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des intéressés et dont M. Ferdinand Buisson, député et ancien directeur de ministère, n'a pas hésité à dire « Le Parlement n'a plus qu'à le voter. »>

Tout récemment, le comité s'est encore remis à l'oeuvre afin de parfaire certaines dispositions, de simplifier certaines parties et de donner à l'ensemble du projet une forme pratique, s'inspirant aussi largement que possible de l'organisation existante et des nécessités budgétaires, afin d'en permettre la réalisation immédiate.

Le texte définitif de l'Union a rencontré de très nombreuses approbations dans le Parlement. Il est donc permis d'espérer que la réforme ne tardera plus trop longtemps à s'accomplir et suivra immédiatement le vote du statut général des fonctionnaires. En octobre 1910, une commission interministérielle a d'ailleurs été instituée dans le but d'examiner s'il ne serait pas possible de réaliser, même avant ce vote, l'unification des traitements.

(A suivre.)

Henry NOËLL,

Docteur en droit,

Rédacteur au Ministère des Travaux publics.

REVUE D'ADM. 36 ANNÉE, T. I FÉVR. 1913

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En matière de contravention, d'usurpation sur les chemins vicinaux, l'action répressive qui, devant le conseil de préfecture, est intentée par le préfet ne peut être exercée devant le Conseil d'État que par le ministre.

Un agent voyer ayant dressé contre un sieur Adam un procèsverbal pour anticipation sur un chemin vicinal ordinaire de la commune de Groix (Morbihan), le préfet déféra le contrevenant au conseil de préfecture qui le relaxa des fins du procès-verbal, en se basant sur cette considération que l'action tendant à la restitution du sol usurpé sur les chemins vicinaux ordinaires doit être exercée par le maire.

Le préfet demanda au Conseil d'État la réformation de cette décision et la haute assemblée a statué par l'arrêt suivant :

Le Conseil d'État, statuant au contentieux,

Considérant que si l'article 10 de la loi du 22 juillet 1889 donne compétence au préfet pour saisir le conseil de préfecture des procèsverbaux de contravention sans qu'il y ait lieu de distinguer, s'il s'agit d'anticipations commises sur les chemins vicinaux, entre les chemins de grande communication et les chemins d'intérêt commun ou ordinaires et si, par suite, c'est à bon droit que le préfet du Morbihan avait transmis au conseil de préfecture le procès-verbal dressé contre le sieur Adam et cité ce dernier à comparaître devant le conseil de préfecture, il n'appartient pas néanmoins au préfet de déférer au Conseil d'État l'arrêté susvisé par lequel le conseil de préfecture a statué sur ledit procès-verbal;

Qu'en effet, en matière de contravention, l'action répressive, qui, devant le conseil de préfecture, est intentée par le préfet, ne peut être exercée devant le Conseil d'État que par un ministre et que, en tant que l'instance intéresse la conservation d'une propriété communale, le préfet n'est pas le représentant légal de la commune;

Qu'il suit de là que la requête du préfet du département du Morbihan n'est pas recevable;

Décide:

La requête susvisée du préfet du Morbihan est rejetée.

Cette décision contient deux solutions d'une part, elle affirme le droit du préfet de poursuivre devant le conseil de préfecture les usurpations commises sur tous les chemins vicinaux, même sur les chemins vicinaux ordinaires; d'autre part, elle refuse au préfet le droit de faire appel de la décision du conseil de préfec

ture.

Examinons chacune de ces solutions :

On peut être surpris que le préfet ait qualité pour demander la restitution d'un sol usurpé sur un chemin vicinal ordinaire, voie exclusivement communale, en intentant une action répressive, puisqu'il ne représente pas la commune; il semblerait plus logique que cette action fût introduite devant le conseil de préfecture par le maire (Dans ce sens GUILLAUME, Voirie vicinale, édit. 1901, no 179; DALL., Suppl. au Répert., vo Voirie par terre, no 322). Mais l'article 10 de la loi du 22 juillet 1889 dispose expressément que « lorsqu'il s'agit de contravention... le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal... avec citation à comparaître... devant le conseil de préfecture »; il réserve ainsi au préfet le droit d'exercer, pour toutes les contraventions. qui sont de la compétence du conseil de préfecture, l'action répressive le Conseil d'État s'était déjà prononcé dans ce sens par un arrêt du 27 décembre 1901 (Jouhendon); il a confirmé sa jurisprudence dans le premier considérant de la décision ci-dessus rapportée.

