été conçues dans le calme de ces bureaux des ministères que certains chroniqueurs ont appelé, pour cela, un peu pompeusement « le berceau de la gloire »> (1). Quant à la somme de travail qu'ont à fournir les bureaux et à la capacité professionnelle de leur personnel, il faut, pour les apprécier équitablement à l'heure actuelle, tenir compte des modifications très importantes qui se produisent, à ce point de vue, depuis quelques années. Profonds changements survenus en ces dernières années; la lé (1) Voici la liste des principaux littérateurs, auteurs dramatiques, romanciers et poètes, qui ont appartenu au personnel des adn inistrations centrales des ministères et de la préfecture de la Seine; nous n'y faisons figurer que des noms d'auteurs décédés ou ayant actuellement quitté l'Administration : Théodore BARRIÈRE (rédacteur au ministère de la Guerre); Emmanuel CHABRIER (expéditionnaire au ministère de l'Intérieur); François COPPÉE (rédacteur au ministère de la Guerre); Georges COURTELINE (rédacteur à l'administration centrale des Cultes); Léon DIERX (expéditionnaire, puis rédacteur au ministère de l'Instruction publique); E. ESTAUNIE (directeur au sous-secrétariat d'État des Postes); Ludovic DE FRANCMESNIL (rédacteur au ministère de la Guerre); Léon FRAPIE (rédacteur à la préfecture de la Seine); Charles GRAND MOUGIN (rédacteur au ministère de la Guerre); Paul HERVIEU (attaché au ministère des Affaires étrangères); J.-K. HUYSMANS (rédacteur, puis sous-chef et chef de bureau au ministère de l'Intérieur); Paul D'IVOI (DELEUTRE) (rédacteur au ministère des Travaux publics); Henry KÉROUL (QUEYROUL) (rédacteur au ministère des Travaux publics); Georges LECOMTE (rédacteur au ministère de la Justice); G. LENÔTRE (rédacteur au ministère de la Marine); Maurice MAGRE (attaché au sous-secrétariat d'État des Beaux-Arts); Guy DE MAUPASSANT (rédacteur au ministère de la Marine, puis rédacteur principal au ministère de l'Instruction publique); Paul MARGUERITTE (rédacteur au ministère de l'Instruction publique); Henri MAZEL (commis au ministère de la Marine); Alfred DE MUSSET (bibliothécaire au ministère de l'Intérieur); Yann NIBOR (commis au ministère de la Marine); François DE NION (attaché au ministère des Affaires étrangères); Charles-Louis PHILIPPE (rédacteur à la préfecture de la Seine); Marcel PRÉVOST (ingénieur détaché dans les bureaux du ministère des Finances. Direction générale des manufactures de l'État); Henry ROUJON (chef de bureau au sous-secrétariat d'État des Beaux-Arts); Albert SAMAIN (expéditionnaire à la préfecture de la Seine); Armand SILVESTRE (rédacteur, puis inspecteur des Finances au ministère des Finances); STENDHAL (Henri BEYLE) (rédacteur au ministère de la Guerre); André THEURIET (rédacteur, puis sous-chef et chef de bureau au ministère des Finances. Direction générale de l'Enregistrement). gende et la réalité. Les plaisanteries sur le travail presque insignifiant accompli dans les bureaux, qui ont eu, à juste titre peutêtre, leur heure de célébrité, sonnent faux de nos jours. Les bureaux ont conservé leur calme régularité, mais, neuf fois sur dix, c'est une régularité active et laborieuse. M. Badin va maintenant à son bureau tous les jours et il y travaille. Car on travaille dans les bureaux des ministères, on y travaille même beaucoup; seulement, ainsi que nous le verrons, on y travaille généralement mal. En tout cas, les récits relatifs à la vie de perpétuel repos menée à l'intérieur des ministères, qui font d'eux, aux yeux de beaucoup de gens, d'étranges et solennelles « maisons du sommeil »>, peuvent être rélégués au rang des simples légendes. La transformation radicale et déjà effective que nous signalons est une conséquence directe de la multiplication incroyable du nombre des affaires administratives depuis une dizaine d'années et de leur progressive complication. C'est dans notre régime de centralisation très développée que réside la cause essentielle de cet état de choses. Chaque jour l'Administration augmente le domaine de son activité et fait sentir davantage son action là où elle s'exerçait déjà (1); de plus les interventions incessantes des membres du Parlement, aux recommandations desquels il faut nécessairement