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teur trop partial, propose de la terminer par une olive. Cette suppression de la pointe acérée du lithotome, quoique repoussée par Frère Côme, n'avait que des avantages; elle est restée dans la pratique.

En dehors de la modification apportée par Charrière au manche de l'instrument, pour simplifier et graduer avec plus de précision le degré de l'ouverture de la lame tranchante, le lithotome caché est resté tel à peu près que Frère Còme nous l'avait laissé. Il se compose de trois pièces principales: une gaine métallique lisse, arrondie, de petit diamètre, fenêtrée dans presque toute sa longueur, légèrement recourbée, pour s'adapter à la configuration de l'urèthre, aplatie et amincie à son bec, qui doit glisser dans la cannelure du cathéter. La fenêtre ou la gouttière est ouverte du côté de la convexité. Un manche solide, à pans légers, à surface rugueuse pour être mieux en main, supporte la gaîne. Dans la gaîne est cachée la lame, longue, solide, terminée par un petit bouton; aplatie, ou simplement émoussée à son extrémité vésicale; légèrement courbe comine la tige qui la renferme, et coupante dans presque toute la longueur de son bord convexe. Mobile autour d'une charnière, elle se continue du côté du manche par une plaque métallique plus large et plus épaisse qui sert à lui imprimer des mouvements. Au repos, la lame coupante est cachée dans la gaîne, et sa plaque manuelle est tenue éloignée par un ressort du manche du lithotome. En pressant sur la plaque, on la rapproche du manche, en même temps la lame sort de sa gaîne et fait saillie au dehors. Le rapprochement de la plaque est limité par un bouton, mobile sur une tige graduée et indiquant en millimètres le degré d'ouverture de l'instrument. Pour faire rentrer la lame, il suffit de cesser toute pression sur sa plaque manuelle: le ressort la ramène dans sa gaîne. Thomas, pour la taille latérale, se servait d'un lithotome caché analogue à celui de Frère Côme, mais plus court, à tige droite et dont l'extrémité de la gaîne était surmontée par une pointe en fer de lance. Sur le dos de l'instrument pouvait s'adapter un petit gorgeret.

Pour faciliter l'entrée du lithotome caché dans la cannelure du cathéter, Leroy d'Étiolles (1857) a proposé les modifications suivantes :

1° Loger dans la crête du lithotome une petite lame qui incise l'urèthre et rentre dans la gaîne pendant que le bout de l'instrument glisse dans la cannelure du conducteur et pénètre dans la vessie;

2o Creuser sur l'embout ou la crête du lithotome une fente ou rainure profonde destinée à servir de conducteur. Le chirurgien, après avoir incisé l'urèthre sur la cannelure du cathéter, passe dans la main gauche le bistouri dont il maintient la pointe appuyée au fond de la rainure; il saisit de la droite le lithotome, et engage dans la fente terminale le tranchant du bistouri qui le conduit sûrement dans la cannelure du cathéter. Cette modification, comme tant d'autres, est bientôt tombée dans l'oubli.

Quand Dupuytren, en 1824, remit en honneur, pour ne pas dire plus, la taille bilatérale, Charrière, sur ses indications, construisit un lithotome double destiné à sectionner du même coup les diamètres obliques postérieurs de la prostate. Comme on disputait au grand chirurgien la priorité de l'opération, on fouilla les musées et les bibliothèques pour y trouver le cystotome à double lame. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les planches de Franco pour voir que ses tenailles incisives, dont au reste il ne se servit jamais, ne sont que le lithotome double, moins parfait et à lames droites. Sédillot l'a retrouvé dans Jean de Gerssdorf (1517). Il est également gravé dans la chirurgie de Tagault (1543),

et dans la chirurgie de Guy de Chauliac, comme instrument destiné au débridement des plaies. Encore ce dernier ne s'en donne pas comme l'inventeur, et semble l'avoir pris dans Avicenne. Mais il faut remonter bien plus loin de nous, si l'on en croit Tillaux, pour trouver l'origine de ce bistouri caché à double lame. «M. Mathieu, dit-il, nous a montré un lithotome rigoureusement semblable à celui dont nous parlons, attribué à Franco. Il proviendrait des fouilles de Pompeï. Cette origine, cette identité, avec les dessins d'Heister, Lecat, etc., nous paraissent inexplicables. >>

Fleurant, de Lyon, appliqua le lithotome double à la section de l'urèthre et du col vésical chez la femme, en remplaçant par un ressort la vis qui agissait sur les lames.

