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Quel sera le commencement de preuve par écrit, quels seront les indices graves? le tribunal devra les apprécier; cependant, la loi détermine en quoi consistera le commencement de preuve par écrit. Il faudra que les actes dont on veut se servir émanent d'une partie engagée dans la contestation ou qui y aurait un intérêt si elle était vivante. Ainsi l'acte de naissance dans lequel on indique seulement la mère, ne pourra pas servir de commencement de preuve par écrit, car ce n'est pas elle qui est allée faire la déclaration de la naissance de son enfant; tandis que tout acte, une simple lettre missive même émanée d'une des parties intéressées suffirait pour commencement de preuve par écrit. Toutefois, suivant les circonstances, les magistrats pourraient voir une présomption ou un indice grave dans l'indication de la mère sur l'acte de nais

sance.

Quand l'enfant aura prouvé l'accouchement de sa mère et son identité, il en résultera que le mari de sa mère sera présumé être son père jusqu'à preuve du contraire; seulement quant à cette preuve du contraire, on la fera par toute espèce de moyens, et les juges décideront d'après les renseignements qu'ils recevront. Pour détruire la maternité et la présomption de paternité, il ne faudra que prouver une simple impossibilité morale de cohabitation,

et pour cela les adversaires de l'enfant se serviront directement de la preuve testimoniale.

La loi veut que les tribunaux civils soient seuls compétents pour statuer sur les questions de filiation; et même si une cour d'assises ou un tribunal correctionnel était saisi d'une question, et qu'au milieu du débat il intervînt incidemment une question de filiation, la cour ou le tribunal devrait suspendre sa décision jusqu'au jugement du tribunal civil; c'est le contraire de la règle ordinaire, « le criminel tient le civil en suspens» (art. 3, C. Instr. Crim.). Par exemple, si quelques-uns des faits allégués par un époux demandeur dans une affaire en séparation de corps donnent lieu à une poursuite criminelle de la part du ministère public, l'action en séparation de corps restera suspendue jusqu'après l'arrêt de la cours d'assises (art. 235). Dans le cas de filiation, ce sera le contraire; pourquoi donc en est-il ainsi? La raison la plus généralement admise est celle-ci : la loi, en matière de filiation, ne permet la preuve testimoniale qu'avec un commencement de preuve par écrit, ou en présence d'indices graves; or, en matière criminelle, la preuve testimoniale est admise sans condition aucune; il faudra donc que les tribunaux criminels suspendent leur décision quand il y aura véritablement lieu à un procès civil. L'état des personnes est chose hors le com

merce, donc l'action en réclamation d'état doit être imprescriptible, elle l'est, en effet, à l'égard de l'enfant (art. 328); mais la nature de cette action change quand elle passe aux héritiers; relativement à eux, en effet, elle est surtout considérée au point de vue de l'intérêt pécuniaire, et elle est susceptible de s'éteindre par prescription. Ils auront donc le droit de transiger, de renoncer à toute poursuite; et l'action est tellement considérée comme action pécuniaire, par rapport à eux, que si l'enfant a laissé passer les cinq années qui suivent sa majorité sans former aucune demande, il sera présumé renoncer et l'action ne pourra plus être intentée par les héritiers.

Si l'on ne se trouve pas dans cette hypothèse, l'action pour les héritiers se prescrira par trente ans depuis l'ouverture de la succession de l'enfant.

le

Il pourrait encore arriver que, plus de cinq ans après sa majorité, l'enfant intentât lui-même l'action; alors la présomption de renonciation n'existerait plus et les héritiers pourraient continuer cette action. Il faut, toutefois, que désistement ou la péremption ne soient pas venus mettre fin à l'instance. Quoique la question fasse doute aux yeux de plusieurs auteurs, nous pensons que la péremption ne s'accomplirait pas ici de plein droit; les rédacteurs ont

évidemment entendu s'en référer sur ce point aux formes qui seraient établies par le Code de procédure. Ce qui le prouve, c'est l'addition du mot désistement que personne ne soutient avoir lieu de plein droit; donc les héritiers peuvent poursuivre l'instance tant que les adversaires n'auront pas posé de conclusions pour se faire adjuger le bénéfice de la péremption.

CHAPITRE III.

DES ENFANTS NATURELS.

Ces enfants ont eu différents noms : dans l'ancien droit, ont les appelait bátards; dans le projet du Code, on les a désignés sous le nom d'enfants nés hors mariage, et maintenant ce sont les enfants naturels.

Leurs droits ont aussi changé avec les différentes législations. Notre ancienne jurisprudence refusait aux bâtards tout droit sur les biens de leurs père et mère, elle ne leur accordait que des aliments; le droit intermédiaire leur a donné les mêmes droits qu'aux enfants légitimes, et le Code a suivi un système intermédiaire ; il les a plus favorisés que ne le faisait notre ancienne jurisprudence, mais moins que ne le faisait le droit intermédiaire; sans manquer à l'humanité, le législateur a su main

tenir aux enfants nés du mariage la juste préférence qu'ils méritent.

SECTION Ire.

De la légitimation des enfants naturels.

La légitimation est un bienfait de la loi par lequel certains enfants naturels arrivent à avoir les mêmes droits que les enfants légitimes. Elle nous vient beaucoup moins du droit romain que du droit canonique.

Il y a, en effet, une grande différence dans le but de la légitimation en droit romain et en droit français.

En droit romain, la légitimation avait uniquement pour but de placer sous la puissance paternelle l'enfant né hors de cette puissance, quoique né d'un véritable mariage, le concubi natus. En droit français, au contraire, la légitimation a pour but de réhabiliter la mère et l'enfant, et d'effacer la tache qui résulte pour la mère de ses relations immorales et illicites et pour l'enfant né de ces relations.

A quelle source donc le Code Napoléon a-t-il emprunté le système de la légitimation par mariage subséquent? Au droit canonique et à la fameuse maxime : « Tanta vis est matrimonii ut qui « antea sinl geniti, contracto deinde matrimonio,

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