçus interim augmentent la dot. (L. 7, S1, ff. de Jure dotium.)

Quid, si la dot consiste en une créance à terme, qui ne porte pas intérêt ? Le fait de la constitution de dot ne peut changer la condition du débiteur. Il ne devra donc pas les intérêts; et je ne pense pas qu'ils puissent même être exigés du constituant, à moins que le contraire ne résulte des termes de la convention.]

SECTION II.

Des Droits du Mari sur les biens dotaux, et de l'Inaliénabilité du Fonds dotal.

Ier.

Des Droits du Mari sur les Biens dotaux.

La dot étant tout ce qui est donné au mari pour soutenir les charges du mariage, il en résulte qu'il doit avoir seul, pendant le mariage, l'administration des biens qui la composent ; qu'il a seul droit d'en poursuivre les débiteurs et détenteurs, d'en percevoir les fruits et intérêts, et de recevoir le remboursement des capitaux; le tout, sans être 1549. tenu de donner caution, à moins qu'il n'y ait été assujéti par le contrat de mariage. [Par conséquent, il pourrait 1550. intenter l'action pétitoire pour les biens dotaux, seul et sans le concours de sa femme. Secùs, comme nous avons vu, dans le régime en communauté. La différence tient à ce que, dans le régime dotal, on a suivi davantage l'esprit des lois Romaines, qui donnaient au mari la revendication des biens dotaux. (LL. 11, Cod. de Jure dotium, et 9, Cod. de Rei vindicat.) D'ailleurs, sous le régime en communauté, on exige le concours de la femme, parce que son consentement est nécessaire pour l'aliénation, et qu'on tient en général qu'en matière de propriété, la capacité d'agir tient à la capacité d'aliéner. Mais, sous le régime dotal, le fonds dotal n'est pas plus aliénable avec le consentement de la femme, qu'avec celui du mari; et, comme il faut cependant que les actions pétitoires soient intentées, on a pu accorder au mari, sans inconvénient, le droit d'y procéder seul. Sic jugé à Aix, le 9 janvier 1810. (Journ. de la Jurispr. de Code Civil, tome XIV, page 289.) (Voir, au 3o vol., page 383.)

Quant aux fruits et intérêts, le droit du mari est absolument celui d'un usufruitier. Aussi en a-t-il toutes les obli

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