Nélaton, pour diminuer le volume de l'instrument, a fait supprimer les trois quarts de la partie postérieure de la gaîne. Les lames sont parfaitement protégées et plus fortes.

Le lithotome double de Charrière se compose essentiellement d'une gaîne métallique aplatie, légèrement courbée, terminée par une pointe mousse à son extrémité vésicale, et montée sur un manche solide. Dans cette gaîne sont cachées deux lames tranchantes sur leur bord concave, courbées dans leur longueur comme la tige fenêtrée qui les renferme; lames qu'on fait saillir en pressant sur un levier mobile adapté à l'instrument et placé près de son manche dont un ressort le tient écarté. Un bouton mobile permet de déterminer et de limiter avec précision la saillie de ces lames disposées de façon à prendre la direction des rayons obliques postérieurs de la prostate.

Si l'on en croit Bégin, le lithotome de Dupuytren produit seulement une incision légèrement inclinée en bas, qui attaque la prostate au-dessous de son diamètre transversal. L'instrument de Lasserre, dont les lames écartées s'abaissent en tournant sur elles-mêmes et font succéder une double incision en bas et en dehors à la division transversale d'abord exécutée, accomplit réellement une double taille latéralisée. Aussi expose-t-il bien plus aux hémorrhagies et aux lésions du rectum.

Beaucoup de chirurgiens préfèrent les incisions transversales de la prostate aux sections obliques de Dupuytren. Aussi adoptent-ils des lithotomes droits dont les lames s'ouvrent horizontalement; tel est celui de Civiale, toujours préférable chez les enfants. Tel est aussi le cystotome double d'Amussat, sorte de grands ciseaux, tranchants sur leurs bords externes et n'ayant qu'un écartement limité.

Dans ses études sur le degré d'ouverture donné par les sections diverses de la prostate, Senn cherche à montrer que le passage le plus large est donné par la section combinée d'un des diamètres transverses et du diamètre oblique postérieur du côté opposé. Suivant ces indications, Dolbeau a fait construire un lithotome double peu utilisé.

Enfin, quand Vidal de Cassis imagina la taille quadrilatérale, Colombat inventa un lithotome à quatre lames qu'il eût été difficile de manoeuvrer sur le vivant.

Mode d'action. Conduits d'avant en arrière dans la rainure du cathéter, les instruments du premier genre poussent devant eux les parties molles et, quelque acéré que soit leur tranchant, exposent à une section incomplète, au refoulement et à la déchirure des tissus.

Au contraire, les lithotomes du second type, d'abord portés dans la vessie,

agissent par traction sur les tissus mous, et exposent bien moins à des déchirures et à des décollements. Adoptés depuis longtemps en France, et d'une façon presque exclusive, ils nous semblent à tous égards préférables.

La fameuse phrase de John Bell: « Le gorgeret glisse! tous les chirurgiens de l'Europe le confessent, » n'a pas peu contribué à discréditer l'emploi de cet instrument. Sans doute, le gorgeret modifié ne glisse pas plus que le bistouri, et nombre d'opérateurs anglais, Cline, Green, Crichton, lui ont dû de nombreux succès; mais son emploi est délicat, sa lame dévie facilement de la direction. voulue, on ne sait jamais au juste jusqu'à quel point le col vésical est divisé, et quelle sera la largeur du canal obtenu.

Restent donc en présence les bistouris simples ou boutonnés et les lithotomes cachés. Pour le bistouri, de quelque façon qu'on l'emploie, l'incision profonde varie avec l'angle que forme sa lame avec la rainure du cathéter. Thompson emploie le bistouri pointu et le pousse avec assurance le long de la rainure jusque dans la vessie, l'inclinant sur le conducteur, suivant la largeur qu'il veut donner à la section prostatique. Sans doute, entre des mains habiles, cette manœuvre séduit par sa grande simplicité. Mais à combien de dangers n'exposet-elle pas? La pointe du bistouri peut sortir de la cannelure et s'égarer dans les tissus; la direction du tranchant, son inclinaison sur le cathéter, varient avec la fixité de la main. Le bistouri boutonné est plus sûr, principalement si on le fait agir de dedans en dehors, mais avec lui comme avec le couteau pointu on ne sait jamais que très-imparfaitement jusqu'à quel point sont divisées les parties profondes, et la moindre échappée expose à des accidents. Un reproche plus sérieux encore, c'est la forme du canal obtenu. A moins que, quittant la rainure du cathéter en même temps qu'il élève la main droite, le chirurgien n'abaisse l'extrémité vésicale de l'instrument pour attaquer le col et la prostate, l'incision obtenue est constamment triangulaire, à base périnéale et sommet prostatique. Ce n'est pas un trajet cylindrique égal en toutes ses parties, mais un canal inégal et irrégulier, plus large là où les tissus se prêtent plus facilement à la distension.