répondre d'une façon détaillée, augmentent singulièrement, dans certains services surtout, la besogne des bureaux; les ministres, désireux d'être renseignés sur des décisions qu'il leur faut signer sans avoir le temps d'examiner le dossier, exigent que la moindre d'entre elles soit accompagnée d'une note résumée et explicative; enfin de récentes améliorations des traitements du personnel des administrations centrales ont dû être compensées par d'importantes suppressions d'emplois, précisément à l'heure où le travail augmentait d'intensité. (1) Nous reviendrons sur les manifestations de cette centralisation dans notre troisième partie (compétence du ministère), mais nous pouvons signaler dès à présent, à titre d'exemple, ce fait significatif que chaque administration centrale tend à se réserver la nomination de tous les fonctionnaires ou agents du département, même les moins élevés en grade les commis des Ponts et Chaussées et des Mines, nommés jadis par les ingénieurs en chef, le sont aujourd'hui par le ministère des Travaux publics; le ministère des Finances vient de s'attribuer la nomination des commis de trésoreries précédemment désignés par les trésoriers généraux; ce sera demain le tour des employés de préfecture et des sousofficiers, dont la nomination appartient actuellement aux préfets et aux colonels. Dans le personnel lui-même une évolution très apparente s'est produite par contre-coup; le type de l'employé-amateur a presque totalement disparu; « l'admirable Courteline ne reconnaîtrait plus ses étonnants ronds-de-cuir, ni Lecomte ses cartons verts » (1); ce sont des administrateurs que l'Administration entend désormais recruter, non des artistes ou des hommes de lettres; il serait à regretter cependant qu'en se montrant exigeante et trop exclusive elle perdit à tout jamais l'auréole que ces derniers lui avaient faite. Quant à la capacité professionnelle de ce personnel transformé, elle est incontestable et ne pourra que s'accroître à raison de l'élévation constante du niveau des concours et des diplômes qui la garantissent. De cela on ne peut que se féliciter. « L'ancienne bureaucratie, disait, il y a quelques années déjà, M. Demartial, où on se formait uniquement en copiant des précédents que des générations d'employés se transmettaient pieusement comme le flambeau de toutes les connaissances, où le moindre scribe un peu protégé pouvait arriver aux emplois supérieurs, cette bureaucratie devrait avoir fait son temps. »> Son vœu légitime est en train de se réaliser; il reste seulement à souhaiter que la bureaucratie nouvelle soit mise à même, par la réforme de son organisation intérieure et de ses méthodes de travail, d'employer utilement ses connaissances et son activité. Organisation des bureaux. Les directions et services. Les bureaux. Les textes qui réglementent l'organisation des bureaux des administrations centrales des ministères sont les suivants : Avant le 1er janvier 1o Loi de finances du 29 décembre 1882 (art. 16). 1884, l'organisation centrale de chaque ministère sera réglée par un décret rendu dans la forme des règlements d'Administration publique et inséré au Journal officiel. Aucune modification ne pourra être apportée que dans la même forme et avec la même publicité; 2o Loi de finances du 13 avril 1900 (art. 35). Les décrets rendus (1) Revue hebdomadaire, numéro du 5 février 1910, Les tendances de la Bureaucratie, par P. HUGUES. en Conseil d'État qui, en exécution de l'article 16 de la loi du 29 décembre 1882, régleront à l'avenir l'organisation centrale de chaque ministère, ne détermineront que le traitement du personnel, le nombre des emplois de chaque catégorie, ainsi que les règles relatives au recrutement, à l'avancement et à la discipline. Toutes les autres dispositions relatives à l'organisation feront l'objet d'un décret qui sera inséré au Journal officiel. : Par exception, le nombre des emplois de chefs de service de chaque catégorie, savoir directeurs généraux ou secrétaires généraux, directeurs, chefs de division ou chefs de service, sous-directeurs, chefs de bureau, ne pourra être augmenté que par une loi; 3o Loi de finances du 13 avril 1900 (art. 55). Toute mesure ayant pour effet d'augmenter le nombre ou