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« Le sous-chef, dit M. Demartial dans son étude sur le personnel des ministères, devrait être supprimé. Il n'a pas d'attributions propres, il double le chef. Or, si le chef est bon, le sous-chef n'a rien à faire; si le chef est mauvais, qu'on donne sa place au souschef...

«< Même observation en ce qui concerne l'emploi de sousdirecteur. Quel besoin le chef et le directeur peuvent-ils avoir de truchement pour communiquer entre eux?

« Cette manie de faire diriger un même service par une pyramide de chefs superposés n'a pas seulement l'inconvénient de surcharger le budget d'emplois inutiles, elle gaspille un temps prodigieux, use les énergies, tue l'esprit d'initiative, supprime les responsabilités; on peut dire qu'elle est le principal vice de l'Administration.

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Comptez par combien de personnes passe une affaire dans un ministère directeur, sous-directeur, chef, sous-chef, avant d'arriver à l'employé qui sera chargé de la traiter! Songez qu'une fois traitée elle repassera en sens inverse par les mêmes mains, sans compter le cabinet du ministre, sans compter le visa de la Direction du contrôle qui fonctionne dans plusieurs ministères, sans compter l'avis de tel ou tel comité, sans compter la séquelle des chefs de fantaisie qui, sous les fallacieux vocables d' « adjoints >> et de « faisant fonctions » se donnent d'avance du grade supérieur et viennent ridiculement allonger encore l'échelle de Jacob et de notre tchine bureaucratique! »>

Eh bien, disons tout de suite que nous ne partageons pas absolument, sur ce point, l'opinion de M. Demartial. Sans doute, la filière hiérarchique dont il vient d'être question, quoique beaucoup moins longue que celle qui va par exemple du capitaine au commandant de corps d'armée, occasionne parfois un retard

des chemins de fer du fardeau chaque jour plus pesant des concessions de lignes d'intérêt local. Combien plus difficilement encore serait réalisable un autre projet, défendu à diverses reprises, non sans éloquence par M. Chardon, projet qui consisterait à rendre possible la disparition du ministère de l'Intérieur, en rattachant ses directions à d'autres administrations centrales et en supprimant purement et simplement l'Administration préfectorale. En admettant que cette suppression radicale, en opposition avec toute la tradition historique, soit désirable, ce qui n'est pas notre avis, quel est le Gouvernement qui, dans n'importe quel pays, sous n'importe quel régime, consentirait à être privé de préfets ou de fonctionnaires analogues?

appréciable dans la solution des affaires. Mais qu'est-ce à dire, sinon que les attributions des divers chefs sont généralement fort mal réparties?

Le sous-directeur et le sous-chef ne doivent évidemment pas être placés à côté du directeur et du chef pour faire, avant ou après eux, exactement la même besogne; ils doivent, sous leur responsabilité propre, les décharger d'une partie déterminée de leurs attributions et, exceptionnellement, les remplacer. Ce n'est pas de ce que la première de ces deux conceptions, que tout le monde s'accorde à reconnaître détestable, est trop souvent mise en pratique qu'il faut conclure à la suppression pure et simple des sous-directeurs et des sous-chefs. En ce qui concerne les sous-directeurs, il importe d'abord d'observer qu'il n'en existe que dans les directions les plus importantes; or, étant donnée l'intensité actuelle du travail administratif, si une direction de trois ou quatre bureaux peut assurément fonctionner sans sousdirecteur, il serait, la plupart du temps, au-dessus des forces d'un homme seul d'assurer, à tous les points de vue et pour toutes les parties du service, le fonctionnement d'une direction de six ou huit bureaux. Quant au sous-chef de bureau, nous n'hésitons pas à le déclarer indispensable; un directeur, qui n'a pas d'employés placés directement sous ses ordres, peut s'en remettre momentanément à ses chefs de bureau pour assurer la marche du service; un chef de bureau, au contraire, doit exercer à l'égard de son personnel une action directrice et un contrôle de tous les instants; qu'il se trouve absent, le bureau, composé d'employés de grades divers, mais n'ayant aucune autorité les uns sur les autres, risque fort, s'il n'y a pas de sous-chef, de ne fonctionner que très irrégulièrement ou de ne pas fonctionner du tout. Or, un chef peut être malade ou en congé, il doit, certains jours, recevoir ou siéger en commission, ses heures de présence habituelles ne sont pas celles de tous ses employés; quelle que soit l'importance du bureau, le besoin d'un sous-chef se fait impérieusement et constamment sentir; l'Administration centrale pourrait, à la rigueur, se passer de sous-directeurs, elle ne pourrait se passer de sous-chefs de bureau. Rien n'empêche d'ailleurs, dans les bureaux les moins chargés, de confier au sous-chef, en plus de ses attributions normales, un petit service de rédaction..

M. Demartial, du reste, ne méconnaît pas la nécessité qu'il y a à ce que le chef de bureau absent soit remplacé, et il propose de créer, à cet effet, un « grade » de rédacteur principal intermédiaire entre celui de rédacteur et celui de chef de bureau. Le chef serait, à l'occasion, remplacé temporairement, par un rédacteur principal, et le personnel d'exécution ne se trouverait pas ainsi privé en permanence d'une unité.