Malgré les hautes autorités chirurgicales qui se sont prononcées en faveur de la taille au bistouri, nous préférons, et non sans raisons, le lithotome caché. Sans doute, les incisions ainsi faites sont loin d'avoir exactement la profondeur indiquée par la règle graduée. Reliquet insiste avec beaucoup de raison sur ce point. Quand la prostate est dure et grosse, une incision profonde ne donne rien, ou du moins pas plus qu'une petite, les deux lèvres de la plaie restant appliquées l'une contre l'autre. Si on écarte ces lèvres, le tissu prostatique se déchire avec la plus grande facilité. Quand il n'y a pas de prostate, une incision faite avec une lame peu saillante donne relativement un trajet bien plus large. Cette remarque est très-juste, mais n'en est-il pas de même avec les autres instruments? Ce qui fait la sécurité relative du lithotome caché, c'est que l'opérateur n'a pas à redouter de donner à son incision, sans le vouloir, des dimensions trop considérables. Il est toujours aisé de venir en aide par des débridements multiples, successifs, peu profonds et non dangereux, à une première section qui parait insuffisante.

Mais le grand avantage du lithotome caché est qu'il donne à l'incision du col et de la prostate une étendue en rapport avec la largeur de la plaie extérieure. Au lieu du canal triangulaire, à base périnéale et à sommet vésical, dont nous donnions tout à l'heure les inconvénients, on obtient, par son emploi régulier,

un trajet dont la largeur est en rapport avec la dilatabilité des tissus où il est

creusé.

Pour la bibliographie et la manœuvre instrumentale, nous renvoyons le lecture à l'article CYSTOTOMIE, où ces détails seront mieux placés.

J. CHAUVEL.

CYSTOTOMIE. Cystotomie, de zon, vessie, et Tévetv, couper. Section, division de la vessie. Synonymes: kystitomie, kystéotomie, lithotomie, taille, opération de la pierre; anglais, cystotomia; italien et espagnol, cistotomia; allemand, Steinschnitt.

Malgré son acception précise, le terme cystotomie n'est qu'assez rarement appliqué, dans les ouvrages modernes de chirurgie, à l'opération de la pierre dans la vessie. Les mots lithotomie et taille, ce dernier surtout, sont bien plus en usage. Nous cherchons en vain les motifs de cette préférence.

L'expression lithotomie, ainsi que le fait très-justement remarquer Daremberg, devrait être rejetée, car elle ne donne pas une idée juste de l'opération à laquelle on l'applique. On ne fend pas la pierre aujourd'hui, comme le faisait Ammonius d'Alexandrie, quand elle est trop grosse pour sortir par l'incision de la vessie; on ne la coupe pas, on la brise. Les tentatives récentes du professeur F. Guyon pour sectionner nettement les calculs avec la chaîne de l'écraseur constituent bien la lithotomie, mais cette section n'est jamais qu'un des temps d'une opération dont la partie principale est l'ouverture de la vessie. Tailler, c'est tout simplement couper, sectionner, diviser. Au moins seraitil bon d'ajouter au mot taille un qualificatif, indispensable pour indiquer les parties intéressées. Le vague de l'expression a peut-être fait sa fortune, et de longtemps encore elle servira dans le public et dans les livres scientifiques pour désigner l'opération de la pierre. Peut-être faut-il, en grande partie, attribuer l'usage prépondérant de ce mot à l'importance plus grande qu'ont acquise de nos jours les incisions périnéales uréthro-prostatiques. La section de la vessie porte exclusivement sur le col de l'organe et parfois dans des limites trèsétroites. Prenant pour base des classifications la direction donnée à la division de la prostate, taille devenait plus commode et même plus juste que cystotomie.

Cependant, depuis quelques années, l'expression de taille est parfois, et avec raison, appliquée à l'ouverture par incision de cavités autres que la vessie. Ainsi l'on dit faire une taille articulaire. Sans vouloir rejeter un terme universellement adopté, nous préférons, en raison de sa signification précise, le mot : cystotomie.