les traitements des fonctionnaires et agents rémunérés sur le budget de l'État devra faire l'objet d'un décret contresigné par le ministre des Finances. Aucune modification aux conditions d'admission à la retraite et aux taux des pensions du personnel, quel qu'il soit, des diverses administrations de l'État, ne peut être autorisée que par une loi. 4° Loi de finances du 30 mars 1902 (art. 79). Les cadres de toutes les administrations centrales établis par des règlements d'administration publique devront toujours correspondre exactement aux crédits votés pour cet objet dans chaque budget spécial. Aucune modification ne pourra être mise en application si elle implique une augmentation correspondante des crédits votés. Les administrations centrales ne peuvent pas comprendre dans leurs cadres des fonctionnaires payés sur d'autres chapitres du budget, et aucun fonctionnaire ne doit toucher un traitement différent de celui qui est déterminé par la loi budgétaire. 5o Loi de finances du 22 avril 1905 (art. 43). A partir du 1er janvier 1906, sera interdite l'imputation sur des chapitres autres que ceux affectés aux dépenses de personnel des administrations centrales de tous traitements, indemnités ordinaires ou extraordinaires allouées au personnel du cadre permanent, auxiliaire ou temporaire employé dans les administrations centrales des ministères. Cette réglementation assure aux bureaux, malgré les réorganisations très fréquentes des administrations centrales, une existence à l'abri de l'arbitraire et une régularité de fonctionnement à peu près suffisante. Chaque administration centrale est divisée en un certain nombre de directions, qui ont remplacé les anciennes divisions. La nécessité de grouper dans une même direction un nombre suffisant de services nuit parfois à leur homogénéité; pour remédier à cet inconvénient, et pour laisser à certains services une autonomie assez complète, un ou plusieurs bureaux peuvent exceptionnellement n'être rattachés à aucune direction. Le groupement par direction a, d'autre part, le très grand avantage, en concentrant l'administration dans un petit nombre de mains, de permettre au ministre d'exercer plus commodément et plus efficacement son action et son contrôle. Chaque direction comprend un certain nombre de bureaux. Le bureau est l'organe administratif auquel sont confiées toutes les affaires d'une catégorie déterminée. Il est véritablement l'« unité administrative », la cellule initiale de l'organisation centrale d'un ministère. C'est dans le bureau que sont réellement et effectivement traitées les affaires; chaque bureau comporte des emplois des différents ordres et constitue un petit service complet au sein de l'Administration centrale. Les directions et les bureaux les plus importants, dont les attributions peuvent être nettement subdivisées, sont quelquefois fractionnés en sous-directions et en sections de bureau. Le nombre des directions de chaque ministère varie entre trois et douze, celui des bureaux de chaque direction entre trois et huit (1). La hiérarchie des emplois et la division du travail; sérieuses critiques auxquelles elles donnent lieu. A la tête des bureaux peut se trouver un secrétaire général; dans chaque direction, le directeur étudie les diverses affaires qu'il reçoit du cabinet, les passe aux chefs de bureau compétents avec ses instructions, et veille à la marche de l'ensemble du service dont il a la responsabilité; le plus grand nombre des affaires sont solutionnées dans la direction même et le directeur signe, au nom du ministre, la décision à intervenir; les autres sont soumises à la signature du ministre; les décisions qui revêtent la forme d'arrêtés sont d'abord signées par le directeur, puis soumises à la signature du ministre; le directeur peut avoir pour le seconder ou le suppléer, même lorsque sa direction n'est pas divisée en sous-directions, un directeuradjoint ou un sous-directeur. (1) La liste complète des directions et bureaux des douze ministères avec l'indication de leurs attributions est donnée par l'Almanach national, auquel nous renvoyons pour ce point. Cette liste, fort intéressante, constitue une véritable table des matières de toute notre organisation administrative. |