Nous croyons qu'il serait généralement impossible à un rédacteur principal, surtout au moment des congés, d'assurer convenablement son service et, en même temps, de diriger et de contrôler le travail d'un bureau; d'autre part, dans les forts bureaux, ou dans les bureaux comprenant plusieurs sections, c'est d'une façon continue que le chef a besoin d'être secondé. La dénomination de sous-chef, appliquée à l'auxiliaire et au remplaçant éventuel du chef, nous paraît dès lors tout à fait logique, et le grade de sous-chef de bureau nous semble devoir être maintenu, quitte à faire simplement du rédactorat principal, ainsi que nous avons eu l'occasion de le dire, une classe ou une série de classes, mais non un grade distinct.

Il ne faut donc pas admettre a priori, et d'une façon absolue, toutes les critiques adressées à l'organisation des administrations centrales; cependant il est certain que les résultats ne correspondent que bien rarement à l'effort qui y est fourni par le personnel et, parmi ces fonctionnaires « qui fonctionnent à vide », les hommes d'action ne tardent pas à se lasser d'une besogne « qui rappelle celle de l'écureuil en cage, quoique, pour l'exécuter, une instruction complète et une longue éducation professionnelle soient parfois nécessaires > (1).

Les vices principaux consistent dans le défaut presque absolu de méthode, le manque de décision, l'esprit d'hostilité à l'égard de toute simplification et de tout changement. Que de travaux radicalement inutiles, quoique bien souvent longs et difficiles, pourraient être évités si tous les chefs apportaient dans leurs décisions la logique et la réflexion voulues et savaient, à l'occasion, ne pas mettre au-dessus de tout autre souci celui d'éviter des

(1) P. D'HUGUES, Bulletin de l'Union des associations des administrations centrales numéro de mai-juin 1910.

responsabilités éventuelles! Que de temps pourrait être gagné si tous les employés s'appliquaient à travailler avec méthode, à collaborer avec leurs chefs, et savaient ne pas se considérer comme dispensés de toute initiative personnelle!

Mais le peu de souci des forces perdues se retrouve même dans la répartition des attributions; pour les rédacteurs, en particulier, il semble que ce soit une gageure un licencié ès sciences ne manquera pas d'être affecté à un service de contentieux; un licencié en droit ira dans un service de recherches historiques ou de statistique et un licencié ès lettres aura beaucoup de chances de se voir attribuer un service de comptabilité.

Il y a mieux. La répartition normale des besognes entre les différents grades, telle que nous l'avons indiquée plus haut, demeure, dans la plus grande partie des cas, à l'état de conception théorique, et il serait difficile de trouver une institution où la loi de la division du travail soit plus manifestement et plus systématiquement violée que dans les ministères. L'industriel ou le directeur de compagnie privée qui pénétrerait dans les détails du fonctionnement de l'un d'eux ne tarderait certainement pas à se demander dans quel milieu étrange et mal connu il vient de s'aventurer, et s'il n'est pas le jouet d'un rêve. Il verrait avec stupeur des chefs de service, d'âge et à des traitements en rapport avec leur grade déjà élevé, occupés presque uniquement à répartir la besogne de quatre ou cinq employés, à collationner, fort consciencieusement d'ailleurs, des expéditions, et à signer des copies conformes; il verrait des rédacteurs abondamment pourvus de titres et de diplômes, licenciés ou docteurs, quelquefois agrégés, passer la majeure partie de leur temps à recopier des lettres types, à remplir les blancs de formules imprimées, à faire des relevés de chiffres ou des tableaux et à opérer des classements plus ou moins ingénieux de noms et de pièces. Faudrait-il s'étonner si, après cela, il s'écriait que l'Administration est une terrible gaspilleuse de capacités et d'énergies? En réalité, dans beaucoup de services, il serait nécessaire de réorganiser entièrement, d'après une méthode rationnelle et simple, les procédés de travail. Il importerait d'exiger des chefs de tous grades une capacité et une compétence indiscutables, en même temps, d'accroître dans une très large mesure l'importance de leurs attributions respectives,

leur autorité et leur pouvoir d'initiative, ce qui diminuerait fort heureusement la tâche souvent écrasante des directeurs. Il faudrait créer partout, entre la catégorie des rédacteurs et celle des copistes, la catégorie indispensable des commis; il faudrait surtout, là où elle existe, associer logiquement, dans toutes parties du service, le travail des rédacteurs et celui des commis, en ne demandant aux rédacteurs, dont le nombre pourrait ainsi être considérablement réduit, que de la rédaction, et en s'adressant aux commis pour tous les autres travaux, qu'ils exécuteraient plus vite et, la plupart du temps, beaucoup mieux que les rédacteurs Rappelons enfin qu'il serait souhaitable que, sans supprimer entièrement les expéditionnaires, on remplaçât un grand nombre d'entre eux par des dames dactylographes (1).

De ces diverses réformes, l'Administration tirerait grandement profit, non seulement au point de vue de son meilleur fonctionnement, mais même à celui des économies considérables qui pourraient en résulter.

(1) Il n'existe actuellement de commis que dans les ministères suivants : Justice, Affaires étrangères, Intérieur, Guerre et Marine.

Il est vrai que, dans les autres, les travaux qui doivent normalement incomber aux commis sont assez fréquemment accomplis par des expéditionnaires; mais bien souvent aussi il le sont par des rédacteurs.

Le manque d'uniformité dans la nature des travaux accomplis par les rédacteurs dans les différents ministères, apparaît d'ailleurs clairement si l'on observe les variations qui existent dans le nombre de ces rédacteurs, considéré par rapport à celui des commis et expéditionnaires. Il est facile de s'en rendre compte par l'examen des chiffres suivants :

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D'autre part, il n'existe de dames sténo-dactylographes que dans huit ministères Justice, Affaires étrangères, Intérieur, Instruction publique, Travaux publics et Postes, Agriculture, Travail.

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