DEFINITION. La cystotomie est l'ouverture par incision de la vessie, dans un but chirurgical. Ce but est le plus souvent l'extraction d'un calcul ou d'un corps étranger enfermé dans le réservoir urinaire; mais la cystite chronique, les ruptures et déchirures des parois vésicales, ont créé pour l'opération des indications nouvelles.

Quelque large que soit cette définition, elle exclurait de notre cadre les tailles par dilatation, chez l'homme et chez la femme. Nous sommes cependant forcé de leur faire place dans cet article, pour ne pas séparer des opérations dont les indications sont les mêmes, et dont la valeur comparative est chaque jour discutée. DIVISION. Étudier la cystotomie comme opération actuelle; discuter la valeur de ses diverses méthodes et leurs indications spéciales; déterminer les conditions dans lesquelles elle doit être préférée à l'opération rivale, la lithotritie,

telle est la partie la plus importante de notre tâche. Mais, malgré les difficultés du sujet, il nous paraît indispensable de jeter un regard en arrière et de suivre depuis l'origine de la cystotomie jusqu'à ces derniers temps les vicissitudes d'une opération jugée digne d'interêt par les plus grands chirurgiens. Cette étude comprendra trois parties:

1° L'historique de la cystotomie;

2o La description des méthodes opératoires actuellement en usage, avec les divers procédés qui se rattachent à chacune d'elles;

5o Enfin, l'appréciation comparative des résultats et de la valeur des différents modes de cystotomie et les indications de cette opération.

I. Historique. « Le vrai chirurgien, le chirurgien amoureux de son art, dit Thompson, se trouve toujours sur son terrain lorsqu'il s'agit de discuter l'histoire et la pratique de la lithotomie; et j'estime, en effet, qu'un aperçu historique de la question constitue la meilleure et la plus utile préface à l'étude pratique qui doit nous occuper aujourd'hui. »

Nombreux sont les écrivains qui ont consacré leurs veilles à l'étude historique de la taille. Deschamps, dont le traité, publié en 1798, a été réédité en 1826 avec des annotations supplémentaires de Bégin, exprime assez bien l'état de la question au moment de son apparition. Il faudrait, dit-il, des in-folio pour décrire seulement tous les procédés et instruments nouveaux inventés jusqu'à ce jour pour l'opération de la pierre. Et Bégin, son annotateur, remarque, trente ans plus tard, qu'en suivant le plan adopté par l'auteur il aurait ajouté à son livre un ouvrage presque aussi volumineux. Que serait-ce aujourd'hui, où le nombre des méthodes et des procédés est devenu bien plus considérable qu'en 1826, où des études nouvelles ont ramené l'attention sur les travaux des anciens et suscité des polémiques et des publications innombrables? Aussi personne ne s'est décidé à reprendre l'histoire de la taille en son entier, au point où l'avait laissée Bégin, et ce n'est que dans des thèses, des brochures, des journaux, qu'il faut chercher les travaux publiés sur des points particuliers de la question. Les histoires de la chirurgie, les ouvrages sur les maladies des voies urinaires, de la vessie, ou plus spécialement consacrés à l'affection calculeuse, offrent parfois des chapitres intéressants à consulter. On trouvera dans la bibliographie de cet article l'indication des travaux les plus importants.

Sans vouloir remonter avec Thompson jusqu'aux temps préhistoriques, pour y rechercher les calculs urinaires perdus dans les restes humains, et les traces encore visibles sur ces pierres vésicales d'instruments employés pour leur extraction, il n'est pas douteux aujourd'hui que la cystotomie ait été mise en usage dès les temps les plus reculés.

1. CYSTOTOMIE CHEZ L'HOMME. A. Petit appareil. Incision sur la pierre. La nécessité de l'opération de la taille est telle que l'on serait en droit d'affirmer, même sans preuves directes, qu'elle a dû être pratiquée dès la plus haute antiquité (René Briau: Hippocrate et la lithotomie). Mais les preuves ne font pas défaut. La description la plus ancienne de l'opération est celle du traité de médecine dit Suçruta, publié en sanscrit à Calcutta en 1855, et traduit en latin par le docteur F. Hessler. Sans qu'on puisse déterminer avec quelque précision l'époque à laquelle vécut le savant de l'Inde, auteur de cet ouvrage, il est presque certain que cet écrit remonte à plusieurs siècles avant l'ère moderne et est antérieur à la collection hippocratique. Depuis longtemps les Hindous

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