Il ne faudrait pas en conclure que le maire est sans moyen de poursuivre la restitution du sol usurpé; il pourra tout d'abord introduire, au nom de la commune, une action civile en revendication de la propriété devant les tribunaux ordinaires, et cette action présente même l'avantage sur l'action civile, accessoire de l'action publique, de n'être prescrite que par trente ans au lieu d'être soumise à la courte prescription d'un an édictée par l'article 640 du Code d'instruction criminelle (Traité de Voirie, par RABANY et MONSARRAT, I, nos 662 et suiv.); il aura, en outre,

le droit d'intervenir (1) devant le conseil de préfecture (C. d'Ét. 3 août 1877, Cintray; 17 mars 1905, Chagny) et cette intervention qui, au premier abord, peut paraître superflue, puisque le préfet, par hypothèse, poursuit la restitution, est, dans certains cas, indispensable, car elle permettra, comme nous allons le voir, au maire de faire appel au Conseil d'État.

La seconde solution contenue dans l'arrêt examiné constitue, à notre connaissance, la première application aux chemins vicinaux d'une jurisprudence constante en matière de voirie départementale notamment par deux arrêts en date des 23 avril 1880 (Département de Seine-et-Oise, D., P., 81, 3, 23) et 15 mai 1891 (Préfet de l'Aube) le Conseil d'État a déclaré que le ministre des Travaux publics, à l'exclusion du département et du préfet, a seul qualité pour se pourvoir contre un arrêté du conseil de préfecture, statuant sur un procès-verbal de contravention commise sur une route départementale (Dans ce sens également, LAFERRIÈRE, Traité de la Juridiction administrative, 2e édit., II, p. 673; Rappr. C. d'Ét., 7 févr. 1912, Jellinck-Mercèdès et les conclusions de M. le commissaire du gouvernement Corneille, dans la Revue générale d'Administration, 1912, t. III, p. 169 et suiv.). Dans l'espèce, donc, il n'appartenait pas au préfet d'introduire le pourvoi.

Mais, doit-on en conclure, par assimilation avec la jurisprudence relative aux contraventions de grande voirie, que le ministre de l'Intérieur (qui, à l'égard des chemins vicinaux exerce un pouvoir analogue à celui du ministre des Travaux publics à l'égard des routes départementales) avait qualité pour former le recours? On peut en douter; en effet, l'action qui est mise en mouvement lorsque l'Administration défère aux tribunaux administratifs un contrevenant de grande voirie est, à la fois, l'action publique qui tend à la condamnation pénale et l'action civile qui a pour objet la réparation du dommage; il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit d'une contravention pour anticipation sur un chemin vicinal;

(1) En droit pénal, l'intervention n'est pas admise; mais, en l'absence de textes directement applicables aux contraventions qui sont de la compétence administrative, le Conseil d'État admet l'intervention des personnes intéressées, même dans les instances entre la puissance publique et un tiers (Voir sur la question LAFERRIÈRE, op. cit. infra, p. 674).

l'action publique, exercée dans l'intérêt de l'ordre public au nom de la société, est portée devant le tribunal de simple police et c'est l'action civile qui est introduite devant le conseil de préfecture (RABANY et MONSARRAT, op. cit., I, nos 613 et 672); dès lors, l'ordre public et la société n'étant pas intéressés à la restitution du sol au chemin, il semble que le ministre soit sans qualité pour agir, la commune seule, par l'intermédiaire du maire, son représentant légal, étant compétente à cet égard.

Il existe, en effet, une différence entre la jurisprudence relative à la voirie départementale et celle qui concerne les chemins vicinaux le maire, lorsqu'il est intervenu devant le Conseil de préfecture, est recevable à déférer la décision de ce tribunal au conseil d'État c'est ce qu'ont explicitement décidé les arrêtés précités des 3 août 1877 et 17 mars 1905; c'est ce qui résulte implicitement du deuxième considérant de l'arrêt du 12 octobre 1912, qui déclare irrecevable le recours du préfet parce que celui-ci n'est pas le représentant légal de la commune; a contrario, le représentant légal de la commune, c'est-à-dire le maire, aurait qualité pour former le pourvoi; -au contraire, le préfet, bien qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 10 août 1871 il représente en justice le département, n'est pas admis à poursuivre, par voie d'appel, les réparations civiles, telles que la remise en état d'un fossé bordant une route et indûment comblé (Arr. 23 avril 1880 précité). Nous avouons ne pas apercevoir les motifs qui peuvent être de nature à justifier cette différence; mais elle se dégage sans nul doute du rapprochement des décisions que nous venons de citer.

Enfin, à l'occasion de l'arrêt de 1912, on peut se poser une dernière question : le préfet serait-il recevable à déférer au Conseil d'État une décision du conseil de préfecture renvoyant un inculpé des fins d'un procès-verbal dressé pour contravention sur les chemins vicinaux d'intérêt commun ou de grande communication? A notre avis, cette question doit être résolue par l'affirmative: il est aujourd'hui, en effet, de jurisprudence constante que le préfet est le représentant légal des communes intéressées à ces chemins et auxquelles ces chemins appartiennent indivisément; dès lors, du moment que le maire a qualité, en tant que représentant la commune propriétaire d'un chemin vicinal ordinaire, pour poursuivre en appel la restitution du sol usurpé, le préfet doit être

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